Union bancaire : le nouveau mécanisme de sauvetage des banques pose question

Par Christine Lejoux  |   |  732  mots
La Commission européenne se dit convaincue que les déboires des épargnants italiens ne résultent pas des nouvelles modalités de résolution bancaire européennes, mais de leur méconnaissance des produits financiers achetés.
Le mécanisme de résolution unique des crises bancaires, deuxième pilier de l’union bancaire européenne, entrera en vigueur le 1er janvier 2016. Le MRU prévoit de solliciter d’abord, en cas de faillite d’une banque, les actionnaires et les créanciers, plutôt que l’Etat. Un principe de renflouement interne dont les limites ont été mises en lumière par le récent sauvetage de quatre banques régionales italiennes.

J moins 9. Le mécanisme de résolution unique des crises bancaires (MRU) entrera en vigueur le 1er janvier 2016. Derrière ces trois lettres se cache le deuxième pilier de l'union bancaire européenne, destinée à empêcher que des crises bancaires ne se transforment en crises des dettes souveraines, comme cela avait été le cas en 2008, lorsque les Etats - et donc, les contribuables - avaient dû dépenser des centaines de milliards d'euros pour secourir des banques en grandes difficultés. Pour mémoire, le premier pilier de l'union bancaire - le mécanisme de supervision unique (MSU) - est déjà à pied d'œuvre, la BCE (Banque centrale européenne) étant le gendarme des principales banques européennes depuis le 4 novembre 2014.

Le troisième pilier - le fonds européen de garantie des dépôts bancaires - en est encore au stade de projet, la Commission européenne l'ayant dévoilé le 24 novembre dernier. Entre les deux, le MRU s'apprête donc à devenir une réalité. Une imminence qui fait enfler le débat sur ses éventuelles conséquences politiques et sociales, à l'aune du récent sauvetage de quatre banques italiennes, pour un total de 3,6 milliards d'euros, qui a fait scandale de l'autre côté des Alpes.

En Italie, des petits épargnants « rincés »

Pour rappel, le MRU repose sur le principe du « bail-in » (renflouement interne), par opposition au « bail-out » en vigueur durant la crise de 2008, qui faisait appel à l'argent public. Concrètement, dans le cadre du « bail-in », une banque européenne au bord de la faillite devra d'abord faire appel à ses actionnaires pour sortir de ce mauvais, ainsi qu'à ses créanciers obligataires et à ses déposants détenant plus de 100.000 euros dans ses livres, avant de se tourner éventuellement vers le fonds de résolution unique (FRU), abondé par le secteur bancaire européen. L'Etat n'intervenant, lui, qu'en tout dernier ressort, si nécessaire.

Le hic, c'est que les actionnaires et les créanciers obligataires des banques européennes, ce ne sont pas seulement de grands investisseurs institutionnels riches à millions, voire à milliards, que le fait d'être « rincés » en cas de faillite bancaire ne déstabiliserait pas outre mesure. Les actionnaires et les créanciers obligataires des banques européennes, ce sont également des petits épargnants comme Luigino d'Angelo, ce retraité italien retrouvé pendu chez lui le 28 novembre, après avoir vu ses économies englouties à hauteur de 110.000 euros dans le sauvetage express de Banca Marche, Cassa di Risparmio diFerrara, Banca dell'Etruria e del Lazio et Cassa di Risparmio di Chieti, sauvetage décidé le 21 novembre par le gouvernement italien.

Le lien entre crises bancaires et crises des dettes souveraines retissé?

Un sauvetage lourd d'enseignements pour le futur MRU car, suivant en partie la philosophie de ce dernier, le gouvernement italien a fait appel, entre autres, aux 133.000 actionnaires et aux 10.500 porteurs d'obligations subordonnées [remboursables après celles des créanciers de premier rang ; Ndlr] des quatre banques régionales. Il s'agit, pour beaucoup, de petits épargnants qui ont subi de lourdes pertes, à l'instar de Luigino d'Angelo, et qui sont, au passage, autant de contribuables. L'affaire a provoqué un tollé général au sein de l'opinion publique en Italie. A tel point que, le 12 décembre, le gouvernement italien a annoncé la création d'un fonds de solidarité de 100 millions d'euros, afin d'aider les petits épargnants lésés par le sauvetage des quatre banques régionales.

Certes, afin de ne pas être assimilé à une aide d'Etat, ce fonds de solidarité sera entièrement alimenté par le fonds interbancaire de garantie des dépôts italiens. Il n'empêche, la décision de l'Italie de venir en aide aux épargnants montre que, dans le cadre du MRU, un gouvernement pourra être tenté de mobiliser de l'argent public pour amortir le choc subi par les actionnaires et les créanciers d'une banque en difficulté. Ce qui retisserait le lien pernicieux entre crises bancaires et crises des dettes souveraines, lien que l'union bancaire vise justement à briser. C'est dire si le principe du MRU peut poser question, à une dizaine de jours de son entrée en vigueur. Sauf pour la Commission européenne, convaincue que les déboires des épargnants italiens ne résultent pas des nouvelles modalités de résolution bancaire européennes, mais de leur méconnaissance des produits financiers qu'ils avaient achetés.