Complémentaires santé : que va faire François Hollande ?

Par Séverine Sollier  |   |  1454  mots
François Hollande, président de la République. Copyright Reuters
Au cours de la campagne présidentielle, François Hollande a pris des engagements sur les grands dossiers du moment concernant les assurances complémentaires santé : taxes sur les mutuelles, dépassements d'honoraires, conventionnement avec les professionnels de santé notamment. L'agence fédérale d'information mutualiste (AFIM) en a fait l'inventaire.

Si François Hollande n'a pas manqué au cours de la campagne de manifester son attachement au régime obligatoire de la Sécurité sociale, il s'est aussi exprimé sur plusieurs grands dossiers concernant les assurances complémentaires santé.  Il a en particulier, à la demande de la Mutualité française, répondu à ses interrogations sur trois sujets : la taxe sur les mutuelles, les dépassemens d'honoraires et les déserts médicaux, comme l'a indiqué l'Agence fédérale d'information mutualiste (Afim) dans son édition du 9 mai (n°4141). 

Annuler une partie de la  taxe sur les mutuelles à condition que les tarifs baissent

Le gouvernement a doublé en 2012, de 3,5% à 7% la taxe sur les contrats de santé "solidaires et responsables" des complémentaires santé (mutuelles, assurances, institutions de prévoyance), introduite début 2011. Les polices d'assurance santé étaient ordinairement taxées à 7%. Mais les asurances santé « solidaires et responsables », commercialisées en France depuis 2001 (pour les « solidaires »), et depuis 2004 (pour les « responsables »), étaient exonérées de taxe dans la mesure où ces contrats incitaient  à respecter le parcours de soins de la Sécurité Sociale (obligation d'avoir un médecin référent et de passer par lui avant de consulter un spécialiste, par exemple...). Cette exonération a été mise à mal à la fin de l'année 2010. Les complémentaires solidaires et responsables ( environ 90% du marché)  se sont vues appliquer une taxe de 3,5%, à compter du 1er janvier 2011 dans le but de financer la dette sociale. Les contrats classiques, de droit commun, restaient taxés à 7%.

La loi de finances rectificatives pour 2011a majoré la taxe dans les deux cas, c'est-à dire pour tous les contrats : les solidaires et responsables sont passés à 7% (soit un ajout de 3,5%)  et les contrats classiques à 9% (soit +2%). Ces nouvelles taxes sont applicables depuis octobre 2011. Si l'on ajoute à cette TSCA, la taxe au titre de la CMU-C (Couverture Maladie Universelle Complémentaire) passée pour sa part à 6,27%du montant de la cotisation ai 1er janvier 2011 (contre 5,9% en 2009), c'est donc 13,27% d'impôts qui pèsent désormais sur les cotisations d'assurance santé. 

Cet alourdissement des prélèvements avaient été vivement critiqué par les partis de gauche dénonçant le caractère « injuste » de cette disposition considérée comme« pénalisante pour les classes populaires et moyennes ». Pour leur part, les mutuelles santé avaient lancé en septembre 2011 une pétition : "un impôt sur la santé ? c'est non !" pour protester contre le doublement de la TSCA qui avait recueillie plus d'un million de signatures au décompte de février 2012. "Dans un modèle économique extrêmement simple où les mutuelles fonctionnent avec une seule source de réserves, à savoir les cotisations, et une seule source de dépenses, qui est leurs prestations, comment peuvent-elles payer 13,27% de taxes sans que celles-ci se répercutent sur les cotisations ?", s'interrogeait alors Etienne Caniard, le président de la Mutualité française.
 

Dans un courrier à la Mutualité Française envoyé avant son élection, François Hollande, va dans le même sens. " Le renchérissementdes cotisations des mutuelles est en grande partie lié aux augmentations successives des taxes appliquées aux mutuelles. Ce renchérissement des cotisations pénalise naturellement les plus démunis ", déplore-t-il avant de regretter que ces taxes aient été appliquées " de manière telle que la distinction entre les contrats solidaires et responsables et les autres a quasiment disparu ".


Quelques jours avant son élection, le candidat socialiste a par ailleurs indiqué sur France Inter sa volonté d'annuler " une partie de la taxe " spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA), relève l'Agence fédérale d'information. François Hollande y mettait toutefois une condition : que cette baisse "soit entièrement répercutée sur les adhérents des mutuelles. Nous aurons donc une contractualisation avec ces organismes pour que la baisse de la taxe puisse être reversée aux assurés sociaux ". Une discussion qui permettra notamment de "réintroduire une distinction entre les contrats aux effets vertueux et les autres. C'est pour cela que je souhaite que soit redéfini le contenu des contrats existants et que s'instaure une taxation fortement différenciée selon leur nature".


