L'Union européenne exige que l'Italie revoie son projet de budget 2019

Par latribune.fr  |   |  976  mots
Pierre Moscovici s'est rendu en personne à Rome jeudi 18 octobre pour remettre en main propre au ministre italien des Finances Giovanni Tria (à gauche, sur cette photo de leur conférence de presse commune) une lettre de la Commission européenne qui exige officiellement des "clarifications" sur le projet de budget 2019 de l'Italie, projet qui enfreint de manière particulièrement grave les règles européennes en matière budgétaire. (Crédits : Reuters)
La Commission européenne a exigé de la part de l'Italie des "clarifications" quant à son projet de budget 2019. Ce dernier prévoit un déficit à 2,4% du produit intérieur brut (PIB), très éloigné des 0,8% promis par le précédent gouvernement de centre gauche, qui, en cas d'application, ferait exploser le montant de la dette italienne déjà au taux record de 130% du PIB.

L'Union européenne (UE) a entamé un bras de fer avec la coalition populiste au pouvoir en Italie. Bruxelles exige officiellement de Rome des "clarifications"  sur le projet de budget 2019 de l'Italie. Cette dernière enfreint de manière particulièrement grave les règles européennes en matière budgétaire,  écrit la Commission européenne dans une lettre remise, jeudi 18 octobre, en main propre par le commissaire européen aux Affaires économiques et financières Pierre Moscovici au ministre italien de l'Economie Giovanni Tria. La Commission européenne, qui attend que l'Italie réponde à ses observations d'ici lundi prochain, indique que les dépenses prévues par le gouvernement italien pour l'an prochain sont trop élevées.

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En effet, le projet de budget italien pour 2019 prévoit une détérioration structurelle (creusement du déficit lié à des réformes) de 0,8% du PIB transalpin en 2019, alors que Bruxelles espérait au contraire un effort structurel de 0,6% (réductions budgétaires liées à des réformes). De plus, un déficit public prévisionnel à 2,4% du produit intérieur brut, (PIB) très éloigné des 0,8% promis par le précédent gouvernement de centre gauche, est également dans les tuyaux en cas de validation du budget. Si ce chiffre, bien plus élevé que prévu, ne dépasse pas le seuil de 3% de déficit publique autorisé par l'Union européenne, il empêcherait toutefois le pays de résorber sa dette qui s'élève à environ 130% de son PIB, alors qu'elle ne devrait pas excéder 60% du PIB, conformément aux règles européennes.

[Evolution de la dette publique de l'Italie, en % du PIB, depuis 2007. Crédit: Statista*. Cliquez sur le graphique pour l'agrandir.]

Aussi, Bruxelles pointe un risque de "non-conformité grave" avec les normes de l'Union européennes, qui pourraient l'amener à rejeter ce budget, une situation qui, si elle se produisait, serait inédite dans l'histoire de l'UE et risquerait de  provoquer une grave crise politique entre les instances européennes et la coalition italienne au pouvoir M5S-Ligue. "Nous n'avons jamais eu un tel écart en matière de déficit structurel, entre ce qui était demandé [à l'Italie] et ce qu'elle a prévu, dans un contexte de dette élevée", a expliqué M. Moscovici, lors d'une conférence de presse commune avec Giovanni Tria, le ministre de l'économie et des finances italien jeudi 18 octobre.

Une politique risquée à l'endroit des marchés

Sans compter, donc, une batterie de sanctions infligées par l'UE, Rome pourrait, en cas de non révision de son budget, voir les agences de notations (Standard & Poor's et Moody's) dégrader sa note souveraine. Situation qui empêcherait l'Italie d'emprunter sur les marchés à des taux avantageux alors que le pays est déjà sous la pression des marchés financiers en raison des frictions entre Rome et Bruxelles sur le projet de budget. Ce vendredi 19 octobre, le rendement des emprunts d'Etat italien à 10 ans a grimpé à 3,8%, au plus haut depuis février 2014Le spread, c'est-à-dire l'écart avec le taux allemand, s'est creusé à 337 points, du jamais-vu depuis 2013.

Pour autant, Pierre Moscovici  s'est efforcé, jeudi 18 octobre, d'arrondir les angles avec le ministre italien des Finances Giovanni Tria, expliquant la position de la Commission en ces termes :

"[La Commission n'est pas] l'adversaire de l'Italie. (...) elle est l'arbitre. L'arbitre n'est pas populaire mais fait respecter les règles du jeu. Comment le gouvernement va-t-il financer les dépenses nouvelles, qui va payer la facture ?", s'est-il interrogé.

Le commissaire, qui a appelé à "une discussion très ouverte" avec Rome, a expliqué ne pas avoir "de plan B, mais seulement un plan A : le plan, c'est d'être ensemble, d'avancer ensemble". "Je n'imagine pas l'euro sans l'Italie et l'Italie sans l'euro", a-t-il martelé.

L'Italie campe sur ses positions

M. Tria a affirmé de son côté que l'Italie espérait "rapprocher (ses) positions avec celles de l'Union européenne". "Nous avons des évaluations différentes" mais maintenant s'ouvre "un dialogue constructif", a-t-il noté. Le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, en déplacement à Bruxelles pour un sommet européen, a indiqué pour sa part que son gouvernement savait "que ce budget, pensé pour satisfaire les exigences des citoyens italiens, longtemps ignorées, n'était pas conforme aux attentes de la Commission".

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Évoquant un échange "normal" entre la Commission et les Etats membres, il a souligné que l'Italie ne serait pas la seule à recevoir une lettre. Selon plusieurs sources, l'Espagne, la France, le Portugal et la Belgique devraient également en recevoir une, mais il s'agirait dans leur cas d'une simple demande d'information. Le budget est "bien pensé, bien construit et bien réalisé", a affirmé M. Conte, qui a déjà prévenu qu'il n'existait pas de marge pour le modifier. "Le dialogue ne nous effraie pas, à condition qu'il soit constructif et utile, et sans préjugés."

Le projet de loi de finances italien pour 2019, que Rome a adressé lundi soir à la Commission, prévoit une nette hausse des dépenses publiques pour permettre de financer notamment la création d'un "revenu de citoyenneté", l'abaissement de l'âge légal de la retraite, la mise en oeuvre d'une amnistie fiscale partielle et des allègements de taxes et d'impôts pour les travailleurs indépendants. Le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, a indiqué que son gouvernement se réunirait ce samedi pour évoquer la question budgétaire.

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(*) Un graphique de notre partenaire Statista.

(Avec AFP et Reuters)