Nouvelle hausse des taux : un choix cornélien pour la BCE

Par latribune.fr  |   |  763  mots
La BCE a relevé neuf fois d'affilée ses taux depuis juillet 2022 pour un cumul de 4,25 points de pourcentage. (Crédits : KAI PFAFFENBACH)
Le 14 septembre prochain, la Banque centrale européenne (BCE) doit déterminer si elle procède à une nouvelle hausse des taux d'intérêt. La conjoncture morose et l'inflation persistante pourraient faire pencher la balance en faveur d'un nouveau relèvement. Depuis juillet 2022, l'institution a relevé neuf fois d'affilée ses taux depuis pour un cumul de 4,25 points de pourcentage.

La Banque centrale européenne (BCE) va-t-elle procéder à une nouvelle hausse de taux pour la dixième fois d'affilée ou décréter une pause ? Une réunion décisive se tient jeudi, dans un contexte marqué par une trajectoire d'inflation décevante et une conjoncture morose.

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En juillet, sa présidente Christine Lagarde a affirmé que les deux options étaient possibles à la rentrée, un an après le lancement du cycle de relèvement des taux le plus rapide de histoire de l'institution. Depuis, la Française est restée muette lors de ses dernières interventions. Les diverses déclarations de membres du conseil des gouverneurs de la BCE montrent que la décision reste ouverte.

Des économistes partagés

Les données économiques publiées pendant la pause estivale suggèrent qu'un scénario de stagflation se met en place en zone euro, avec des indicateurs de confiance (PMI) en chute libre, une distribution du crédit en berne et une inflation sur le recul, mais restant élevée.

Ce climat incertain complique la prise de décision de la BCE, avec « peu d'arguments puissants pour emporter l'adhésion d'un côté ou de l'autre », déclare à l'AFP Gilles Moec, chef économiste chez Axa. Résultat, les économistes sont partagés, entre ceux voyant le taux de facilité de dépôt, qui fait référence, passer à 4,00% et d'autres le voyant maintenu à 3,75%.

Après avoir sous-estimé jusqu'à début 2022 l'ampleur de l'inflation accompagnant la reprise post Covid-19, la BCE a été forcée de réagir après que le conflit en Ukraine, après l'invasion russe, a catapulté l'indicateur à des niveaux insupportables. En conséquence, l'institution a relevé neuf fois d'affilée ses taux depuis juillet 2022 pour un cumul de 4,25 points de pourcentage.

« Un débat très animé »

Bilan intermédiaire : les conditions financières de prêts aux ménages et entreprises sont en forte détérioration, influant sur la demande et donc la distribution de crédit. L'inflation qui dépassait 10% à l'automne dernier est redescendue vers les 5% en août. C'est encore trop pour la BCE qui veut ramener l'agrégat à 2% à terme.

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Et la suite ? Les « faucons », adeptes d'un cap monétaire rigoureux et qui ont dominé le débat depuis un an, vont affronter les « colombes » favorable à un cours plus souple. Le débat a déjà été lancé : côté « faucons », le gouverneur de la Banque nationale de Slovaquie Peter Kazimir a prôné une « hausse de 25 points de base » jeudi avant de « prendre une pause par la suite ».

Son homologue des Pays-Bas, Klaas Knot, a estimé que les marchés sous-estiment « peut-être » la probabilité d'une hausse des taux en septembre. Partis de très bas, les taux ont atteint un « niveau d'alerte » et cela doit influer sur « les perspectives de la politique monétaire », a prévenu Ignazio Visco, gouverneur de la Banque d'Italie, rangé du côté des « colombes ».

« Nous nous attendons à un débat très animé avec une issue serrée », résume Carsten Brzeski, économiste chez ING.

Une hausse de taux inévitable ?

Au final, une hausse des taux pourrait s'imposer jeudi, car « l'inconnue demeure quant aux effets de la faible conjoncture sur l'inflation », estime Gilles Moec. En particulier l'inflation sous-jacente, très scrutée par la BCE parce qu'elle exclut les prix volatils de l'énergie et des matières premières, a timidement reculé de 0,2 point de pourcentage en août, à 5,3%.

« On voit à quel point la bête inflationniste est têtue », a martelé le président de la Banque fédérale d'Allemagne, Joachim Nagel, connu pour ses positions monétaires orthodoxes.

La poursuite du ralentissement des prix pourrait notamment se faire attendre si les entreprises répercutent les récentes hausses des salaires. La BCE va également se décider sur la base de nouvelles prévisions d'inflation : une révision en direction de la cible de 2% à l'horizon 2025, contre 2,2% affiché en juin, serait compatible avec une pause sur les taux. Dans le cas d'une détérioration, le tour de vis monétaire serait inévitable.

Si la hausse des taux s'impose, il pourrait s'agir de « la dernière (...) de ce cycle », avec une BCE restant ensuite « en attente jusqu'à la mi-2024 au moins », table Frederik Ducrozet, chef économiste chez Pictet Wealth Management.

(Avec AFP)