Réformes de la zone euro : les recommandations de Lagarde et Le Maire

Par Grégoire Normand  |   |  952  mots
La journée sur les transformations économiques en France et les questions de réforme de la gouvernance en zone euro, a débuté par un échange public entre le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, et la directrice générale du FMI, Christine Lagarde. (Crédits : Reuters)
Bruno Le Maire et Christine Lagarde ont particulièrement insisté sur la nécessité de mettre en place une union bancaire et un marché des capitaux au sein de la zone euro pour faciliter entre autres le financement de l'économie.

Lors d'une rencontre organisée par le ministère des Finances jeudi 15 février, le locataire de Bercy Bruno Le Maire et la directrice générale du FMI Christine Lagarde ont esquissé quelques recommandations pour renforcer la zone euro. Seulement un mois après les préconisations d'un groupe d'économistes français et allemands, le sujet suscite des réflexions alors que l'union monétaire traverse un cycle économique favorable. Reste à voir comment toutes ces réflexions pourraient être appliquées par les gouvernements de la zone euro à 19 pays.

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Des pistes à explorer

Partant du constat que la conjoncture était favorable aux réformes, l'ancienne ministre du président Nicolas Sarkozy a avancé trois pistes "à explorer et à approfondir" :

  • Une union bancaire "déjà bien engagée à la fois par les autorités gouvernementales avec le soutien des banques centrales, mais ce n'est pas fini" . Il faut "mettre en place un mécanisme de solidarité au niveau de l'union bancaire" Elle a ainsi rappelé que "quatre pays ont des stocks de créances douteuses" et a souligné l'exemple du secteur bancaire italien qui a traversé de graves difficultés ces dernières années.
  • Un marché européen des capitaux "pour permettre une alternative de financement au secteur bancaire qui sont prédominants dans la zone".
  • Une capacité budgétaire commune au sein de la zone euro.

"Cela permettrait d'avoir des politiques contracycliques quand c'est nécessaire [...] On sait bien qu'il y a une hostilité de l'Allemagne [...], mais si on respecte les objectifs budgétaires, on peut également renforcer les mécanismes de solidarité".

La fiscalité au centre des préoccupations

De son côté, l'ancien ministre de l'Agriculture a souligné son accord avec ces différentes propositions insistant sur le fait que "l'Europe vous protège". Il a expliqué par exemple que l'Union bancaire permettrait de garantir les dépôts des citoyens de l'Union européenne.

Pour les entreprises, il a indiqué que le marché des capitaux "permettrait d'avoir un financement de notre économie, de nos PME qui ne soit plus exclusivement un financement bancaire, mais qui soit aussi un financement de marché. Cela permettra d'avoir plus d'entreprises de taille mondiale plus nombreuses en Europe".

Mais il a aussi insisté sur la nécessité  d'une convergence fiscale pour l'impôt sur les sociétés. "Sur les taux, chacun doit faire un effort [les pays de la zone euro ; ndlr] pour se rapprocher d'une position commune européenne". M. Le Maire a  ainsi rappelé les ambitions de la France qui prévoit de baisser son taux d'IS à 25% d'ici 2022 contre 33% actuellement en espérant que d'autres pays allaient relever leur taux.

"J'aimerai que d'autres pays de la zone qui pratiquent parfois le dumping fiscal fassent le même effort pour se rapprocher d'une moyenne commune européenne. On y arrivera que si chacun fait un effort dans la direction de l'autre."

Pour lui tout est surtout "une question de volonté politique".  De son côté, la responsable du FMI a expliqué que "cela devrait être difficile de revenir en arrière sur certains points concernant la convergence fiscale".

L'ancien député normand a également abordé la question de la fiscalité des géants du numérique régulièrement accusés de ne pas payer assez d'impôts en France. "Ce n'est pas parce que nous n'aimons pas Google et Facebook, c'est une question d'équité fiscale et d'efficacité fiscale [...] pour financer des écoles, des hopitaux ou des crèches" par exemple.

L'obsession de la dette

Dans une seconde partie, le ministre de Bercy a annoncé de nouvelles mesures dès cette année pour réduire l'endettement de la France et a écarté toute "cagnotte" au cas où les recettes seraient plus élevées que prévu.

"Nous devons réduire notre dette parce que cela nous expose à une remontée des taux d'intérêt et que c'est de l'argent dilapidé", a t-il affirmé. "Nous prendrons dès 2018 un certain nombre de mesures pour aller dans cette direction", a-t-il ajouté, "Dans les mois qui viennent, s'il y a des recettes fiscales supplémentaires liées à la croissance, elles iront en priorité au désendettement de la France". Mais "cela peut aller au-delà des rentrées fiscales".

Lors de cette conférence intitulée "Transformer l'économie française", M. Le Maire avait mis en garde contre la hausse attendue des taux d'intérêt. "Nous savons que l'augmentation des taux d'intérêt pèsera sur les charges de la dette française", précisant qu'une hausse de 1% des taux représentait "3 milliards d'euros jetés par la fenêtre". Selon lui, la dette est "un poison pour l'économie française". "Elle pèse sur la croissance. Elle pèse sur notre compétitivité et constitue une menace pour les générations futures", a-t-il prévenu.

Selon les dernières prévisions de Bercy, le déficit public devrait s'établir à 2,9% du PIB en 2017, passant pour la première fois depuis dix ans sous la barre des 3% exigée par les traités européens. En 2018, il devrait atteindre 2,8%. "C'est bien la preuve qu'il ne faut pas ranger la France du côté des cigales. C'est injuste et c'est faux", a-t-il affirmé, appelant à mettre fin à cette "caricature". Dans son dernier rapport annuel au début du mois, la Cour des comptes avait malgré tout mis en garde le gouvernement contre tout "relâchement", appelant l'Etat à accélérer les réformes pour réduire son niveau de dépenses.

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