Discret depuis sa victoire à la primaire de la droite et du centre, l'ancien Premier ministre devrait notamment s'expliquer mardi devant le groupe Les Républicains (LR) à l'Assemblée, où les premières notes discordantes ont percé mardi dernier, a-t-on dit à Reuters de sources parlementaires.
François Fillon s'efforcera de déminer le dossier de la protection sociale qui divise jusque dans ses rangs et cristallise les attaques de ses rivaux pour la présidentielle.
"La situation de notre système de santé est inquiétante et ceux qui prétendent le contraire sont dans le déni et la démagogie. Mon objectif est de sauver notre système de santé qui fut l'un des meilleurs au monde et qui doit le redevenir", écrit-il dans une tribune au figaro.fr publiée lundi soir et intitulée "Ce que je veux pour la Sécurité sociale".
"J'entends réaffirmer le principe d'universalité dans l'esprit des ordonnances de 1945. L'assurance maladie obligatoire et universelle, pilier de la solidarité, doit rester le pivot dans le parcours de soins dont le médecin généraliste est l'acteur-clé" et "elle continuera à couvrir les soins comme aujourd'hui et même, mieux rembourser des soins qui sont largement à la charge des assurés, comme les soins optiques et dentaires", défend-il.
"Il n'est donc pas question de toucher à l'assurance maladie et encore moins de la privatiser", martèle le champion de la primaire de la droite.
Pourtant, François Fillon a plaidé durant la campagne de la primaire pour une prise en charge par la "Sécu" des seuls gros risques, les petits étant remboursés par les mutuelles ou assurances privées. Sa position a suscité inquiétude et critiques jusque dans son propre camp. Certains tel Bernard Accoyer, secrétaire général du parti LR, avait estimé qu'une "clarification" était nécessaire.
Plusieurs députés LR se sont fait l'écho de l'inquiétude de leurs électeurs mais aussi de leurs propres interrogations sur le projet de réforme de l'assurance maladie porté par François Fillon et pilonné par la gauche et le Front national.
"Au sein du groupe, personne ne traîne des pieds, tout le monde est d'accord pour dégager la gauche et faire en sorte que Marine Le Pen ne gagne pas, mais sur le social, Fillon a compris le message", rapporte un élu. "Cela dit, c'est son programme et on ne change pas un programme comme ça quand on l'a soumis aux électeurs de la primaire", ajoute-t-il.
Les rhumes remboursés ? "Ça dépend quel rhume"
Un proche de Fillon, Jérôme Chartier, avait tenté lundi matin de rassurer en expliquant que les "petits risques" seraient toujours pris en charge mais que notamment "ça dépendrait de quel rhume".
"Mes adversaires s'érigent en défenseurs de notre 'modèle social' mais ils en sont, en réalité, ses fossoyeurs" car "ils refusent de voir que ce modèle craque de toutes parts, que le chômage, la pauvreté et les injustices se propagent, que les déficits menacent la solidarité nationale", estime le député de Paris.
"Au lieu de regarder les faits, mes détracteurs me soupçonnent de vouloir 'privatiser' l'assurance maladie et diminuer les remboursements. C'est évidemment faux !", affirme M. Fillon, relevant "au passage" que "la gauche préfère oublier que le poids des mutuelles et des assurances personnelles n'a cessé d'augmenter depuis des décennies, y compris dans le cadre des réformes qu'elle a elle-même votées".
"Rétropédalage pas sincère et pas clair"
François Fillon souhaite placer "l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires sous le pilotage d'une agence de régulation et de contrôle".
"Non seulement vous ne renoncez pas à votre projet de déremboursement du 'petit risque', mais pire encore, à travers une pseudo 'agence de régulation', vous faites entrer les assureurs privés dans le pilotage de la Sécu. Dans quel but, sinon leur confier des remboursements que vous retirez à l'assurance maladie ?", a réagi la ministre de la Santé Marisol Touraine sur Twitter.
