Le nouveau gouvernement finlandais  : un obstacle de plus pour la Grèce ?

Par Romaric Godin  |   |  768  mots
Timo Soini, chef des Eurosceptiques et futur ministre des finances finlandais
A la tête des Eurosceptiques finlandais, Timo Soini pourrait devenir ministre des Finances. Il est radicalement opposé à toute aide à la Grèce. Son duel avec Yanis Varoufakis s'annonce chaud...

Et si la crise grecque se jouait finalement... à Helsinki ? Après les élections législatives du 19 avril, trois partis ont entamé en Finlande des négociations en vue de la formation d'un gouvernement. Outre le parti du Centre, de Juhä Sipilä, grand vainqueur du scrutin et pressenti pour devenir le prochain premier ministre, la coalition pourrait également intégrer les Conservateurs de la Nouvelle Coalition (Kokoomus) du premier ministre sortant Alexander Stubb et enfin les Eurosceptiques de droite du parti des « Finnois », ex-« vrais Finnois » de Timo Soini.

Timo Soini, l'adversaire de l'aide à la Grèce

Ce dernier est de plus en plus pressenti pour devenir le ministre des Finances du prochain gouvernement finlandais. Son arrivée dans l'Eurogroupe risque de causer une détonation aussi notable que celle de son homologue grec Yanis Varoufakis. Du reste, le dialogue entre les deux hommes risque de ne pas manquer de piquant. Timo Soini a été un des adversaires les plus déterminés aux plans d'aide à la Grèce en 2010 et 2011. Il l'est encore et il a prévenu : « si le parti des Finnois entre dans le gouvernement, je crois que la politique de la Finlande envers la Grèce va changer. » Et s'il promet que ce « changement » sera « pour le meilleur, parce que rien ne peut être pire qu'aujourd'hui », Timo Soini semble capable de faire refuser à son pays la participation à toute nouvelle aide à la Grèce.

Mercredi, les trois partis ont présenté des « positions » communes en vue de la constitution d'un programme gouvernemental. Il en ressort, selon la télévision locale Yle que « le prochain gouvernement s'oppose à prendre de nouveaux engagements financiers dans la recherche d'une solution à la crise de l'euro. » C'est donc un « non » de principe à tout nouvel engagement qu'exprime le nouvel exécutif finlandais. Ce refus concernera-t-il le programme en cours ? Ce n'est pas clair, car la Finlande a donné son accord sur ce dernier en 2012. Mais rien n'est certain : Timo Soini ne va sans doute pas rester les bras croisés dans l'Eurogroupe et ne va pas valider sans rien dire un éventuel accord. Il faut s'attendre à ce que, dans des discussions déjà au point mort, son arrivée vienne encore ajouter une difficulté supplémentaire.

Une Finlande mal en point, peu pressée d'aider la Grèce

Célèbre pour son franc parler, Timo Soini, 52 ans, joue, il est vrai, sur du velours dans cette affaire. Il est en position de force. Certes, son parti a perdu le 19 avril un point de pourcentage par rapport à 2011, mais il a moins souffert que les autres grands partis (Kokoomus et Sociaux-démocrates) et, surtout, avec 38 sièges, il est devenu le deuxième groupe parlementaire du pays.

Du reste, la Finlande n'a jamais réellement accepté l'aide à la Grèce. En 2011, le gouvernement dirigé déjà alors par le parti du Centre avait refusé de participer au second plan d'aide. Il avait fallu que le Kokoomus, à l'époque dirigée par Jyrki Katainen, devenu depuis commissaire européen, constitue une grande » coalition allant des anciens communistes aux conservateurs pour que la Finlande accepte, en demandant cependant des garanties particulières. En août 2011, Athènes avait donc accepté de « couvrir » le montant versé par Helsinki par des dépôts de titres d'une valeur équivalente.

Certes, la Finlande n'est exposée à la Grèce qu'à hauteur de cinq milliards d'euros. Mais la situation du pays ne rend pas un nouveau versement réellement possible pour le futur ministre des Finances. La Finlande a en effet un point commun avec la Grèce : au premier trimestre 2015, les deux pays sont entrés en récession. Mardi 12 mai, la commission européenne a prévenu qu'elle allait sans doute entamée une procédure pour déficit excessif envers la Finlande. Les trois partis de la future coalition sont d'accord sur une réduction des dépenses publiques. Or, cette réduction qui sera douloureuse pour une économie finlandaise déjà mal en point, est difficilement justifiable si le pays s'engage davantage envers Athènes. Certes, il ne s'agit que de garanties du FESF (ou, dans le cadre d'un nouveau plan d'aide du MES) et il n'y aura pas d'engagement direct du budget finlandais, mais Timo Soini ne manquera sans doute pas l'occasion de torpiller un nouveau versement à Athènes.

Ce qui est piquant, c'est que Timo Soini et Yanis Varoufakis étaient, en 2011, sur des positions assez proches : opposés tous deux aux « plans d'aide » qu'ils considéraient à juste titre comme des cavaleries financières, ils se retrouvent désormais sur des positions opposées...