Les « frais généraux de la Nation » doivent baisser selon la Banque de France

Par Delphine Cuny  |   |  783  mots
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, enjoint l'exécutif d'"oser les réformes" en particulier de "reprendre le contrôle de nos dépenses publiques". Il suggère aussi de simplifier les réglementations et de lutter contre les rentes - mais pas dans la finance.
Dans sa lettre au président Macron et au Parlement, François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la banque centrale, alerte sur la dérive des finances publiques qui expose la France à un risque de double choc de compétitivité et de souveraineté, en cas de remontée des taux d’intérêt. Il appelle à « oser les réformes », lutter contre les rentes et simplifier les réglementations. Mais pas dans la finance où il n’est « pas question de relâchement ».

La culture du management et de l'entreprise se diffuse jusqu'au sein de la Banque de France. Ce jeudi, en présentant sa lettre au président de la République et au Parlement, introductive du rapport annuel de l'institution, le gouverneur de la banque centrale, François Villeroy de Galhau, a décrit l'urgence d'une reprise en main des dépenses de l'Etat dans un langage très corporate :

« En matière de dépenses publiques, l'anomalie française est flagrante : les frais généraux de la Nation sont beaucoup plus lourds que chez nos voisins européens. Leur évolution a été complètement délirante. »

« Si la France n'inverse pas, dans  les années qui viennent, sa longue dérive des finances publiques, elle s'exposera à un double choc négatif : un choc de compétitivité et un choc de souveraineté, face à la remontée des taux d'intérêt, en se mettant à la merci des marchés financiers. Si l'on n'a pas retrouvé la maîtrise des dépenses publiques, les intérêts de la dette absorberont toutes les marges de manœuvre dégagées », a prévenu François Villeroy de Galhau.

La Banque de France s'est d'ailleurs elle-même fixée un objectif de réduction de 20% de ses effectifs et de 10% de ses dépenses nettes sur cinq ans d'ici à 2020.

Oser les réformes, lutter contre les rentes

Dans une prise de position très politique, qui fait écho au récent audit de la Cour des comptes, le gouverneur de la Banque de France, une institution « indépendante depuis 1993 », a fait valoir qu'une stabilisation des dépenses publiques en volume n'aurait « pas d'effet récessif : il faut une meilleure allocation des dépenses et s'interroger sur l'efficacité » de ces dépenses, qu'il ne « s'agit pas de remettre en cause ».

Il s'est gardé de désigner quelles dépenses devraient être diminuées, alors que la croissance de l'économie française pourrait atteindre 1,6% cette année, « une vraie reprise même si elle reste modérée. ». Mais il a invité l'exécutif et le Parlement à « oser les réformes nécessaires et possibles ». En particulier :

« La surabondance de réglementations, qui n'est peut-être pas une exception française mais une caractéristique française, appelle un effort massif et structuré de simplifications : sur le marché du travail et sur celui des biens et services. Il faut lutter contre un certain nombre de rentes, par exemple dans le transport ferroviaire, le domaine de la santé et des professions médicales », en citant les exemples de réussite dans la téléphonie et des créations d'emploi du secteur VTC.

Un discours digne d'un président de l'Autorité de la Concurrence.

Pas question de relâcher la réglementation financière

Cependant, cette « surabondance de réglementations », dont se plaint régulièrement la profession bancaire, ne s'appliquerait pas à la sphère financière.

« Dix ans après la crise financière, d'énormes progrès ont été faits sur la réglementation bancaire et non-bancaire pour renforcer la sécurité financière. Néanmoins, il n'est pas question d'un relâchement : la vigilance doit rester forte. Il faut lutter contre les tentations de dilution de la réglementation post-crise. »

Il a souligné la montée de l'endettement mondial, préoccupante en particulier dans les pays émergents chez les ménages et les entreprises. La dette des entreprises françaises progresse aussi, et il recommande d'inciter à se financer plus massivement par fonds propres.

« La réglementation bancaire et financière n'est pas le fruit d'une bureaucratie tyrannique et aveugle. Globalement, vu ce qu'il s'est passé durant la crise financière, il était bon de mettre des règles de sécurité. Cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas simplifier, tel ou tel questionnaire [à remplir par les banques, ndlr] et nous le regardons avec l'ACPR [l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ndlr] » a-t-il répondu.

Le gouverneur, ex-directeur général délégué du groupe BNP Paribas, n'estime pas nécessaire d'en faire plus pour accroître l'intensité concurrentielle du secteur en France :

« Beaucoup a été fait en matière de lutte contre les rentes, y compris les dispositions sur la mobilité bancaire [loi Macron en vigueur depuis février, aux effets jusqu'ici limités, ndlr]. Les taux de marges d'intérêt sur les crédits aux entreprises sont parmi les plus bas de la zone euro et les commissions d'interchange sur les paiements par carte ont beaucoup baissé. La France a globalement plutôt un des systèmes bancaires parmi les plus concurrentiels », s'est-il félicité.