Plafonnés les dépassements d'honoraires... après une négociation


Sur un autre sujet brûlant, celui des dépassements d'honoraires des médecins, François Hollande, estime qu'ils "ont augmenté de manière inquiétante pour les patients", pour atteindre dans certains cas "niveau inacceptable" et "cette dérive doit cesser". Dans lsa lettre adressée à la Mutualité il précise : « Mon action visera donc une remise à plat de l'ensemble des tarifs pratiqués en mettant un terme à l'option de coordination, mesure inefficace récemment imposée par l'actuel gouvernement en dépit de l'opposition de l'ensemble des acteurs concernés ».


L'objectif serait de plafonner ces dépassements « par spécialité et par région » après une négociation avec l'ensemble des acteurs concernés. Cette discussion serait organisée dans les semaines à venir si le président nouvellement élu s'en tient à ses engagements pendant la campagne. "En cas d'échec, des mesures législatives seront proposées avant la fin de l'année, écrivait alors François Hollande avant d'ajouter:  "il s'agit de permettre à nos concitoyens de connaître le montant exact de leurs dépenses de santé et des remboursements associés et, à terme, de revenir à une réelle opposabilité des tarifs. ».

Autoriser les mutuelles à créer des réseaux agréés de professionnels de santé

La possiblité pour les mutuelles de passer des contrats avec des professionnels de santé dans le cadre de réseau de soins agréés visant à fixer des critères de qualité et de tarifs a sucité un débat passionné durant l'été 2011. Le principe d'étendre cette possiblité aux mutuelles de la même manière que les compagnies d'assurance santé y sont autorisées avait dans un premier temps été adoptée dans la loi mais invalidée ensuite en août par le Conseil Constitutionnel considérant que la loi ne portait pas du tout sur le même sujet et qu'il s'agissait donc d'un "cavalier" législatif. Les mutuelles se retouvent donc dans la situation antérieure d'interdiction comme le déplorait Etienne Caniard, président de la Mutuatlité Française dans un entretien à La Tribune en janvier.

"Je n'ignore pas, écrit-il, que les mutuelles ne disposent pas actuellement des mêmes droits que les autres organismes complémentaires en matière de
conventionnement avec les professionnels de santé. Il me semble donc important de rétablir l'égalité entre les assurances et les mutuelles en leur permettant, par la voie contractuelle, de favoriser les conditions d'un meilleur accès de tous à des soins de qualité et au meilleur coût ", a écrit François Hollande à la Mutualité Française.


Désert médicaux : personne à plus de 30 minutes d'une centre d'urgence

Parmi les engagements pris par François Hollande pendant sa campagne électorale la lutte contre la désertification médicale figurait en bonne place. Il s'est engagé à ce que « personne ne se trouve à plus de trente minutes d'un centre de soins d'urgence » et que des « pôles de santé de proximité soient mis en place au sein de chaque territoire ». Ce rééquilibrage irait avec un renforcement du rôle du médecin généraliste, « à la fois pivot et coordinateur du parcours de soins »  ce qui supposerait une évolution des modes de rémunération, « qui doivent inclure une part forfaitaire croissante ».

Par ailleurs, François Hollande s'est favorable à la limitation, par le biais d'une négociation, des nouvelles installations de médecins en secteur 2 dans les zones déjà très équipées. Pour sa part, Marisol Touraine, députée d'Indre et Loire et  chargée de piloter le pôle social dans l'équipe de campagne de François Hollande n'avait pas plaidé pour la suppression du secteur II lors d'une rencontre organisée en février par "Décision Santé".  « Nous proposerons une négociation sur l'encadrement des dépassements d'honoraires, avec les complémentaires dont le rôle devra être mieux reconnu avec un cahier des charges », avait-t-elle indiqué.

Elle a annoncé qu'il y aurait une « réforme de structure » centrée sur la médecine de proximité. « Nous sommes arrivés au bout de l'organisation d'un système, les inégalités d'accès aux soins sont creusées, et la santé est devenue une question grand public », a-t-elle expliqué, citant les interpellations permanentes sur « les dépassements d'honoraires », « les rendez-vous dans des délais déraisonnables », ou encore la démédicalisation des zones rurales. « Dans l'organisation actuelle, les rustines sont vouées à l'échec », a-t-elle résumé.