Légion d'honneur : le patron de BlackRock France regrette "une polémique infondée"

Par LaTribune.fr avec AFP  |   |  945  mots
(Crédits : Photo Reuters)
Jean-François Cirelli, ancien dirigeant de GDF-SUEZ, puis d'Engie, et actuel président de la branche française du puissant gestionnaire d'actifs américain BlackRock, a été promu le 1er janvier officier de la Légion d'honneur. En plein conflit sur la réforme des retraites, cette distinction dérange.

Article publié le 02/01/20 à 11h37, mis à jour le 03/01/20 à 9h44 avec la réaction de BlackRock.

La nomination du patron de la branche française du géant américain de la finance BlackRock au rang d'officier de la Légion d'honneur était critiquée mercredi par les opposants à la réforme des retraites, qui accusent la société de vouloir l'influencer à son avantage.

Jean-François Cirelli, ancien dirigeant de GDF-SUEZ, puis d'Engie, et actuel président de la branche française de BlackRock a été nommé officier sur le contingent du Premier ministre, selon la promotion du Nouvel an de l'Ordre national de la Légion d'honneur publiée mercredi au Journal officiel. Avant ses activités de dirigeant, Jean-François Cirelli a également évolué dans la sphère publique et a notamment été conseiller technique puis économique de Jacques Chirac de 1995 à 2002, puis directeur adjoint au cabinet de Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre.

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De vives critiques sur Twitter

"Jean-François Cirelli, président de BlackRock France, est promu Officier de la légion d'honneur en ce 1er janvier. En récompense du pillage de nos retraites par répartition?" a réagi le parti communiste sur Twitter, où la nouvelle était abondamment commentée.

"BlackRock pourrait directement bénéficier de la #reformedesretraites", assurait pour sa part Maxime Combes, porte-parole de l'ONG Attac France.

Selon Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, cette nomination "révèle le côté obscur de la réforme des retraites".

Le marché français, "une boîte de Smarties pour BlackRock"

Face à ces vives critiques, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, a réagi sur RMC, en affirmant que BlackRock, qui gère 7.000 milliards de dollars d'actifs dans le monde, ne faisait "pas de lobbying" en matière d'épargne retraite car il n'a "pas grand chose à y gagner"

Un intérêt à développer la retraite par capitalisation

Peu connu jusque-là du grand public, le nom de BlackRock a pris un écho particulier à l'occasion de la mobilisation en France contre le projet gouvernemental de réforme des retraites, jusqu'à orner désormais des pancartes brandies lors des manifestations.

Le puissant gestionnaire d'actifs a ainsi été accusé de faire valoir auprès de l'exécutif le régime de retraite par capitalisation, sur le modèle des fonds de pension américains, au détriment du système français actuel par répartition, ce dont il s'est défendu récemment dans un communiqué publié par sa filiale française.

"En aucune manière, nous n'avons cherché à exercer une influence sur la réforme du système de retraite par répartition en cours auprès des pouvoirs publics ou de tout autre acteur du secteur",  a assuré BlackRock.

Le gestionnaire d'actifs, implanté en France depuis plus de 13 ans, "dialogue avec les organismes de réglementation et les pouvoirs publics", "dans le but d'expliquer [son] point de vue sur l'intérêt des investisseurs à long terme", selon son communiqué.

Le quotidien L'Humanité avait de son côté publié le 11 décembre un document interne d'une quinzaine de pages attribué à BlackRock, détaillant l'intérêt de développer l'épargne retraite par capitalisation en France en s'appuyant notamment sur la loi Pacte votée au printemps, même si le système de retraite par répartition "restera au coeur de l'épargne retraite française".

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Jean-François Cirelli sort de son silence

Face à ces vives critiques, Jean-François Cirelli est sorti de son silence ce jeudi en milieu d'après-midi. Interrogé par l'AFP, il a déclaré :

"A titre personnel, je regrette d'être pris à partie dans une polémique totalement infondée, manifestement animée par des objectifs politiques".

Le gestionnaire d'actifs rappelle, par ailleurs, ne pas être un fonds de pension et qu'il ne commercialise pas de plan épargne retraite. "Ce sont les professionnels de l'épargne et de la retraite qui proposent aux particuliers et aux entreprises des solutions de placement pour leur retraite, en supplément des régimes de base et complémentaires. C'est à ces acteurs que revient le choix des produits à intégrer dans les plans d'épargne-retraite qu'ils proposent", explique BlackRock.

Le groupe se défend d'avoir "cherché à exercer une influence sur la réforme du système de retraite par répartition". "Le système de retraite par répartition restera le socle de la retraite en France, comme l'analyse de la Loi PACTE par BlackRock le soulignait déjà dans sa note", écrit le gestionnaire d'actif.

Le mastodonte rappelle enfin qu'il est loin d'être le plus gros acteur du pays en gérant, au 30 juin 2019, "27,4 milliards d'euros d'actifs pour le compte de clients français" (des compagnies d'assurance, des caisses de retraites, des institutions officielles, des entreprises, des banques traditionnelles, digitales, etc.) tandis que "le marché de la gestion d'actifs en France s'élevait en 2018 à 3.674 milliards d'euros", selon les chiffres de l'AMF.