L’Europe propose plus d'un milliard d’euros à la Tunisie pour continuer la lutte contre l’immigration

Par latribune.fr  |   |  1025  mots
La Tunisie subit une violente crise économique (Photo de partisans de l'union generale tunisienne du travail (ugtt) manifestant contre le président tunisien Kais Saied en mars 2023) (Crédits : ZOUBEIR SOUISSI)
La présidente de la Commission européenne, la cheffe du gouvernement italien et le Premier ministre néerlandais se sont rendus en Tunisie ce dimanche. Ces représentants de l’Union européenne sont prêts à aider financièrement le pays en proie à une crise. Derrière les enjeux économiques, les Européens cherchent avant tout à s’assurer que la Tunisie continue de lutter contre l’immigration illégale vers le Vieux continent.

(Article publié le dimanche 11 juin à 13h30 et mis à jour à 16h50)

L'Europe au chevet de la Tunisie. Le pays dirigé par Kais Saied a reçu la visite, ce matin, d'Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, Giorgia Meloni la cheffe du gouvernement italien et Mark Rutte le Premier ministre néerlandais. Ces trois représentants ont été accueillis par la Première ministre tunisienne, Najla Bouden, puis ont rencontré le président, Kais Saied.

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Avant leur venue, Bruxelles a expliqué la visite comme visant à discuter « d'un accord de coopération dans les domaines de l'économie, de l'énergie et de la migration ».

Face au président tunisien, l'Union européenne a proposé « un renforcement du partenariat » avec la Tunisie à travers un programme incluant une possible aide financière de long terme de 900 millions d'euros et une aide additionnelle de 150 millions à injecter « immédiatement » dans le budget.

Renforcement des liés entre l'Europe et la Tunisie

Ursula von der Leyen a indiqué avoir proposé un programme en cinq points, incluant aussi un soutien à la lutte contre l'immigration clandestine, à Kais Saied et a souhaité la signature d'un accord entre la Tunisie et l'UE d'ici au prochain sommet européen à la fin du mois. Ce programme prévoit notamment un renforcement des investissements en Tunisie, en particulier dans le numérique et les énergies renouvelables ainsi qu'une extension à la Tunisie du programme européen d'échanges d'étudiants Erasmus, doté d'une enveloppe de 10 millions d'euros. L'un des volets importants du « package » européen concerne la lutte contre le « business cynique » de l'immigration clandestine, pour laquelle l'UE fournira « cette année à la Tunisie 100 millions d'euros pour le contrôle de ses frontières, la recherche et sauvetage » de migrants, a indiqué Ursula von der Leyen.

« Il est de notre intérêt commun de renforcer notre relation et d'investir dans la stabilité et la prospérité, c'est pour cela que nous sommes là », a-t-elle déclaré, disant agir au nom de la « Team Europe » et qui était accompagnée dans sa visite par les Premiers ministres d'Italie, Giorgia Meloni, et des Pays-Bas, Mark Rutte. Affirmant que l'Union européenne est le « premier partenaire commmercial et premier investisseur » en Tunisie, la présidente de la Commission a rappelé que l'Europe a « soutenu le parcours de la Tunisie dans la démocratie depuis 2011 (et la Révolution qui a renversé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali, ndlr), une route longue et difficile ».

La situation économique de la Tunisie inquiète

Bruxelles montre donc, ce dimanche, son soutien à Tunisie qui connaît des difficultés économiques et laisse planer le risque d'une accélération des départs de migrants depuis ses côtes en cas d'accélération de la crise économique.

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Le pays nord-africain, très endetté (80% du PIB), est en difficiles pourparlers avec le FMI pour un nouveau prêt de près de deux milliards de dollars. Les discussions achoppent sur le refus du président Saied de réformes comme la restructuration de la centaine d'entreprises publiques surendettées et la levée des subventions étatiques à des produits de base comme les carburants.

Dernier rebondissement et très mauvaise nouvelle pour le pays, dans la nuit de samedi à dimanche, l'agence de notation Fitch a baissé d'un cran la note de la Tunisie la passant de CCC+ à CCC-, à cause des délais dans les négociations pour obtenir un nouveau prêt du Fonds monétaire international (FMI).

Cette dégradation de la note de l'endettement à long terme du pays « reflète l'incertitude autour de la capacité de la Tunisie à réunir des fonds suffisants pour répondre à ses besoins financiers conséquents », a expliqué Fitch dans un communiqué. La Tunisie faisait déjà partie des émetteurs présentant des risques réels de non-remboursement, selon l'institution. « Notre principal scénario table sur un accord entre la Tunisie et le FMI d'ici la fin de l'année, mais c'est beaucoup plus tard que nous ne l'attendions auparavant et les risques restent élevés », a précisé Fitch. L'agence rappelle que le budget du gouvernement dépend de plus de 5 milliards de dollars de fonds externes (10% du PIB) des financements qui ne seront pas débloqués tant qu'il n'y aura pas d'accord avec le FMI.

Kais Saied menace de laisser passer les migrants arrivés en Tunisie vers l'Europe

Si les représentants européens se montrent aussi attentifs et attentionnés envers le pays africain, c'est avant tout dans le but de protéger leurs frontières contre l'immigration méditerranéenne.

Samedi soir, lors d'une visite surprise à Sfax, deuxième ville tunisienne d'où sont partis depuis début 2023 la majorité des candidats à l'émigration clandestine, Kaïs Saied a dit refuser que son pays « soit le gardien des frontières » de l'Europe. Sauf que certaines portions de la Tunisie se trouvent à moins de 150 km de l'île italienne de Lampedusa et des tentatives de migration clandestine de ressortissants d'Afrique subsaharienne et de nombreux Tunisiens, sont régulièrement enregistrées. Selon les dernières statistiques du Haut comité pour les réfugiés des nations unies (HCR), 51.215 migrants sont arrivés clandestinement par la mer en Italie depuis le début de l'année (+154% sur un an), dont plus de 26.000 de Tunisie, le reste de Libye. Près d'un millier ont péri ou disparu en mer dans des naufrages.

Pris de panique face à ces déclarations, les pays de l'Union européenne (UE) ont conclu, jeudi à l'arraché, un accord sur le droit d'asile qui prévoit notamment le renvoi des demandeurs déboutés vers leur pays d'origine ou vers un pays de transit considéré comme « sûr ». Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, qui suit les questions migratoires, a dénoncé dans un communiqué la visite européenne comme « un chantage » et « un marchandage » pour « donner de l'argent » à la Tunisie en échange d'une surveillance renforcée de ses frontières.

(Avec AFP)