Pour sa part, Arnaud Montebourg, candidat à la primaire organisée par le PS, a vu dans cette tribune "un rétropédalage qui n'est pas sincère et pas clair" de la part de M. Fillon qui, a-t-il rappelé, parlait de "dés-étatisation" du système de santé pendant la primaire. "Responsabiliser les malades, ça veut dire que quand ils sont malades c'est leur faute: ça n'a pas de sens", a-t-il pointé.
Le candidat de la droite entend aussi "faire en sorte que tous les Français puissent bénéficier d'une protection complémentaire appropriée sur la base de contrats homogènes" et "responsabiliser chacun en simplifiant les nombreux dispositifs de franchise actuels et le ticket modérateur qui sont un maquis incompréhensible".
"J'entends garantir un égal accès aux soins pour tous en enrayant la désertification médicale, grâce à la multiplication des maisons médicales, grâce à la revalorisation de la médecine libérale" notamment, soutient M. Fillon.
"Ces réformes se feront dans la concertation avec tous les acteurs", promet M. Fillon.
90% des Français contre une baisse des dépenses de santé
L'exercice est en effet périlleux pour le Sarthois qui répétait encore le 6 décembre devant les parlementaires LR qu'il resterait sur sa "ligne politique" et son "cap". "Ça n'est pas en zigzagant qu'on convainc et ça n'est pas en négociant des compromis qu'on va redresser la France", a-t-il déclaré.
Selon un sondage Elabe publié cette semaine, 90% des Français jugent inacceptable une baisse des dépenses publiques en matière de santé et 58% considèrent que la proposition de François Fillon de supprimer 500.000 postes de fonctionnaires sur cinq ans "n'est pas souhaitable".
Jugeant son projet "caricaturé", le candidat de la droite et du centre devrait clarifier prochainement ses propositions sans rien renier du fond de ses engagements, a fait savoir l'un de ses proches, le sénateur LR Bruno Retailleau.
"Il indiquera de façon beaucoup plus déliée, de façon encore plus précise, ce qu'est son projet pour la Sécurité sociale", a-t-il dit sur RTL.
Pas de recul, mais un effort de pédagogie, assure-t-on dans l'entourage du candidat, qui a martelé durant la campagne de la primaire qu'il n'amenderait jamais son projet.
Des dissonances à droite
L'ancien ministre Eric Woerth, ex-soutien de Nicolas Sarkozy et l'un des artisans du projet présidentiel de la droite, avait mis les pieds dans le plat dimanche en estimant que la répartition entre "petits risques" et "gros risques", coeur du projet de François Fillon pour l'assurance maladie, n'était pas "la bonne mesure".
Dans son programme, François Fillon propose de "focaliser l'assurance publique universelle notamment sur les affections graves ou de longue durée, le panier de soins solidaire, et l'assurance privée sur le reste, le panier de soin individuel".
"Les moins favorisés ne pouvant accéder à l'assurance privée bénéficieront d'un régime spécial de couverture accrue. Les patients seront responsabilisés par l'introduction d'une franchise maladie universelle dans la limite d'un seuil et d'un plafond", peut-on lire.
"Ça a été écrit à un moment donné dans le projet de la primaire, je pense qu'il faut aller plus loin que ça, on peut modifier des choses", a dit Eric Woerth. "Il faut clarifier la répartition entre les mutuelles et la Sécurité sociale. (...) Il faut éviter les déremboursements, il faut éclaircir ce qui doit être remboursé et qui doit le rembourser", a-t-il avancé.
Le député a ajouté que la réforme de l'assurance maladie n'était pas une priorité pour les mois de juillet et août 2017, si François Fillon venait à remporter la présidentielle, et que les textes ne seraient pas écrits "avant".
Dans son livre-programme "Faire", paru en 2015, François Fillon précise qu'il procédera "par ordre et avec mesure" et n'inclut pas la réforme de l'assurance maladie dans la "dizaine de mesures" (abrogation des 35 heures dans le secteur privé, âge de départ à la retraite porté à 65 ans, réforme fiscale, etc.) qu'il entend mettre en oeuvre "entre juin et septembre".
"La Sécurité sociale que les Français connaissent, elle va continuer à exister, c'est bien ce que veut François Fillon", a assuré Eric Woerth
(Avec l'AFP et Reuters)