Après BNP Paribas, quelles banques aux prises avec la justice américaine ?

Par Christine Lejoux  |   |  938  mots
BNP Paribas devrait écoper lundi 30 juin d'une amende record de près de 9 milliards de dollars, aux Etats-Unis. REUTERS.
Dans le cadre de transactions en dollar réalisées dans des pays soumis à un embargo des Etats-Unis, les autorités américaines ont également dans leur collimateur la Société générale, le Crédit agricole, Deutsche Bank, Commerzbank et UniCredit.

Ce 30 juin au soir, ce ne sont pas les dirigeants de BNP Paribas qui seront les plus attentifs à l'annonce des sanctions prononcées par la justice américaine à l'encontre de leur banque, accusée d'avoir réalisé des transactions en dollar dans des pays soumis à un embargo économique des Etats-Unis, comme le Soudan, l'Iran et Cuba.

 D'abord parce qu'à l'heure qu'il est, BNP Paribas sait à quelle sauce elle va être mangée, à savoir une amende de près de neuf milliards de dollars (6,4 milliards d'euros) - la plus lourde jamais infligée par les Etats-Unis à une banque étrangère -, couplée à la suspension, durant un an, de ses opérations de compensation (règlement) en dollars, selon la presse américaine. Ensuite, aussi sévère soit-il, cet accord passé avec la justice américaine évitera un procès à BNP Paribas, permettant ainsi à la banque de commencer à tourner la page de son cauchemar américain.

 Vers une "jurisprudence BNP Paribas" ?

 Pour d'autres banques, en revanche, les démêlés avec les autorités américaines ne font sans doute que commencer. Ce sont donc les dirigeants de ces établissements là qui seront toutes ouïes ce lundi soir, à l'occasion de la conférence de presse que la justice américaine devrait tenir à Washington pour exposer ce qui pourrait bien devenir "la jurisprudence BNP Paribas."

 En effet, la banque dirigée par Jean-Laurent Bonnafé n'est ni la première ni la dernière à avoir maille à partir avec les Etats-Unis au sujet des pays soumis à un embargo américain. Avant elle, il y a eu RBS (Royal Bank of Scotland), qui a soldé l'affaire moyennant 100 millions de dollars, Standard Chartered, qui a accepté de payer une amende de 627 millions de dollars, ou encore HSBC (1,92 milliard de dollars). Et après BNP Paribas, il y a aura peut-être le Crédit agricole, la Société générale, Deutsche Bank, Commerzbank et l'italienne Unicredit.

 Pas de provision spécifique au Crédit agricole et à la Société générale

 Le document de référence de Crédit Agricole SA (CASA, l'entité cotée de la banque verte), publié au titre de 2013, est en effet on ne peut plus clair : CASA et Crédit agricole CIB (la banque d'investissement) "conduisent actuellement une revue interne des paiements libellés en dollars américains impliquant des pays, personnes physiques ou entités qui pourraient être visés par (...) les sanctions économiques mises en place par l'Office of foreign assets control (OFAC), et coopèrent avec les autorités américaines dans le cadre de leurs demandes."

 De son côté, la Société générale indique dans son document de référence avoir "engagé des discussions" avec le même OFAC américain, "au sujet de virements libellés en dollars américains effectués sur instruction de clients personnes morales établis dans un pays faisant l'objet de sanctions économiques édictées par les autorités américaines." Et la banque de préciser qu'elle "a lancé un audit interne et coopère avec les autorités américaines." Pas plus le Crédit agricole que la Société générale ne fait mention de provisions spécifiques. La première affichait un total de 1,210 milliard d'euros de provisions pour risques de litiges, au 31 décembre 2013. Une somme qui s'élève à 700 millions d'euros pour la seconde.

 UniCredit aurait provisionné plus de 100 millions d'euros

 Commerzbank non plus n'a pas encore passé de provision au titre de l'enquête dont elle fait l'objet de la part de la justice américaine au sujet de transactions avec des pays soumis à un embargo américain, le dossier n'en étant qu'au stade de l'investigation. Idem pour Deutsche Bank, les autorités américaines s'étant pour le moment contentées d'adresser à la banque des demandes de renseignements relatives à des paiements en dollars réalisés pour le compte d'entités issues de pays soumis à des sanctions économiques des Etats-Unis.

 Chez UniCredit, en revanche, où la justice américaine s'intéresse à des transactions impliquant des entités iraniennes visées par l'OFAC, le cas BNP Paribas aurait conduit les dirigeants de la première banque italienne à relever leur provision au-delà de 100 millions d'euros, selon le Wall Street Journal.

 Un coût des litiges à prendre en compte dans les tests de résistance

 Une provision qui risque cependant de s'avérer dérisoire, à l'aune de l'exemple de BNP Paribas. La banque n'avait-elle pas provisionné 1 milliard de dollars dans ses comptes 2013, une somme suffisante importante pour susciter l'inquiétude de la communauté financière ? Au final, pourtant, BNP Paribas devrait écoper ce soir d'une amende huit fois supérieure au montant provisionné. Un écart tel qu'il donne des sueurs froides aux autres banques dans le collimateur de la justice américaine, surtout au moment où la BCE (Banque centrale européenne) mène une revue de la qualité des actifs du secteur bancaire européen et s'apprête à lui faire passer des tests de résistance, afin d'éprouver sa solidité avant d'en devenir le superviseur unique, en novembre.

 D'ailleurs, Andrea Enria, président de l'Autorité bancaire européenne, qui conduira les "stress tests", a indiqué, début juin, que ceux-ci devraient prendre en compte le coût des litiges, compte tenu de l'escalade dans le montant des amendes. C'est dire si les banques européennes, qui ont déjà levé 35 milliards de dollars de fonds propres depuis janvier dans la perspective des tests de résistance, pourraient devoir procéder à de nouvelles augmentations de capital ou cessions d'actifs, dans les prochains mois.