La COP21 s’ouvre sur un festival d’initiatives

Par Dominique Pialot  |   |  1053  mots
Justin Trudeau, Bill Gates, Barack Obama, François Hollande et le premier ministre indien Narendra Modi au Bourget, lundi 30 novembre
Secteurs public et privé ont multiplié les annonces en faveur des cleantech, des énergies renouvelables et d’une tarification du carbone.

Le monde entier avait les yeux tournés vers Paris lundi. Ou plus exactement, vers le Bourget, où s'est ouverte la 21ème conférence sur le climat, la désormais fameuse COP21. Si l'événement a autant attiré l'attention, c'est que plus de 150 chefs d'Etats et de gouvernement s'y sont succédés à la tribune tout au long de la journée. Parmi eux, deux Premiers ministres tout juste élus, le Canadien Justin Trudeau et l'Australien Malcolm Turnbull, qui rendent à nouveau fréquentables deux pays particulièrement  montrés du doigt sur les sujets climatiques ces derniers mois. Le jeune Justin Trudeau est particulièrement allant dans ses déclarations, mais les ONG ne manquent pas de souligner que des actes sont attendus. Seuls deux anciens, Obama et Merkel, étaient déjà présents à Copenhague il y a six ans et peuvent apprécier la tactique adoptée par la France...

Si François Hollande et Laurent Fabius ont invité cet aréopage dès l'ouverture des négociations, c'est pour leur donner l'impulsion politique qui a tant fait défaut à Copenhague en 2009, où ils n'étaient arrivés qu'à la fin, incapables de remettre sur les rails des négociations qui s'étaient enlisées lors des deux semaines précédentes.

Des initiatives portées conjointement par le public et le privé

Le monde des affaires, dont la présidence française de la COP rappelle régulièrement le rôle incontournable dans la transition qui s'impose, n'était pas en reste. Bill Gates était là aux côtés d'Obama pour présenter l'initiative qu'il mène en faveur des cleantech, et Gérard Mestrallet, président du « business dialogue » instauré il y a plusieurs mois pour favoriser les échanges public/privé était venu soutenir l'Alliance solaire internationale initiée conjointement par la France et l'Inde. Un pays où Engie, qu'il préside jusqu'en mai prochain, est bien représentée via l'entreprise française Solairedirect rachetée il y a quelques mois.

Pendant public de la « Breakthrough Energy Coalition » coordonnée par Bill Gates, qui rallie 28 investisseurs parmi les plus fortunés du monde en soutien aux start-up des cleantech, la « mission innovation » rassemble 19 pays (dont la Chine, l'Inde, les Etats-Unis, l'Indonésie, le Brésil et la France), représentant 75% des émissions de gaz à effet de serre et 80% de l'investissement mondial dans la R&D sur les énergies propres. Ces pays s'engagent collectivement à doubler leurs investissements dans la recherche sur les énergies renouvelables pour la porter à un montant global de 20 milliards de dollars dans les 5 prochaines années.

L'Alliance solaire internationale (ASI) annoncée conjointement par le Premier ministre indien Narendra Modi et François Hollande, qui regroupe 120 pays, n'a d'autre objectif que d'accélérer la baisse des prix de ces technologies, afin de les rendre accessibles aux régions situées sous les tropiques du Capricorne et du Cancer. L'initiative vise notamment à mobiliser les quelque 1200 milliards de dollars nécessaires d'ici à 2030 au coût le plus faible. Si François Hollande a mentionné le rôle des fonds publics pour amorcer la pompe, le secteur privé, par la voix de Gérard Mestrallet, a confirmé être prêt à prendre en charge 70% de l'effort. Vivement soutenue par la France, qui y voit un moyen de rattraper le faible équipement en installations solaires des pays les plus ensoleillés, qui sont aussi les plus peuplés, et où une part importante de la population n'a toujours pas accès à l'énergie, elle représente aussi une occasion rêvée de promouvoir les acteurs français du secteur. Gérard Mestrallet a d'ailleurs annoncé la création de Terrawatt, une organisation à but non lucratif destinée à prodiguer conseils et plans d'actions aux gouvernements, à commencer par cette nouvelle alliance.

Cerise sur le gâteau, cette initiative, "destinée à assurer un développement durable, à réduire les inégalités et à servir la planète, préfigure l'accord de Paris ", a souligné le président français. Au-delà de cette annonce, l'attitude de l'Inde, qui n'entend pas sacrifier sa croissance ni ses centrales à charbon sur l'autel de la lutte contre le changement climatique et l'a clairement rappelé lors du dernier G20, restera observée de près dans les négociations.

Le prix du carbone, invité surprise

Autre sujet très présent lors de cette première journée, et qui aurait semblé totalement incongru dans ce genre d'enceinte il y a encore 18 mois : le prix du carbone. Certes, dans le projet de texte lui-même, il n'apparaît, en option, qu'à deux endroits et rien ne garantit que ce sera toujours le cas dans deux semaines.

Mais plusieurs annonces de cette première journée réaffirment son rôle central dans la lutte contre le changement climatique. "The transformative Carbon Asset Facility" (TCAF), présenté par la Banque mondiale avec l'Allemagne, la Norvège, la Suède et la Suisse, est un nouveau dispositif destiné à développer des marchés carbone innovants dans les pays en développement, destinés à dégager les fonds nécessaires pour atteindre leurs engagements climatiques. Quant à la « Carbon pricing leadership coalition » regroupant 73 Etats, des régions, ainsi qu'un milliers d'entreprises et investisseurs, annoncée en octobre dernier à l'initiative de la Banque mondiale, elle a été officiellement lancée par une brochette impressionnante de six chefs d'Etat et de gouvernement (France, Allemagne, Chili, Canada, Ethiopie, Canada) aux côtés du président de la Banque mondiale, qui a parlé aussi au nom de sa collègue du FMI, Christine Lagarde.

Certes, François Hollande a rappelé qu'il ne s'agissait pas à proprement parler d'un sujet des négociations, et qu'il ne fallait s'attendre ni à un dispositif ni à un prix unique à court terme. Mais  cette annonce dès l'ouverture de la conférence est une façon pour ces dirigeants de s'assurer que la dynamique en faveur d'un prix du carbone est bien lancée, quel que soit le texte définitif. Et qu'elle doit permettre de converger aussi rapidement que possible vers un prix unique permettant d'éviter toute distorsion de concurrence. Les dirigeants ayant « fait le job », reste à voir comment l'impulsion née de ces diverses annonces va se traduire dans les négociations ces deux prochaines semaines...