Royaume-Uni : sous pression, May abandonne la "taxe sur la démence"

Par Sasha Mitchell  |   |  615  mots
Theresa May s'exprime à Wrexham, au Pays de Galles, lundi 22 mai.
En grande difficulté depuis la fin de semaine dernière sur son projet de réforme de la protection sociale, la Première ministre a fait machine arrière. Certainement peu rassurée par un sondage donnant les travaillistes à 9 points des conservateurs contre 23 fin avril, Theresa May a affirmé qu'un plafond sur le coût des soins à domicile pour les personnes âgées serait conservé, contrairement à ce qu'affirmait le programme de son parti pour les législatives.

Une mesure impopulaire, un week-end mouvementé, et au final, un "U-turn" pas vraiment contrôlé de Theresa May. La Première ministre a apporté lundi à Wrexham, au Pays de Galles, des précisions sur son projet de modification du système de financement des soins pour les personnes âgées.

Le programme des conservateurs, présenté jeudi, prévoyait en effet la fin du plafond pour les dépenses engagées pour les soins à domicile ou en maison de retraite. Concrètement, un retraité dont la santé nécessite une prise en charge dans son lieu de vie a actuellement l'assurance de garder sur son compte en banque un minimum de 23.500 livres et, à partir de 2020, de ne pas dépenser plus de 72.000 livres. Avec la réforme proposée par Theresa May, cette même personne aurait la certitude de garder 100.000 livres d'actifs dont, pour la première fois, la valeur du domicile, et plus du tout de limite sur les dépenses à engager.

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La mesure baptisée "Taxe de la démence" par l'opposition

Si les conservateurs se sont empressés d'assurer qu'aucun patient ne serait contraint de vendre sa maison pour financer ses soins, la mesure a été accueillie froidement par les retraités - majoritairement électeurs des conservateurs - et par les travaillistes. Le principal parti d'opposition a notamment pointé le fait que les retraités modestes pourraient être amenés à payer davantage et, au final, répercuter les coûts sur leur famille.

Malgré les explications de May sur la nécessité de moduler le financement de la protection sociale pour répondre au vieillissement de la population, la fronde s'est accentuée. Rapidement baptisée "Dementia Tax" (taxe sur la démence) - les maladies dégénératives nécessitant généralement des soins à domicile longs et coûteux -, la proposition s'est retrouvée contestée jusque dans le camp de la Première ministre lorsqu'a émergé le fait que son gouvernement n'avait pas été consulté au préalable. Dimanche, Theresa May elle-même s'est retrouvée en difficulté face à une électrice en désaccord sur la question, lors d'un porte-à-porte.

Un plafond finalement conservé... mais lequel ?

Finalement, après avoir tenté de recentrer la campagne sur le Brexit puis d'accuser les travaillistes de propager des "fausses informations", Theresa May a fini par céder. Certainement peu rassurée par un sondage donnant les travaillistes à 9 points des conservateurs contre 23 fin avril, la Première ministre a affirmé qu'un "plafond" serait conservé, sans préciser lequel. Avec un brin de mauvaise foi, la leader des conservateurs a soutenu dans la foulée qu'il n'avait jamais été question de le supprimer. La semaine dernière, pourtant, son propre ministre de la Santé confirmait la disparition de la limite, comme le relève la journaliste du Guardian Jessica Elgot.

Pour la Première ministre, la campagne risque de se compliquer. Moquée pour ce rétropédalage, le deuxième en quelques semaines après sa promesse non-tenue de ne pas convoquer d'élections anticipées, Theresa May voit sa crédibilité s'effriter. Celle qui revendique un "leadership fort et stable" se voit désormais taxée de "faible et instable". Reste à savoir si elle parviendra à transformer ces quelques jours compliqués en un simple accident de parcours ou si ce lundi marque le point de départ vers une improbable perte de l'imperdable, le 8 juin.