Lutte contre le blanchiment d'argent : l'UE interdit les paiements de plus de 10.000 euros en cash

Par latribune.fr  |   |  785  mots
Ce paquet de mesures avait été proposé par la Commission européenne en juillet 2021. (Crédits : YVES HERMAN)
Le Parlement européen et les Etats membres se sont mis d'accord ce jeudi pour limiter à 10.000 euros les paiements en liquide au sein de l'Union européenne, dans le cadre d'une législation contre le blanchiment d'argent.

Voilà un pas de plus dans la lutte contre le blanchiment d'argent sur le Vieux continent.  Ce jeudi, le Parlement européen et les Etats membres se sont mis d'accord pour fixer un plafond de 10.000 euros pour les paiements en liquide au sein de l'Union européenne. Une règle qui entre dans le cadre d'une nouvelle législation contre le blanchiment d'argent, également destiné à mieux lutter contre le financement du terrorisme. Conclue après deux ans et demi de négociations, elle entrera en vigueur dès cette année.

L'objectif est de rapprocher des réglementations existantes très disparates dans les 27 pays de l'UE pour détecter et limiter les transactions douteuses. Et pour cause, certains pays comme la France, disposent déjà de règles plus strictes que les nouvelles dispositions européennes sur le paiement en liquide. Mais dans d'autres Etats, comme l'Autriche ou l'Allemagne, les paiements en cash restaient jusqu'ici illimités.

Une meilleure surveillance de la fraude et du financement du terrorisme

Derrière l'harmonisation, cet accord « garantira que les fraudeurs, le crime organisé et les terroristes n'auront plus de possibilité de légitimer leurs profits par le biais du système financier », a déclaré le ministre belge des Finances, Vincent Van Peteghem, dont le pays assure pendant six mois la présidence tournante du Conseil de l'UE.

La nouvelle législation durcit aussi les règles contre le blanchiment et le financement du terrorisme imposées notamment aux banques, aux agences immobilières ou aux casinos. Ces entités devront pouvoir identifier leurs clients ou les propriétaires d'actifs derrière des montages financiers opaques.

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L'application de ces règles sera étendue au secteur des crypto-actifs afin de garantir là aussi une traçabilité. Elles concerneront également le commerce des produits de luxe comme les métaux précieux, les bijoux, les montres, ainsi que celui des voitures très haut de gamme, des jets privés ou des yachts. Enfin, les clubs de football professionnels et leurs agents seront également soumis à la réglementation renforcée, mais au terme d'une période de transition de cinq ans après l'entrée en vigueur du texte, donc à partir de 2029.

Les pouvoirs des renseignements accrus

La nouvelle législation renforcera par ailleurs les pouvoirs des services de renseignements financiers. Le Parlement européen et les États membres avaient déjà approuvé en décembre la création d'une agence de l'Union européenne contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Le futur siège de cette organisation est convoité par plusieurs pays, dont la France et l'Allemagne.

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La nouvelle agence, désignée sous son acronyme anglophone AMLA (« Anti-money laundering authority »), sera notamment chargée de superviser et de coordonner les autorités nationales afin de mieux détecter et combattre les activités douteuses transfrontalières. Dotée de pouvoirs de surveillance et de sanctions afin d'assurer le respect des règles financières européennes, elle supervisera directement une quarantaine d'établissements de crédits et institutions financières jugés les plus à risque, y compris des fournisseurs de services de crypto-actifs. La nouvelle agence européenne « jouera également un rôle crucial pour éviter le contournement des sanctions financières, comme celles prises à l'encontre de la Russie », a souligné Eva Maria Poptcheva.

Les activités financières suspectes pèsent environ 1% du produit intérieur brut de l'UE, soit quelque 130 milliards d'euros, selon l'agence européenne de police Europol.

Vulnérabilité d'un système juridique morcelé

Ce paquet de mesures avait été proposé par la Commission européenne en juillet 2021. La Commissaire aux Services financiers, Mairead McGuinness, a salué jeudi « une étape importante pour la lutte contre l'argent sale dans l'UE ».

C'est une réponse à plusieurs scandales qui ont révélé la vulnérabilité d'un système juridique morcelé entre les 27 pays membres de l'UE. Parmi ces scandales, celui lié à Danske Bank, au cœur d'une affaire de blanchiment d'environ 200 milliards d'euros entre 2007 et 2015, via sa filiale estonienne. De façon générale, les affaires ont souvent concerné des filiales de banques basées dans les États baltes de l'UE, utilisées par des Russes fortunés pour des transactions douteuses. La troisième plus grande banque de Lettonie, ABLV, avait par exemple été fermée en 2018 après avoir été accusée de blanchiment au profit de clients russes et de violation des sanctions contre la Corée du Nord.

(Avec AFP)