La Grèce repousse ses paiements de juin au FMI à la fin du mois.

Par Romaric Godin  |   |  816  mots
Athènes devra payer le FMI le 30 juin
Athènes a demandé et obtenu du FMI de regrouper les paiements du mois de juin à la fin de celui-ci. L'échéance du 5 juin n'existe donc plus et est reportée au 30 juin. Il faudra alors payer 1,6 milliard d'euros.

La Grèce a obtenu du FMI le report de ses échéances de remboursement du mois de juin en un seul paiement. Athènes ne versera donc pas les 300 millions d'euros prévus vendredi 5 juin, pas plus que les échéances des 12, 16 et 19 juin, mais devra cependant verser avant le 30 juin prochain les 1,6 milliard d'euros dus au total en juin. Le FMI a confirmé, ce jeudi 4 juin au soir, qu'il acceptait cette demande grecque. Mais pasé cette date, le FMI considérera que la Grèce a des "arriérés" envers lui. Après un délai de grâce de 30 jours, la Grèce sera en "défaut technique" vis-à-vis du FMI. Ce matin, Alexis Tsipras avait pourtant affirmé que la Grèce honorerait son obligation.

Gagner du temps

Que s'est-il passé ? L'explication officielle de difficultés administratives ne tient évidemment pas. Si Alexis Tsipras a dit vrai - et il semblait clair ces jours-ci qu'Athènes disposait des 300 millions d'euros pour payer le FMI - alors il s'agit de disposer de beaucoup plus de temps pour les négociations en cours avec les créanciers. Une fois l'échéance du 5 juin passée, la prochaine date limite eût été le 12 juin. Or, non seulement les discussions n'avancent pas, mais il faut, de toute manière, du temps avant de débloquer les fonds en cas d'accord, car certains pays doivent obtenir le feu vert de leur parlement. Bref, les échéances des 12 et 19 juin sont trop proches. La date du 30 juin semble plus adaptée.

Blocage

Mais si la date a été reportée, c'est d'abord pour laisser une dernière chance aux discussions. Créanciers et Grecs sont encore très éloignés les uns des autres. Deux plans ont été proposés par les deux parties et les deux parties les ont en réalité rejetés. Les officiels grecs ont jugé que la proposition de 5 pages des créanciers, qui réclament une hausse notable de la TVA avec la disparition du taux très réduit, et des coupes dans les retraites, était une « farce. » En face, les créanciers jugent le plan de 47 pages des Grecs « remplis d'amateurisme. » Trouver une position commune sera donc très difficile. Or, Alexis Tsipras entend donner toutes ses chances à l'option de la négociation. Il croit encore pouvoir obtenir un accord sur la base de son plan. La pression du temps aurait réduit les chances d'une telle issue. Preuve que la pression est moins forte, Alexis Tsipras a annulé son voyage à Bruxelles prévu vendredi soir pour des négociations intenses.

Dernière chance

Pour autant, il s'agit bien d'une dernière chance. Si le gouvernement grec ne souhaite pas se retrouver en position de ne pas pouvoir payer salaires et retraites, il lui sera fort difficile de payer le FMI. La récupération des réserves de liquidités des entités publiques est lente et ne sera sans doute pas suffisante pour payer les quelques deux milliards d'euros de pensions et de salaires et les 1,6 milliard d'euros du FMI. Or, le 19 mai, Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances, a prévenu que la Grèce préférera faire défaut sur le FMI que sur les salaires et pensions. Bref, Alexis Tsipras conserve son principal moyen de pression - qui est aussi un risque majeur pour lui et la Grèce : la menace de défaut. Du reste, ce report est aussi un message envoyé aux créanciers : le pays n'est pas en mesure de payer ses échéances. Le défaut est inévitable. Mais Alexis Tsipras entend laisser du temps pour donner encore une chance à un accord.

La balle dans le camp des créanciers

Cet accord, Alexis Tsipras l'a clairement affirmé, ne peut se faire sur les bases du plan des créanciers. Il ne peut être question de coupes dans les retraites. Il semble désormais clair que les concessions grecques n'iront pas plus loin que celles de son propre plan et elles sont déjà considérables. Le temps, loin d'affaiblir cette position, semble au contraire la renforcer. Et certains pourraient être tentés de conclure du manque de coopération des créanciers qu'un accord avec ces derniers n'est pas possible et qu'il faut préparer le défaut. Le journaliste britannique Paul Mason, qui vient d'interviewer le négociateur en chef grec Euclide Tsakalotos, souligne combien ce dernier était « excédé » par les propositions des créanciers. C'est, affirme-t-il, « le signe que l'aile opposée au défaut s'affaiblit au sein de Syriza. » La balle est donc plus que jamais dans le camp des créanciers. Ils doivent désormais se décider s'ils sont prêts ou non à prendre le risque d'un défaut grec, voire d'une sortie du pays de la zone euro.