Zone euro : l'inflation accélère, mais l'insuffisance de la demande demeure

Par Romaric Godin  |   |  639  mots
Les prix remontent, mais la demande reste déprimée.
Les prix ont progressé de 0,6 % sur un an en novembre 2016 en zone euro, du jamais vu depuis juin 2014. Mais l'inflation sous-jacente reste bien trop faible.

L'inflation en zone euro continue à se redresser très timidement. Selon la première estimation d'Eurostat, les prix ont augmenté de 0,6 % en novembre 2016 sur un an, soit une légère accélération par rapport à octobre où l'inflation se situait à 0,5 %. L'accélération est plus nette si on la compare au taux de novembre 2015 ou de juin 2016 où l'inflation était à 0,1 %. Il faut, du reste, remonter à juin 2014 pour constater une inflation plus élevée en zone euro (elle était alors de 0,7 %).

Effet de l'énergie

Cette statistique peut être perçue comme une bonne nouvelle pour la BCE qui tente, par sa politique ultra-accommodante de relancer les anticipations d'inflation. En réalité, la bonne nouvelle est très mitigée. Cette remontée du taux d'inflation s'explique avant tout par la remontée des prix de l'énergie qui cessent progressivement de tirer le taux général vers le bas. Ainsi, en juin 2016, le taux d'inflation hors énergie était de 1 % sur un an, mais le taux global était de 0,1 % en raison d'une baisse annuelle de 6,4 % des prix énergétiques. En novembre, cette baisse des prix énergétiques n'est plus que de 1,1 % et, logiquement, le taux d'inflation rejoint progressivement le taux sous-jacent. Mais il est difficile d'identifier une véritable tendance inflationniste propre à l'économie de la zone euro, donc imputable à la politique de la BCE et à un renforcement de la demande. Les prix hors énergie sont ainsi en progression de 0,8 % sur un an en novembre, soit en-deçà du niveau de juin dernier...

Inflation sous-jacente stable

Si on exclut l'ensemble des éléments « exogènes » à l'économie elle-même, soit l'énergie, le tabac et les produits alimentaires, on constate ainsi que l'inflation sous-jacente en zone euro reste stable à un niveau faible : 0,8 % en novembre, le même taux depuis août et 0,1 point de moins qu'en juin et juillet dernier. Du côté des biens industriels non énergétiques, la hausse des prix demeure également stable et très faible à 0,3 %, chiffre stable depuis août et en ralentissement par rapport à juillet 2016 (0,4 %) et à novembre dernier (0,6 %). Même constat du côté du prix des services qui se situent à 1,1 % (comme depuis août dernier). La remontée du prix de l'énergie et la baisse de l'euro n'a donc pas conduit à une accélération des prix dans l'économie.

Le problème de demande demeure évident

Or, si les entreprises n'ont pas encore transmis ces hausses à leurs clients, c'est le signe évident que la zone euro souffre bel et bien d'un problème de demande intérieure. Si ce n'était pas le cas, les entreprises n'auraient aucun mal à répercuter immédiatement la hausse de leurs coûts sur leurs prix, ne craignant pas de perdre, en conséquence des parts de marché en raison d'une forte demande. Les entreprises sont prudentes, mais elles rognent naturellement désormais sur leurs marges. Ce scénario n'est pas le plus désirable pour la BCE, parce qu'il prouve que les forces déflationnistes sont encore à l'œuvre dans l'économie de la zone euro. Dans ce cadre, une remontée des prix de l'énergie est plutôt un problème : elle risque d'être compensée par des réductions d'effectifs qui, à leur tour, pèseront sur la croissance, la demande et les prix.

Mario Draghi doit rester vigilant

Il serait donc prématuré de se féliciter de ce retour de l'inflation globale. Plus que jamais, l'action de la BCE montre ses limites. La nécessité d'un complément fondé sur des hausses de salaires et sur une action budgétaire continue à être évidente. Mario Draghi, le président de la BCE, n'a donc, en tout cas, aucune raison, dans ces conditions, pour lever la garde et assouplir son programme. C'est le message qu'il devrait transmettre la semaine prochaine.