Evadés fiscaux : Cazeneuve veut les noms

Par Christine Lejoux  |   |  566  mots
"Chacun doit acquitter ce qu'il doit au pays, dans cette période de redressement des finances publiques », a insisté Bernard Cazeneuve, auditionné le 19 juin par la Commission d'enquête du Sénat sur l'évasion fiscale. .Copyright Reuters
Auditionné mercredi par la commission d'enquête du Sénat sur le rôle des banques dans l'évasion fiscale, Bernard Cazeneuve à invité Pierre Condamin-Gerbier à communiquer à Bercy la liste des 15 personnalités politiques françaises ayant ou ayant eu un compte en Suisse, liste que cet ancien cadre de la banque suisse Reyl avait affirmé détenir, le 12 juin, lors de son audition par cette même commission.

139, rue de Bercy, Paris 12ème. Cette adresse, c?est celle du ministère de l?Economie et des finances. C?est également celle à laquelle Bernard Cazeneuve, le ministre du Budget, convie Pierre Condamin-Gerbier, cet ancien cadre de la banque suisse Reyl qui avait affirmé, le 12 juin, devant la commission d?enquête du Sénat sur le rôle des banques dans l?évasion fiscale, posséder une liste de 15 personnalités politiques françaises détenant ou ayant détenu un compte en Suisse. « J?invite ce monsieur à communiquer sa liste à Bercy. Je lui ai indiqué ce matin l?adresse, l?étage et le bureau compétent », a déclaré mercredi après-midi Bernard Cazeneuve, dans le cadre de son audition devant la même commission d?enquête du Sénat.

Dans un entretien au Journal du Dimanche, publié le 16 juin, Pierre Condamin-Gerbier avait indiqué ne pas avoir « encore décidé de la façon dont (il) rendrait publique cette liste », ajoutant qu?il attendait « que des conditions soient réunies, notamment en termes de protection et de sécurité pour (sa) famille. » « La manière dont l?administration a traité Hervé Falciani ? l?ex informaticien de HSBC accusé par la Suisse du vol de fichiers bancaires ayant permis d?identifier des milliers d?évadés fiscaux, et que Paris « protégera » lors de son retour en France - montre que M. Pierre Condamin-Gerbier peut transmettre ses éléments à l?administration sans craindre pour sa protection, que nous assurerons », a affirmé Bernard Cazeneuve devant la commission sénatoriale.

Mieux vaudrait pour les politiques figurant dans la liste de Pierre Condamin-Gerbier qu?ils se rendent de leur propre chef au ministère des Finances. Car, s?il n?est pas question d?amnistie fiscale avant l?entrée en vigueur de la future loi contre la fraude fiscale, « il est normal que ceux qui viennent d?eux-mêmes régulariser leur situation auprès de l?administration fiscale bénéficient de pénalités inférieures à celle de 80% qui s?applique aux fraudeurs attrapés dans le cadre d?une procédure judiciaire », a souligné le ministre du Budget devant les sénateurs.

Aucune remise sur le montant des impôts ne sera accordée

Pour autant, pas question, pour les « repentis » de la fraude fiscale, d?espérer de petits arrangements entre amis. « Il faudra un barème, qui s?appliquera de façon identique à tous les contribuables venant régulariser leur situation devant l?administration fiscale », a décrété Bernard Cazeneuve, assurant aux sénateurs qu?il « rendra compte, chaque année, devant le Parlement », de la façon dont les régularisations des « repentis » se seront déroulées. « . Et il n?y aura pas d?anonymat, ces personnes viendront elles-mêmes, sans le truchement d?un conseil. Chacun doit acquitter ce qu?il doit au pays, dans cette période de redressement des finances publiques », a insisté le ministre.

Ce dernier a par ailleurs estimé que « des choses avaient été faites », lors du G8, contre la fraude fiscale, mais que « beaucoup restait à faire », en particulier sur la question des trusts, ces entités juridiques anglo-saxonnes qui permettent de dissimuler les bénéficiaires d'un placement, rendant inefficace tout effort de lutte contre les paradis fiscaux. « Il faut aller au bout du démantèlement des trusts », estime Bernard Cazeneuve.