Banque : et si c’était la fin des distributeurs automatiques de billets ?

Par Delphine Cuny  |   |  1016  mots
Avec la hausse du paiement en ligne et sans contact, sur mobile ou par carte, les automates sont de moins en moins utilisés.
L’essor du paiement en ligne et sans contact, sur mobile ou par carte, accélère la baisse des usages des automates, qui coûtent cher aux banques. Le DAB a encore de l’avenir selon certains fournisseurs qui essaient d’inventer de nouveaux services comme la réservation de billets de spectacles.

Le mois prochain, on fêtera les cinquante ans du premier DAB, le distributeur automatique de billets, ouvert par la Barclays, au nord de Londres en juin 1967. En France, le premier automate fut installé l'année suivante, à la Société Marseillaise de Crédit, au tout début de la carte bleue, qui peina à décoller avant le milieu des années 1980 pour devenir le premier moyen de paiement des Français en 2003. Les machines se sont modernisées depuis mais, à l'heure du numérique, de la banque sur mobile et du paiement sans contact, qui laisse entrevoir un monde sans cash, les spécialistes du secteur s'interrogent sur « la fin des automates bancaires ».

[Barclaycash, le premier distributeur automatique de billets mis en service, chez Barclays, en juin 1967, devait permettre à l'agence de fournir un service 24h/24.]

Selon une étude OpinionWay pour l'éditeur italien de logiciels bancaires Auriga dévoilée ce jeudi, 29% des Français estiment qu'ils utilisent moins souvent les distributeurs automatiques de billets depuis cinq ans, principalement parce qu'ils paient plus fréquemment en carte bancaire et moins en espèces.

[Quels sont les types d'opérations que vous avez réalisées sur des distributeurs automatiques de billets au cours des 12 derniers mois ? En gris : non. Crédits : sondage OpinionWay pour Auriga]

Baisse du nombre de retraits et du parc

Interrogé, le Groupement des Cartes bancaires nous révèle les tous derniers chiffres: en 2016, le nombre de DAB a diminué de 2% (-1.200), le parc total tombant à 57.136. Le nombre de retraits baisse graduellement (-2,5% en 2015), tombant à moins de 22 par an et par carte. Toutefois, en valeur, le montant total des retraits a légèrement progressé (+1% à près de 127 milliards d'euros). Les Français retirent un peu moins souvent, mais davantage: 86 euros en moyenne en 2016, contre 84 euros l'année précédente.

Les banques ont tendance à "dédoublonner" leurs distributeurs et à regrouper les agences en fermant les plus petites, face à la baisse de fréquentation  - seulement 21% des Français se rendent dans leurs agences plusieurs fois par mois, contre 52% en 2010. Pour la première fois, en 2016, une banque française ayant l'un des tous premiers réseaux de distribution a enregistré une baisse, proche de 5% du nombre de transactions sur ses automates.

D'ores et déjà, les espèces représentent moins de 5% du total des transactions en valeur, selon des estimations convergentes, tandis que le paiement par carte ne cesse de progresser depuis 2000  et pèse plus de la moitié des transactions en volume.

[Evolution des transactions par carte bancaire en France de 2008 à 2015. Crédits : Groupement des cartes bancaires]

« Ennuyeux » et « pas sûr »

Près d'un quart des Français (23%) perçoivent le DAB comme « ennuyeux » et la proportion monte à 37% chez les 25-34 ans, qui ne le trouve « pas sûr » non plus (45%, contre 35% pour l'ensemble des personnes interrogées). Selon ce sondage*, « le choix du DAB se fait d'ailleurs à 89% pour des aspects sécuritaires », à l'intérieur d'une agence notamment. La fonction plébiscitée demeure le retrait de billets, faute d'alternative: 92% des Français l'ont fait au cours des 12 derniers mois, loin devant le dépôt de chèque (45%) et la consultation des comptes (39%).

L'éditeur de logiciels veut croire que « les automates bancaires n'ont pas dit leur dernier mot » car 23% des sondés sont ouverts à plus de services sur ces machines. Par exemple, ils sont 51% (sur les 23%) à être intéressés par le retrait d'argent sans carte bancaire, à l'aide d'un code reçu par mail ou SMS. Plusieurs banques françaises ont commencé à le faire, notamment la Caisse d'Epargne et le Crédit Mutuel (e-retrait). Et 43% sont intéressés par la réservation et l'impression de billets de spectacles ou événements sportifs, 42% par le paiement de factures ou services administratifs, directement depuis le DAB.

« Le consommateur actuel a profondément changé, il est plus exigeant, encouragé par une utilisation accrue des applications bancaires mobiles et en ligne. Si l'utilisation massive de la carte bancaire relègue l'automate bancaire au second plan, cette étude prouve que le DAB a encore de l'avenir devant lui. En lui apportant davantage de valeur ajoutée via des services additionnels, son attractivité auprès des Français et plus particulièrement des 25-34 ans, serait renforcée », fait valoir Thierry Crespel, le responsable commercial pour la zone Europe d'Auriga.

Toutefois, l'enquête OpinionWay souligne « un point de vigilance: les usagers ne montrent pas un très fort enthousiasme à l'égard de ces nouveaux services ». Et une toute petite fraction serait prête à payer un surcoût (14% des personnes intéressées, moins de 2 euros par service).

En septembre dernier, les experts des services financiers du cabinet Deloitte s'étaient montrés très dubitatifs, en présentant une étude sur les relations entre les banques et leurs clients, soulignant que les consommateurs n'étaient pas très attachés au DAB de leur agence.

« Les machines multi-usages comme l'achat de billets de concerts, c'est le chant du cygne des fabricants de GAB, pour continuer à exister ! » avaient-ils estimé. « Est-ce la vocation d'un DAB de proposer de la recharge de crédit de téléphone mobile ? Avec le développement des moyens digitaux, on se dirige vers une diminution structurelle du nombre de guichets automatiques, qui coûtent cher aux banques en frais de transport de fonds », prédisaient-ils.

[Lieu de retrait d'espèces habituel préféré des Français. Crédits: baromètre 2016 des relations banques clients Deloitte]

Si, en ville, il suffit de marcher quelques mètres de plus pour trouver un distributeur, les fermetures de DAB et d'agences posent un tout autre problème en zones rurales. Au Royaume-Uni, une solution a été trouvée pour éviter cet appauvrissement et la désertification bancaire des campagnes: les bureaux de la Poste servent désormais de guichet universel, à la suite d'un accord signé avec les plus grandes banques.

* Etude quantitative réalisée entre le 3 et le 8 mars 2017 auprès de 1.026 individus de 18 à 65 ans clients d'au moins une banque traditionnelle ou en ligne et utilisateurs de DAB.