COP 21 : dernier arrêt avant le désastre

Par Philippe Mabille  |   |  899  mots
L'espoir, c'est que la COP21 ouvre le chemin pour accélérer la transition énergétique en cours. Les plus grandes entreprises, notamment financières, commencent à le faire, et à se désinvestir du charbon
A la veille de l'ouverture de la conférence des Nations Unies sur le climat, retour sur les enjeux cruciaux d'une négociation mondiale qui doit faire date. Par Philippe Mabille.

Vingt-trois ans après le Sommet de la Terre à Rio, c'est dans un Paris transformé en camp retranché face à la menace du terrorisme, qui a ensanglanté la capitale le 13 novembre dernier, que le monde a rendez-vous avec l'Histoire. Quel symbole, dans le climat de tension extrême qui règne depuis la mi-novembre, que de tenir cette COP21 dans la Ville Lumière, à laquelle le monde entier a rendu hommage après l'attaque revendiquée par l'État islamique.

Placée sous l'égide de l'ONU - dont les soldats sécuriseront la zone de négociation au Bourget, en plus de 120.000 policiers, gendarmes et militaires mobilisés dans toute la France (2.800 à Paris) -, la « conférence des parties » va offrir aux 195 pays concernés (196 avec l'Union européenne) et aux 147 chefs d'État et de gouvernement attendus dimanche 29 et lundi 30 novembre pour l'ouverture de ce grand barnum climatique, une occasion unique de montrer aux peuples du monde qu'ils sont à la hauteur des responsabilités qui leur ont été confiées.

Si rien n'est fait, l'irréversible se produira dans vingt-et-un ans

Certes, on sait que l'accord sera très insuffisant : limiter à 2°C ou moins la hausse moyenne de la température sur Terre d'ici à la fin du siècle, par rapport à la période préindustrielle, c'est un peu comme l'objectif de 3% du PIB de déficit imposé par le Traité de Maastricht en Europe : un miroir aux alouettes. Certains disent qu'il est trop élevé et que la planète se dirige tout droit vers la « sixième extinction », celle de l'humanité. D'autres, plus sérieux, contestent la méthode, peu efficace il est vrai, puisque selon les derniers « calculs », sur la base des contributions nationales volontaires reçues, le réchauffement serait plus proche des 3°C.

D'après les climatologues, la COP21 de Paris est le dernier arrêt avant le désastre. Le « budget carbone », c'est-à-dire pour simplifier la quantité de CO2 que nous, humains, pouvons encore rejeter dans l'atmosphère, se réduirait encore plus rapidement que nous ne le pensions. Au rythme actuel des émissions, il ne nous resterait que vingt et un ans avant que la barre des 2°C ne soit franchie, et que les conséquences dramatiques du réchauffement deviennent irréversibles.

Les pays les plus déterminés, parmi lesquels les micro-îles menacées par la montée des eaux, voudraient même que l'objectif soit ramené à 1,5°C, ce qui ne nous laisserait alors que six ans, ce qui semble encore plus irréaliste.


Pas de succès de la COP21 sans solidarité financière

Beyrouth, le Sinaï, Paris, Bamako, Tunis : même s'il est délicat de rapprocher ces attaques terroristes de la COP21 à Paris, il est difficile aussi d'éviter de lier le défi climatique et celui posé par la montée de l'islamisme radical, qui a multiplié les attentats depuis le début de l'automne. Le premier lien, c'est l'enjeu de développement Nord-Sud. Car il n'y aura pas de succès de la COP21 sans solidarité financière entre les pays riches et les pays en développement. Or, le Fonds vert de 100 milliards de dollars annuels, que veut l'ONU pour aider les pays pauvres, peine à voir le jour.

La deuxième connexion, c'est de prendre la mesure de la violence extrême que pourrait engendrer le réchauffement climatique : sécheresse, comme actuellement en Syrie, mais aussi montée des eaux et inondations. Le flot actuel de réfugiés de guerre qui prennent tous les risques pour rejoindre l'Europe pourrait être décuplé par celui des réfugiés climatiques. Et le terrorisme de l'État islamique ou de ses avatars ne pourra que prospérer sur cette misère. On ne pourra pas dire que nous n'avons pas été prévenus ! Ce n'est pas seulement en fermant ses frontières, comme c'est le cas actuellement, que l'Europe se protégera.

Pour autant, il reste des raisons d'être optimistes, car la COP21 pourrait bien enclencher une nouvelle dynamique. Tous les pays commençant à être touchés, la prise de conscience est devenue globale et l'entrée dans la négociation de la Chine et des États-Unis est un motif d'espérance.


Convaincre les opinions publiques

L'espoir, c'est que la COP21 ouvre le chemin pour accélérer la transition énergétique en cours. Les plus grandes entreprises, notamment financières, commencent à le faire, et à se désinvestir du charbon. Les grandes métropoles, qui se réuniront à Paris en marge de la COP21, sont aussi à l'initiative pour économiser l'énergie dans le bâtiment ou les transports. Avec les progrès technologiques, une nouvelle économie, au carrefour de l'écologie et du numérique, fait son apparition et ouvre la voie à une civilisation inédite.

Reste le plus difficile : convaincre les opinions publiques, celles des pays riches - et encore plus celles des pays en développement, qui aspirent à un mode de vie à l'occidentale -, de l'urgence de changer nos comportements individuels. De ce point de vue, il est regrettable que la question du prix du carbone ne soit pas placée au coeur de la négociation, car ce serait sans doute le levier le plus efficace pour aller vers une économie décarbonée, surtout dans une période où les prix des énergies fossiles sont aussi faibles.