COP21 : un délai supplémentaire pour un accord plus ambitieux ?

Par Dominique Pialot  |   |  739  mots
Dans cette situation où rien n'est encore perdu, Nicolas Hulot a tenu à lancer un appel en direction des négociateurs et de leurs chefs d'Etat.
Espéré encore hier pour ce soir à 18h, l’accord n’interviendra pas avant samedi en milieu de journée. D’ici-là, la société civile pousse à un regain d’ambition, tandis que le monde économique se déclare d’ores et déjà satisfait.

Malgré le volontarisme de la présidence française, ainsi qu'une habilité et une expertise qui font l'unanimité, Laurent Fabius ne sera pas parvenu à boucler « sa » COP ce soir comme il en avait initialement l'ambition et encore l'espoir hier en fin de journée. C'est que les positions des uns et des autres se sont tendues dans la nuit, et l'Indaba (format de discussion en petit cercle typique des peuples zoulou et xhosa, ndlr) « des solutions » qu'il avait inventée n'a pas encore mérité son nom...

En dépit de l'atmosphère constructive rapportée par certains négociateurs ce matin à 5h30 à la sortie des débats, les points de friction sont encore trop nombreux pour espérer un accord ce soir. Après une pause bien méritée, les ministres, qui viennent d'enchaîner leur deuxième nuit blanche, reprennent leurs travaux en début d'après-midi. Objectif : un nouveau (et en principe dernier) texte pour demain matin, en vue d'un accord samedi à la mi-journée. Mais c'en est fini des Indaba, place maintenant aux bilatérales pour dénouer les derniers blocages.

La version présentée hier soir, ramenée à 27 pages et « seulement » 50 phrases entre crochets (contre 350 pour la version précédente), coince toujours sur les sujets clés de l'ambition, la différenciation et les financements.

La « neutralité des émissions », un concept flou

Parmi les points positifs, la Fondation Nicolas Hulot note des avancées sur les financements post-2020, le fait que les 100 milliards de dollars soient bien considérés comme un plancher, des cycles de révision des objectifs nationaux à la hausse (mais avec une date de début trop tardive puisque le projet mentionne 2025) et un paragraphe spécifique sur les « pertes et dommages », qui concernent les dégâts inévitables et irréversibles des impacts du changement climatique dans certains pays. La rédaction actuelle concernant l'ambition de l'accord, qui mentionne à la fois le maintien des températures globales "bien en-deçà de 2°C par rapport à l'ère préindustrielle" et la nécessité de "poursuivre les efforts pour limiter l'augmentation des températures à 1,5°C" , est également jugée « équilibrée ».

En revanche, Matthieu Orphelin, le porte-parole de la fondation, regrette que l'objectif de long terme ne comporte plus de chiffres mais seulement la mention d'un pic d'émissions et, surtout, une notion floue de « neutralité des émissions. » Autre déception de taille : la disparition d'un prix du carbone, pourtant seulement rejetée par les pays pétroliers, notamment Arabie Saoudite ou Irak.

Dans cette situation où rien n'est encore perdu, Nicolas Hulot a tenu à lancer un appel en direction des négociateurs et de leurs chefs d'Etat. Ceux-là mêmes qui avaient insufflé une certaine dose de dynamisme et d'ambition au premier jour de la COP, et qui rentrent à nouveau en scène, puisque l'on a appris que les présidents chinois et américain se sont parlé cette nuit, comme l'ont fait également François Hollande et Barak Obama.

Nicolas Hulot alerte tandis que le monde économique se réjouit

Concluant qu'on « peut encore construire l'avenir » grâce à des passerelles plutôt que des murs et des lignes rouges, Nicolas Hulot a aussi mis en garde contre le risque que « la tentation du fatalisme ne conduise au fanatisme ».

Toujours du côté de la société civile, une trentaine de militants sont montés ce matin sur le toit de l'Arc de Triomphe et un activiste s'est suspendu dans le vide avec des banderoles interpellant le président français  « M. Hollande : renouvelez l'énergie  ». Les directeurs de Greenpeace international et Greenpeace France ont par ailleurs remis au président ce matin plus de 100 000 signatures d'une pétition lui demandant de lancer concrètement la transition énergétique en France.

Le monde économique, en revanche, se déclare d'ores et déjà satisfait de cette COP. Dans une conférence de presse, l'économiste Nicholas Stern et des représentants de la coalition d'entreprises We Mean Business et du think-tank "New Climate Economy" se sont réjouis d'un signal clair donné, notamment, aux investisseurs de long terme qui doivent financer les infrastructures vertes indispensables pour assurer la transition vers un avenir décarboné. A leurs yeux, la version actuelle du texte suffit déjà à concilier croissance économique et baisse des émissions, le découplage à la base de la nouvelle économie qu'ils baptisent « Better growth, better climate ».