Historique ! Les Allemands délaissent le cash pour la carte

Par Delphine Cuny  |   |  664  mots
La part des espèces (en jaune) a nettement diminué en trois ans au profit de la carte de débit (en violet), en particulier pour les paiements compris entre 50 et 100 euros. (Crédits : Bundesbank)
Pour la première fois en 2017, la part des paiements en espèces outre-Rhin est passée sous les 50% en valeur et celle des cartes bancaires a augmenté de six points en trois ans, selon une étude de la Bundesbank. L'argent liquide reste le moyen de paiement favori dans 74% des transactions (en volume).

Signe des temps. Parmi les plus gros utilisateurs d'espèces d'Europe, tout juste dépassés par leurs voisins autrichiens, les Allemands ont moins payé en liquide en 2017. Dans une étude approfondie (en allemand) dévoilée ce mercredi, la Bundesbank, la banque centrale allemande, révèle qu'il s'agit d'un véritable tournant : pour la première fois, la part du cash est passée sous la barre symbolique des 50% des transactions en valeur l'an dernier, à 47,6%, contre 53,2% en 2014.

"Depuis la première enquête en 2008, la part des espèces a diminué d'un peu plus de dix points de pourcentage", souligne l'étude.

Dans le même temps, l'usage de la carte bancaire (débit et crédit) s'est démocratisé, grimpant de près 9,3 points en dix ans.

[Part des espèces (Barzahlung) dans les paiements en valeur en Allemagne. Crédits : Bundesbank]

Le cash reste cependant utilisé dans près de trois quarts des transactions, même si la tendance est à la baisse, sa part passant de 79% à 74% en trois ans.

[Part des espèces (Barzahlung) dans les transactions en volume en Allemagne. Crédits : Bundesbank]

"L'argent liquide est toujours le mode de paiement le plus populaire, même si les paiements par carte deviennent plus importants. Avec ce résultat, l'Allemagne cadre bien avec le panorama européen global" relativise un des membres du conseil de la Bundesbank, Carl-Ludwig Thiele, dans l'introduction de l'étude.

La carte majoritaire pour payer entre 50 et 100 euros

Pourtant, les Allemands ont été en Europe parmi les plus réticents à utiliser la carte, en particulier pour le commerce en ligne, préférant le débit immédiat par virement, notamment avec la solution proposée par la startup à succès Sofort (rachetée par la Fintech suédoise Klarna).

La carte est désormais utilisée plus souvent : ainsi, 57% des Allemands sondés disent s'en servir une ou plusieurs fois par semaine (+6 points en trois ans). Cette évolution a été particulièrement marquée chez les ménages aux plus faibles revenus (1.500 euros par mois) où la part du cash est tombée de 75% à 56% en trois ans, au profit de la "monnaie plastique." La carte ne convainc toujours pas les plus âgés alors que son usage a fortement progressé chez les 25-34 et les 35-44 ans.

C'est avant tout sur les paiements de montants moyens que la carte a opéré une véritable percée : elle est désormais majoritaire pour les opérations comprises entre 50 et 100 euros et entre 100 et 500 euros. Elle progresse aussi nettement pour les paiements de 5 à 20 euros, sans doute grâce au sans contact. En revanche, pas de changement pour les menus achats de moins de 5 euros, toujours réalisés à 96% en espèces.

[Part des moyens de paiement par transaction en fonction du montant : en jaune les espèces, en violet les cartes de débit, en vert les cartes de crédit, en turquoise les méthodes de paiement en ligne, en orange les virements, en gris les autres instruments non-cash. Crédits : Bundesbank]

Interrogés sur l'argent liquide qu'il conserve dans leur "portemonnaie" (en français dans le texte), les Allemands répondent détenir en moyenne 107 euros, dont 6 euros en pièces. Ce qui n'a quasiment pas changé en dix ans, lorsque la moyenne s'élevait à 118 euros, dont 7 euros en petite monnaie.

"La grande majorité des répondants (88%) aimeraient continuer à payer en espèces à l'avenir et refuser de restreindre leurs liquidités", souligne l'étude de la banque centrale.

D'ailleurs, la Bundesbank ne cache pas au passage son scepticisme à l'égard des mesures prises au niveau européen, comme la décision de cesser d'imprimer les billets de 500 euros afin de diminuer les contrefaçons et le blanchiment ou les discussions en vue d'imposer une limite de paiement en liquide (1.000 euros en France, aucune en Allemagne).

"La Bundesbank n'a toujours pas connaissance d'études démontrant l'efficacité des plafonds de paiement en espèces", affirme-t-elle.