Les Européens épargnent, épargnent, épargnent

Par Ivan Best  |   |  619  mots
L'excédent de la balance des échanges courants a atteint un niveau record sur 12 mois, annonce la BCE. Même en France, la balance courante devient excédentaire. Le signe de la faiblesse des dépenses -consommation, investissement- en regard d'une épargne croissante. L'héritage des politiques de restriction budgétaire menées de 2001 à 2014.

Qui a dit que les Français vivaient au-dessus de leurs moyens ? Au cours du deuxième trimestre, la balance des transactions courantes a dégagé un excédent, certes léger (1,3 milliard d'euros), mais ce signe positif pour la balance courante a une signification statistique clairement établie : considérés globalement, les Français (ménages, entreprises) épargnent plus qu'ils ne consomment et investissent. Si ce n'était pas le cas, ils achèteraient plus de biens et services à l'étranger qu'ils n'en produisent, et la balance courante serait alors clairement négative. Sur l'ensemble de l'année, le FMI a prévu pour la France un léger déficit (0,1% du PIB), mais on est là dans l'épaisseur du trait.

Toute la zone euro à l'unisson

Bien sûr, il n'y a pas que les Français. Toute l'Europe s'est mise à épargner, ou tout au moins la zone euro, car la Grande-Bretagne est un cas à part. Qu'on en juge : la BCE a annoncé ce mercredi que l'excédent de la balance courante de la zone euro avait atteint un record de 265,5 milliards d'euros sur 12 mois, à fin juin. Cela signifie que la zone euro épargne globalement à hauteur de 2,6% de son PIB. Comme on le sait, les Allemands sont pour beaucoup dans ce résultat.

Leur excédent record de 219,7 milliards d'euros en 2014 pour la balance courante sera largement dépassé en 2015. Le FMI prévoit pour nos voisins d'Outre Rhin un excédent courant de 8,4% du PIB en 2015, après 7,5% de la richesse nationale en 2014. Des excédents largement dus à une balance commerciale (uniquement les échanges de biens, à la différence de la balance courante qui regroupe aussi les services et les revenus courants) toujours plus positive.

Les Allemands devraient être sanctionnés par Bruxelles... en théorie

En théorie, les Allemands devraient être soumis à une procédure spécifique en raison de ce déséquilibre, caractérisé par une situation de sous consommation et de sous investissement. Le FMI estime que l'épargne allemande (entreprises et ménages confondus), atteindra cette année 26,9% du PIB, en hausse, pour un investissement en baisse, lui, à 18,5% de la richesse nationale. L'écart, 8,4% du PIB, correspond exactement à l'excédent de la balance extérieure courante. Mais la commission européenne ne s'empresse pas de poursuivre nos voisins...

Les autres pays de la zone euro sont un peu plus dépensiers, mais le mouvement est à l'unisson. L'excédent courant italien est toujours plus élevé (2,6% du PIB cette année, toujours selon le FMI), l'Espagne en dégage un aussi (1,9% du PIB)... de sorte que la zone euro afficherait globalement, en 2015, une balance courante excédentaire à hauteur de plus de 3% du PIB. Cela signifie très concrètement que cette zone épargne à hauteur de 3% de la richesse qu'elle produit, épargne investie dans le reste du monde.

L'effet des politiques restrictives

Cette situation est sans aucun doute sous l'effet de politiques budgétaires restrictives de 2011 à 2014, sous pression germano-bruxelloise, qui ont contribué à minorer les dépenses de tous les acteurs économiques. Engendrant au passage une récession que seule la zone euro a eu la « chance » de connaître alors. Pas plus les Etats-Unis que la Grande-Bretagne n'ont mené de telles politiques. Résultat: la zone euro est la seule zone économique dans le monde à afficher un tel niveau d'épargne nette (après investissement, mesuré par l'excédent courant). A 3,3% du PIB en 2015, il dépasse largement l'excédent japonais (1,9% du PIB) ou russe (2,5%). Les Etats-Unis dépensent plus qu'ils ne produisent, comme toujours (2,3% de déficit courant), tout comme nos voisins britanniques: la balance courante y est largement déficitaire, à hauteur de 4,8% de la richesse créée en 2015 au Royaume Uni.