Ces patrons qui, comme Carlos Ghosn, se serrent (un peu) la ceinture

Par Jessica Dubois  |   |  658  mots
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Le PDG de Renault a annoncé jeudi matin accepter de différer 30% de sa rémunération variable en la conditionnant à la signature d'un accord social et aux volumes de production. Une annonce qui s'inscrit dans un lent changement de culture des rémunérations des dirigeants depuis la crise.

Objectif : montrer que l'on fait des efforts. Autant à ses salariés qu'à ses actionnaires. Jeudi matin, Carlos Ghosn, le PDG du constructeur automobile Renault, a confirmé qu'il gelait 30% de la part variable de sa rémunération (soit 430.000 euros de 1 million d'euros) au 31 décembre 2016. Il touchera ce montant uniquement si, d'ici là, un plan de compétitivité est signé et mis en place dans l'entreprise. Et si l'entreprise produit les volumes promis par la direction aux syndicats.

Une première, au regard de la condition de la signature d'un accord social, estime Vincent Cornet, responsable "rémunération des dirigeants" au cabinet de conseil Aon Hewitt.

Mais plus généralement, Carlos Ghosn n'est pas le premier à renoncer ou à différer une partie de ses rémunérations. En avril 2012, le PDG de PSA, Philippe Varin, avait renoncé à la part variable de son salaire. En mars 2009, Gérard Mestrallet et Jean-François Cirelli, président et directeur général de GDF, avaient renoncé à leurs stock-options. Et la liste est encore longue... Citigroup, Crédit Suisse, Barclays... En 2012, c'était aux grandes banques de subir une attaque de leurs actionnaires votant contre les rémunérations des dirigeants.

De plus en plus de versement en différé

Par cette baisse de salaire, Carlos Ghosn entendait envoyer un message aux actionnaires autant qu'aux salariés.

"Le versement d'une partie du salaire en différé se fait de plus en plus", indique Vincent Cornet. L'exemple le plus flagrant fut celui du patron de Publicis. En 2012, il touche 16 millions d'euros au titre de neuf années de rémunération, à la performance, différées depuis 2003. "Est-ce que ce sont les résultats annuels qui montrent le succès de l'entreprise ou plutôt ce qui se passe sur la durée du mandat du dirigeant?", s'interroge Vincent Cornet.

Transparence et appréciation des risques

Alors les actionnaires apprécient d'autant plus lorsque les dirigeants se rémunèrent selon les résultats à long terme de l'entreprise. Ou en actions. Comme lorsqu'en janvier 2011, GDF remplaça les rémunérations en stock-options par des rémunérations en actions gratuites.

Cette évolution est notamment vraie dans les banques, où "avec la mise en place de normes européennes, certains risques ne sont pas encore appréciés", explique Vincent Cornet. Une partie des bonus de leurs dirigeants sont fournis en fonction de l'évolution du cours de l'action.

De tels changements dans la culture de rémunération des dirigeants permet de prendre en compte les risques futurs éventuels. Mais "il s'agit aussi d'une politique de transparence et de volonté des dirigeants, de montrer aux investisseurs qu'ils sont bien associés aux résultats de l'entreprise", explique Vincent Cornet. "Cela date de la crise", car "elle a fait naître des règles de gouvernance".

Une loi sur le "say-on-pay"

Des aigreurs de la crise, le gouvernement souhaite tirer une loi pour réformer les méthodes de rémunération des dirigeants des entreprises privés - en plus d'un plafonnement des salaires de dirigeants des entreprises publiques. Il s'agirait de mettre en application le "say-on-pay" en France : les actionnaires auraient leur mot à dire sur les rémunérations des administrateurs des entreprises.

Le projet de loi devrait être déposé au printemps. Et la rapporteuse de la mission d'information, Corinne Narassiguin, propose notamment de lier la part des rémunérations variables aux performances de l'entreprise sur le long terme.

"Il s'agit d'augmenter la transparence", explique Vincent Cornet. Un code AFEP-Medef, moins contraignant qu'une loi, existe déjà sur le sujet. Mais il ne demande que de préciser sur quoi se base le calcul de la part variable. "On ne peut pas faire autrement dans la compétitition mondiale actuelle, commente l'analyste, il faut que les investisseurs aient les mêmes informations en France qu'à l'étranger. Et les critères de gouvernance participent à l'attractivité d'une entreprise".