Voiture électrique : l’industrie du lithium en surcapacité

Par Dominique Pialot  |   |  515  mots
La production de lithium, qui entre dans la composition des batteries, se développe plus rapidement que le marché de la voiture électrique. (Crédits : DR)
Entre production accélérée de ce composant essentiel des batteries et croissance ralentie du marché du véhicule électrique dans le monde, les prix ont chuté de 30% depuis la mi-2018, et la filière souffre. Mais les industriels veulent être prêts pour le vrai décollage de la voiture électrique, sur lequel tout le monde s’accorde sans en connaître précisément l’échéance.

Entre 2015 et 2019, les cours du lithium ont triplé. Une conséquence logique pour ce composant central des batteries lithium-ion, aujourd'hui les plus répandues pour les véhicules électriques, alors que le marché mondial franchissait le cap des 5 millions de véhicules.

Mais les efforts menés pour accroître la production se sont avérés trop efficaces, alors que la croissance des ventes connaissait ses premiers ralentissements, notamment en Chine, premier marché au monde. Pourtant, elles y ont enregistré une hausse de 90% au premier trimestre 2019 en comparaison de l'année précédente. Mais c'est deux fois moins que la hausse observée sur la même période entre 2017 et 2018.

Le prix du minerai a chuté de 30% depuis la mi-2018

Or, dans le même temps, six nouvelles mines ont ouvert en Australie depuis 2017 et le premier producteur mondial prévoit d'accroître sa production de 23% dans les deux prochaines années. Le Chili, autre gros producteur, prévoirait de doubler la sienne dans les quatre ans. Logiquement, cette situation de surcapacité a entraîné un effondrement des prix de 30% depuis la mi-2018.

Mais cela ne semble pas s'arrêter là car Morgan Stanley s'attend à voir le prix de la tonne de lithium en provenance d'Amérique du sud passer prochainement sous la barre des 10.000 dollars et le prix moyen converger dans une fourchette de 7.000 à 8.100 dollars la tonne à l'horizon 2025.

Et les producteurs doivent faire face à d'autres difficultés, notamment un goulet d'étranglement dans la chaîne de valeur au stade de la transformation du minerai brut en produit fini, des temps plus longs de mise en service de leurs installations ou encore de moins bonnes conditions de crédit.

Cellules de batteries : un marché de 424 milliards de dollars en 2025

Dans ce contexte, la plupart des producteurs ont dû réduire la voilure et réviser à la baisse leurs prévisions financières pour le court terme. C'est le cas de l'australien Pilbara, qui a décidé de ralentir sa production, ou encore du belge Umicore. Toujours confiant pour 2020, le premier fabricant de cathodes à base de lithium reconnaît qu'il affiche de 12 à 18 mois de retard sur ses prévisions pour 2019.

Cette situation s'explique par un marché de la voiture électrique en devenir, que tous s'accordent à voir exploser dans les prochaines années, mais dont on ne connaît pas précisément le calendrier de développement. Les industriels ne peuvent se permettre de négliger un marché du lithium dont Bloomberg New Energy Finance estime qu'il devra être multiplié par 10 d'ici à 2030 - pour un parc de véhicules électriques qui représenterait alors 70% du parc roulant.

D'après une étude publiée en 2018 par l'association australienne des mines, le marché du minerai brut devrait représenter 20 milliards de dollars (17,9 milliards d'euros) en 2025, 43 milliards pour le matériau traité, et 424 milliards pour les cellules de batteries.

Mais il n'est pas dit que tous surmontent la situation actuelle. D'autant moins que les besoins des constructeurs changent à mesure que les technologies évoluent. Or, tous ne semblent pas posséder l'agilité nécessaire pour suivre.