Soupçon de cartel de banques sur les obligations en dollars en Europe

Par Delphine Cuny  |   |  627  mots
Le Crédit Agricole a confirmé faire partie des banques ayant reçu les griefs de la Commission. (Crédits : Charles Platiau)
La Commission européenne suspecte quatre banques (non citées, mais dont Crédit Agricole et Deutsche Bank font partie) de s'être entendues entre 2009 et 2015 sur les prix des obligations souveraines, supra-souveraines et d'agences gouvernementales en dollars américains. Elle a transmis ses griefs aux établissements qui risquent une amende atteignant 10% de leur chiffre d'affaires mondial.

[Article mis à jour à 17h10]

Un petit parfum d'Euribor, ce scandale d'entente sur les dérivés de taux d'intérêt qui coûta cher, des dizaines voire des centaines de millions à plusieurs grandes banques. La Commission européenne a annoncé ce jeudi 20 décembre qu'elle avait communiqué à « quatre banques », qu'elle n'a pas citées, ses griefs concernant des soupçons d'entente sur les prix d'obligations souveraines libellées en dollars américains.

Le Crédit Agricole a reconnu faire partie des banques ayant reçu des griefs de la Commission. « Crédit Agricole SA et Crédit Agricole CIB [la banque de financement et d'investissement qui inclut les activités de marchés, Ndlr] vont en prendre connaissance et y répondre », a fait savoir la Banque verte dans un communiqué. L'action Crédit Agricole recule de 3,8% ce jeudi après-midi, signant la troisième plus forte baisse du CAC 40.

 Deutsche Bank aussi : mais la première banque allemande affirme avoir coopéré « proactivement » avec la Commission et ne pas s'attendre à une amende. Credit Suisse a indiqué être concernée et coopérer avec la Commission. Bank of America Merrill Lynch serait la quatrième banque à avoir reçu des griefs : elle avait déjà signalé dans un document au superviseur avoir été interrogée par les régulateurs sur le trading d'obligations.

Les faits remontent à quelques années et porte sur les négociations sur le marché obligataire secondaire, dans l'espace économique européen, de titres de créances émis par des institutions nationales ou supranationales en dollars.

« La Commission craint qu'à différentes périodes entre 2009 et 2015, les quatre banques aient échangé des informations commerciales sensibles et coordonné leurs prix concernant des obligations supra-souveraines, souveraines et d'agences libellées en dollars américains, connues sous le nom d'"obligations SSA". Ces contacts auraient eu lieu essentiellement sur des forums de discussion en ligne, pendant des périodes variables », indique-t-elle dans un communiqué.

Ce type d'obligation est émis par des agences telles que la Banque européenne d'investissement, des administrations centrales ou autorités publiques, comme les banques de développement régional.

Mêmes pratiques que sur l'Euribor  ?

L'affaire ressemble furieusement à celle du scandale Euribor. La Commission avait enquêté sur des soupçons d'entente sur les produits dérivés de taux d'intérêt en euro, qui a duré entre septembre 2005 et mai 2008 : son enquête avait révélé que sept banques y avaient participé à des degrés divers (Barclays, Crédit Agricole, HSBC, JPMorgan Chase, Deutsche Bank, RBS et Société Générale). Les services de la concurrence avaient conclu un accord transactionnel avec Barclays, Société Générale, Deutsche Bank et RBS en décembre 2013. La Commission avait ensuite infligé de lourdes amendes à JP Morgan (337 millions d'euros), déjà le Crédit Agricole (114,6 millions), et HSBC (33,6 millions). Elle avait expliqué que « les traders [...] entretenaient des contacts réguliers au moyen de forums de discussion ou de services de messagerie instantanée. Leur objectif était de fausser le cours normal des éléments constitutifs des prix des produits dérivés de taux d'intérêt en euro.»

Dans ce nouveau dossier des obligations souveraines en dollars, « l'enquête de la Commission porte sur le comportement de certains négociateurs des quatre banques et ne laisse pas entendre que le comportement anticoncurrentiel allégué constituait une pratique générale parmi les négociateurs d'obligations », indique Bruxelles.

Les quatre établissements concernés doivent désormais répondre aux griefs par écrit et peuvent être auditionnés pour faire part de leurs remarques. Si l'infraction aux règles de l'UE interdisant les pratiques commerciales concurrentielles est confirmée, ils encourent une amende pouvant atteindre 10% de leur chiffre d'affaires mondial.