Fillon abandonne toute idée de vraie réforme de l'assurance maladie

Par Ivan Best  |   |  1150  mots
Le candidat de la droite et du centre ne veut plus séparer petit et gros risque, comme il le prévoyait pendant la primaire. Il veut mettre fin aux « contrats responsables » mis en place par Marisol Touraine, redonnant de la liberté de gestion aux mutuelles et assureurs

Exit l'idée d'un «gros risque » santé pris en charge par la sécurité sociale, tandis que le « petit risque » serait couvert par le secteur privé,  mutuelles et assureurs. Cette proposition, défendue en novembre par François Fillon a été totalement effacée du programme du candidat de la droite et du centre à la présidentielle, qui s'exprimait devant la Mutualité française, laquelle avait convié ce mercredi les candidats à la présidentielle à présenter leur programme en matière de santé .

Le modèle de 1945

« François Fillon veut préserver l'assurance maladie universelle et obligatoire selon le modèle de 1945 et un taux de remboursement par la sécurité sociale autour de 75, 76, ou 77%, comme aujourd'hui » déclare son directeur de campagne, Patrick Stéfanini. Mieux : selon l'ex ministre des affaires sociales, Eric Woerth, François Fillon chercherait à mieux rembourser certains risques. Il s'engage ainsi à ce que les lunettes des enfants soient intégralement prises en charge par la sécu. Plus de question de vraie réforme, de changement structurel de la prise en charge, donc.

S'agit-il de laisser filer le déficit de l'assurance maladie, qui avoisine les 4 milliards d'euros annuels ? Pas question, répond Eric Woerth. Il faut parvenir à l'équilibre, en réalisant 20 milliards d'euros d'économies sur cinq ans -compte tenu de la dérive naturelle des dépenses de santé. Comment, si rien n'est transféré au privé ? Il s'agirait de « lutter contre les sources de non qualité », telles que les « soins redondant ou inutiles (...) le maintien en activité d'établissements de faible qualité, la mauvaise coordination des soins, le recours excessif  à l'hôpital ».
Bref, autant de politiques déjà peu ou prou engagées, qu'il s'agirait d'accentuer. De même pour la lutte contre les fraudes, qui, l'admet Eric Woerth, est au menu de tous les projets de loi de financement de  la sécurité sociale de ces dernières années.

Fin des contrats responsables à la mode Touraine

Désireux d'aller dans le sens des demandes des mutuelles et assureurs, François Fillon promet de mettre fin aux nouveaux contrats responsables mis en place par Marisol Touraine, qui plafonnent le montant remboursé par les mutuelles pour les lunettes et les dépassements d'honoraires. Les complémentaires santé retrouveront donc leur liberté de remboursement.

Hamon veut modifier le financement de l'hôpital

Benoît Hamon, candidat socialiste, intervenant également devant la Mutualité française, a insisté sur sa volonté de modifier le financement de l'hôpital et de revenir en partie sur la tarification à l'activité.

"On ne peut pas gérer un hôpital comme une entreprise. C'est la raison pour laquelle j'introduirai une modification du financement de l'hôpital demain", a déclaré sur Europe 1 M. Hamon avant d'exposer dans la matinée ses propositions en matière de santé lors d'un "grand oral des candidats" organisé par la Mutualité française au palais Brongniart à Paris.

"Ça va mal à l'hôpital", a-t-il souligné. Les personnels soignants et administratifs "vont mal parce qu'ils ont une surcharge de travail". "Cette surcharge de travail est en partie liée à la manière dont est financé et fonctionne aujourd'hui l'hôpital", a-t-il affirmé.

"Il fonctionne selon la tarification à l'activité. On multiplie les actes pour obtenir un bon financement de l'hôpital", a développé le candidat, préconisant "une modification" de ce système. "Si un certain nombre d'actes doivent continuer à être financés de cette manière-là, je pense qu'il faut introduire une notion de financement forfaitaire", a-t-il précisé.

M. Hamon estime également qu'"il faut augmenter la part de remboursement de la Sécurité sociale" pour les soins dentaires, d'optique et les prothèses auditives. "Elle est aujourd'hui ridicule et finalement elle est essentiellement à la charge des complémentaires santé, ce qui fait que non seulement les tarifs sont élevés, mais qu'on est plus ou moins bien protégés selon qu'on a une bonne mutuelle ou pas".

Le candidat socialiste a par ailleurs plaidé pour "une politique drastique de réduction des pesticides, de lutte contre les perturbateurs endocriniens, car ils sont responsables de diabète, de maladies cardiovasculaires et de cancers nombreux", a-t-il dit.

Au palais Brongniart, il a annoncé vouloir sortir du "régime dérogatoire" qu'est celui de l'AME (aide médicale d'Etat, réservé aux immigrés en situation irrégulière) en l'intégrant à la protection universelle maladie, et automatiser "l'accès aux droits pour la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) ou l'aide à la complémentaire santé pour les plus pauvres", une "priorité", selon lui.

Par ailleurs, il souhaite élargir à terme l'ensemble des aides publiques à la complémentaire santé, notamment fiscales, "aux fonctionnaires, retraités et étudiants qui n'en jouissent pas", quitte à envisager "une contribution supplémentaire (...) de la dépense publique" sans diminuer les aides existantes pour les salariés.  Face aux prix exorbitants de certains médicaments, M. Hamon n'exclut pas de recourir à la licence d'office, "l'arme ultime" pour "générer une molécule" (produire des génériques) dès lors que les prix du marché "ne correspondent pas à la réalité des coûts de production", a-t-il redit.

 Emmanuel Macron veut améliorer l'organisation des soins

"Pilier de notre système de santé", l'hôpital "coûte très cher", a déclaré mardi le candidat d'En marche!, Emmanuel Macron, qui a proposé d'améliorer l'organisation des soins et promis d'investir 5 milliards d'euros dans les hôpitaux.

"Nous devons aujourd'hui améliorer l'organisation de l'hôpital en le décloisonnant", a lancé Emmanuel Macron qui a décliné ses propositions en matière de santé lors d'un grand oral organisé par la Mutualité. Il propose pour cela "de plafonner à 50%" la tarification à l'activité des hôpitaux (T2A), de "renforcer l'autonomie des hôpitaux" ou encore "d'élargir" les groupements hospitaliers de territoire pour avoir en amont une meilleure organisation de l'offre de soins.

Le but est d'éviter que "tout le monde converge vers l'hôpital, source de désorganisation et de coût", a-t-il souligné.

Le candidat a avancé "un cadrage global permettant de maintenir l'Ondam (l'Objectif national des dépenses d'Assurance maladie, NDLR) à 2,3% en 2018-2022", avec un "plan d'investissement dans l'hôpital et l'innovation médicale de 5 milliards d'euros sur la période".   L'Ondam, qui sert à freiner l'augmentation naturelle des dépenses de santé, "nécessite de réaliser 15 milliards d'euros d'économies", a relevé Emmanuel Macron, qui veut davantage développer la prévention et doubler les Maisons de santé pour désengorger les urgences.

"Ce qui coûte très cher dans le système de santé ce sont les gens qui restent", a ajouté à propos de l'hôpital le candidat, qui veut "faire un système où les gens restent le moins longtemps possible à l'hôpital" en développant l'ambulatoire et l'aval avec des maisons de répit et de suite.

 Avec AFP