Affaire Kerviel : La Société générale est condamnée à payer plus de 450.000 euros à son ancien trader

Par latribune.fr  |   |  630  mots
La banque fait appel de cette décision du conseil de prud'hommes de Paris, qui a estimé que la Société générale avait licencié Jérôme Kerviel sans "cause réelle ni sérieuse" et dans des conditions "vexatoires."

Nouveau rebondissement dans l'affaire entre Jérôme Kerviel et la Société générale, le premier étant accusé d'avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à la première il y a huit ans, en prenant des positions colossales non autorisées sur les marchés financiers. Ce mardi 7 juin, estimant que la banque avait licencié son ancien trader, en 2008, sans "cause réelle ni sérieuse" et dans des conditions "vexatoires", les prud'hommes ont condamné l'établissement dirigé par Frédéric Oudéa à verser à Jérôme Kerviel plus de 450.000 euros.

Accordant à l'ancien trader sa première victoire judiciaire dans le bras de fer qui l'oppose depuis huit ans à la banque, laquelle le rend seul responsable d'une perte de 4,9 milliards d'euros, le conseil des prud'hommes a souligné que le licenciement début 2008 était intervenu pour "des faits prescrits". Il a estimé, dans un jugement très sévère pour la Société générale, que cette dernière avait connaissance des dépassements par M. Kerviel des limites imposées aux opérations de marché "bien avant" de lui signifier son licenciement le 18 janvier 2008.

Cette juridiction civile a notamment accordé à l'ancien trader le paiement d'un bonus de 300.000 euros pour l'année 2007, jugeant qu'à l'époque la banque était "parfaitement au courant des opérations fictives" de M. Kerviel, qui ont généré des profits pour le groupe. En ajoutant diverses indemnités dont une pour les "conditions vexatoires" du licenciement, des congés payés, et des dommages intérêts, la somme se monte à quelque 455.000 euros, dont plus de 80.000 payables immédiatement, selon l'un des avocats de M. Kerviel, Julien Dami Lecoz. Celui-ci a averti l'ancien trader par téléphone. "Il est très content", a-t-il dit en raccrochant.

"On renoue avec la justice", s'est félicité Me David Koubbi, l'un des avocats de Jérôme Kerviel, interrogé par l'agence Reuters. Cette décision "fait voler en éclats la fable qui a été servie par la Société générale depuis le début", a-t-il ajouté. Dénonçant de son côté une décision "scandaleuse", l'avocat de la Société générale, Arnaud Chualet, a fait appel, rappelant que Jérôme Kerviel avait été reconnu coupable au plan pénal pour des manoeuvres boursières frauduleuses.

Le 13 février 2013, quelque mois après la confirmation, par la cour d'appel de Paris, de sa condamnation à trois ans de prison ferme et au versement de 4,9 milliards d'euros de dommages-intérêts à la Société générale, Jérôme Kerviel, clamant à nouveau son innocence, avait saisi le conseil de prud'hommes de Paris, demandant une expertise sur les pertes qui lui étaient imputées par la banque.

Le prochain épisode important pour l'ancien trader se jouera du 15 au 17 juin lorsque la cour d'appel de Versailles examinera le volet civil de l'affaire, c'est-à-dire les dommages-intérêts de près de 5 milliards d'euros réclamés par la Société générale. Pour mémoire, la banque avait d'abord obtenu, en 2010 puis en 2012, que Jérôme Kerviel soit condamné à rembourser l'intégralité de sa gigantesque perte de 4,9 milliards d'euros, mais le jugement avait été cassé, en 2014, au motif que les mécanismes de contrôle de la Société générale avaient failli.

Le résultat de ce procès civil intéresse aussi les finances publiques. Le géant bancaire avait en effet touché 2,197 milliards d'euros en 2009 et en 2010, de la part de l'État, au titre d'un régime fiscal accordé aux entreprises déficitaires et victimes de fraude. La question de la restitution de cette somme pourrait se poser, si la cour d'appel devait pointer une importante responsabilité de la banque (AFP et Reuters).