L'Europe ne veut pas "rater" la révolution blockchain

Par Laurent Lequien  |   |  733  mots
La commissaire européenne à l'Economie numérique, Mariya Gabriel (Crédits : Reuters)
L'UE "ne peut pas se permettre de rater" la révolution numérique liée à la technologie "blockchain", qui renforce la traçabilité et la sécurité des données et des transactions sur internet, a affirmé jeudi la commissaire européenne à l'Economie numérique, Mariya Gabriel.

La blockchain est une technologie de stockage et de transmission de données, transparente et sécurisée. Elle fonctionne sans contrôle central et permet, en fonction de ses applications, de se passer des intermédiaires, par exemple les banques.

Ses applications sont multiples, mais la plus connue est celle permettant la création de cryptomonnaies, tel le bitcoin, cette monnaie électronique immatérielle, réputée invulnérable aux attaques informatiques, qui n'appartient à aucun État.

"Je considère la technologie du blockchain comme un changement fondamental et je veux que l'Europe soit à la pointe de son développement", a affirmé la commissaire.

"L'Europe ne peut pas se permettre de rater cette occasion", a-t-elle ajouté lors d'une conférence de presse où elle a lancé un Observatoire-forum que l'UE veut consacrer au sujet.

L'idée de cet observatoire, qui associera "les autorités publiques, les régulateurs, l'industrie" est "de suivre le potentiel de ces technologies et de voir quelles seront les répercussions, les risques et les opportunités pour l'UE", a-t-elle expliqué.

"Pour l'instant, nous n'allons pas réguler ce secteur, nous allons observer et voir comment nous pouvons apporter une certitude juridique", a-t-elle poursuivi.

L'UE dit s'attendre à ce que la technologie "transforme les modèles économiques dans divers secteurs comme les soins de santé, l'assurance, la finance, l'énergie, la logistique, la gestion des droits de propriété intellectuelle ou les services publics".

Un son de cloche différent de l'Europe à propos du bitcoin

De nombreux banquiers, y compris centraux, ont exprimé leurs réserves sur la sulfureuse cryptomonnaie. C'est au tour d'un des membres du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) de proposer la solution pour réguler le bitcoin.

L'Autrichien Ewald Nowotny, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, s'est prononcé en faveur d'une régulation du bitcoin, "objet purement spéculatif qui se fait passer pour une monnaie", avait-il déclaré début janvier dans un entretien au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung.

"Il suffirait d'appliquer la règle de base de toute transaction financière: chaque participant doit divulguer son identité. Cela casserait le bitcoin".

"Nous avons besoin d'une TVA sur le bitcoin qui n'est pas une monnaie".

Le gouverneur de la banque centrale d'Autriche va beaucoup plus loin que les autres représentants de la BCE. En décembre, le Luxembourgeois Yves Mersch, membre du directoire, avait estimé dans le Börsen-Zeitung que les échanges en bitcoin étant faibles en volumes, ils ne constituaient "pas actuellement un problème pour la politique monétaire", ajoutant :

"Les investisseurs particuliers sont libres de parier. Cependant, si quelque chose ne va pas, ils ne devraient pas venir nous dire que nous aurions dû l'interdire et les protéger d'eux-mêmes."

Yves Mersch s'était déclaré toutefois préoccupé par l'entrée des bourses (comme le Chicago Mercantile Exchange) sur ce marché, qui "représente une menace majeure pour la stabilité financière".

L'autre risque concerne le blanchiment de capitaux que pose le développement des blockchains et des cryptomonnaies.

"Nous venons de décider de ne plus imprimer de billets de 500 euros pour cette raison et nous assistons à un vaste recyclage de cet argent sale à travers le bitcoin", déplore Ewald Nowotny.

Le président de la banque centrale autrichienne estime que le bitcoin est avant tout une mode et souligne l'impossibilité à terme de généraliser les paiements avec une monnaie dont le cours est aussi volatile.

"Quand je prends le métro le week-end avec mes petits-enfants, il y a toujours quelques personnes qui viennent m'en parler, avant on me demandait s'il fallait acheter de l'or", ironise M. Nowotny.

Des responsables de la Réserve fédérale américaine (Fed) ont aussi récemment exprimé des craintes sur le sujet, tandis que la Banque centrale de Singapour a recommandé aux investisseurs d'agir avec "une extrême prudence" vis-à-vis du bitcoin. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, avait déclaré en décembre dernier

"Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté : le bitcoin n'est en rien une monnaie‎, ou même une cryptomonnaie. C'est un actif spéculatif. Sa valeur et sa forte volatilité ne correspondent à aucun sous-jacent économique et ne sont la responsabilité de personne."

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(avec agences)