Brexit : le projet à 300 milliards de Deutsche Bank

Par Delphine Cuny  |   |  494  mots
La banque allemande envisagerait de déplacer pour 300 milliards d'euros d'actifs de Londres à Francfort dans les dix-huit mois à venir. Elle commencera à informer les clients que leurs contrats sont transférés vers l'Allemagne à partir de septembre.
Le projet Bowline de la banque allemande prévoit de rapatrier à Francfort son activité de trading et des actifs pour 300 milliards d'euros d'ici à 2019. Le patron britannique de Deutsche Bank, John Cryan, se prépare à un "hard Brexit".

Une métaphore nautique pour décrire le projet de rapatrier de l'autre côté de la Manche les traders et les actifs de la Deutsche Bank, de Londres vers Francfort : "Bowline", ou nœud de chaise en français, ce nœud de boucle non coulant facile à défaire, est le nom du projet secret de la plus grande banque allemande pour adapter son organisation en prévision du Brexit, selon l'agence Bloomberg.

La banque dirigée par le britannique John Cryan envisagerait de transférer environ 300 milliards d'euros d'actifs, soit un cinquième de son bilan, de sa filiale au Royaume-Uni vers son siège dans la ville du land de Hesse. L'opération se ferait en deux étapes : d'abord le transfert de l'activité de courtage en septembre 2018 puis celui des actifs gérés en mars 2019.

Rapatrier les contrats des clients

Selon Bloomberg, la banque allemande commencera à informer dès septembre les clients que leurs contrats seront transférés de Londres à Francfort. Deutsche Bank a d'importantes activités de marchés dans la capitale birtannique: elle emploie près de 9.000 personnes outre-Manche, dont 7.000 à Londres, et pourrait en transférer plusieurs milliers, 4.000 selon une estimation indiquée par la directrice de la conformité et du contrôle interne de Deutsche Bank, la Française Sylvie Matherat, en avril dernier.

Dans une vidéo interne datée du 20 juillet, John Cryan a indiqué aux salariés que le géant bancaire se préparait à un scénario de "hard Brexit", impliquant la perte du "passeport européen" donnant accès au marché unique depuis le Royaume-Uni après la sortie de ce dernier de l'Union européenne. Estimant que le Brexit aurait « un impact important » sur Deutsche Bank, il a insisté sur la nécessité de ne « pas attendre la dernière minute » et expliqué les changements envisagés :

« Aujourd'hui pour des raisons pratiques, nous avons une partie importante de nos actifs inscrits dans les comptes de notre filiale britannique et pas dans ceux de la maison-mère à Francfort. Nous en comptabiliserons probablement la grande majorité à Francfort à l'avenir. Cela ne changera rien pour nos clients.

Nous allons essayer de minimiser les perturbations pour nos clients et nos personnels mais il est inévitable que certains postes soient déplacés ou au moins ajoutés à Francfort », a-t-il déclaré.

Il n'a pas précisé le nombre d'emplois concernés. John Cryan s'est voulu rassurant, à court terme.

« Nous allons répliquer des infrastructures à Francfort et à terme, si nous comptabilisons directement toute l'activité en Allemagne, il y aura des emplois supprimés à Londres, ou juste transférés, même si les gens ne déménagent pas effectivement », a-t-il répondu.

« Nous allons maintenir les infrastructures en doublon au moins pendant la période de transition. Londres restera un centre financier majeur, il le restera pour l'horizon de carrière de la plupart de nos employés, pour au moins 10 à 20 ans », a-t-il nuancé.