Rafale en Inde : New Delhi et Paris veulent signer un contrat avant la fin de l'année

Par Michel Cabirol  |   |  1413  mots
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Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, actuellement en Inde, s'est dit vendredi à New Delhi confiant sur l'issue des négociations concernant l'achat par l'Inde de 126 avions de combat Rafale, pour une valeur globale d'environ 18 milliards d'euros. Signera, signera pas avant la fin de l'année ? Suspense.

C'est long, très long. La négociation du contrat portant sur la fourniture de 126 Rafale à l'armée de l'air indienne entre New Delhi et Dassault Aviation est un véritable marathon, qui a débuté il y a déjà un an et demi, en janvier 2012, date du début des négociations exclusives. « Mais c'est normal », a estimé jeudi lors de la conférence de presse sur les résultats semestriels, le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier. Les négociateurs doivent encore s'armer de patience pour rédiger un contrat hors norme, qui doit lister notamment un à un chaque transfert de technologies (ToT) et préciser les responsabilités de chacun des partenaires concernés.

Eric Trappier organise d'ailleurs un « reporting » tous les jours vers midi pour suivre l'évolution de ce dossier majeur pour l'avionneur et pour la France. Le contrat sera-t-il signé pour autant avant la fin de l'année comme l'espère fortement l'actuel gouvernement indien ? Suspense, suspense. D'autant que si l'Inde organise à la fin de l'année des élections générales anticipées, prévues pour le moment au printemps 2014, les négociations ne seront certainement pas achevées et risquent d'être gelées pendant plusieurs mois le temps que la nouvelle équipe se réapproprie le dossier.

Jean-Yves Le Drian fidèle à sa stratégie 

En tout cas, fidèle à sa stratégie, qui lui a si bien réussie aux Emirats Arabes Unis, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui est actuellement en Inde pour une visite de deux jours (vendredi et samedi) destinée à rencontrer les autorités indiennes et à présenter le nouveau Livre blanc français à la communauté politique et militaire indienne, est venu pour nouer des liens un peu plus étroit avec son homologue indien qu'il ne connait pas très bien.

« Il faut reprendre le fil d'une conversation » avec Arackaparambil Kurian Antony, son homologue indien, avait-il expliqué à quelques journalistes dans l'avion qui l'emmenait à Abu Dhabi où il a participé à la signature portant sur la vente de deux satellites d'observation militaires pour plus de 700 millions d'euros. « Je suis allé une seule fois en Inde lors de la visite de François Hollande et j'y vais pour poursuivre une conversation » entamée lors de cette visite il y a cinq mois. Pas question donc d'arriver avec un catalogue d'armements sous les bras et de faire le forcing pour vendre le Rafale.

Confiance de Jean-Yves Le Drian

Pour l'heure, Jean-Yves Le Drian, qui a rencontré vendredi en fin de matinée et lors d'un diner son homologue indien A.K Antony, est resté dans son rôle très bien fléché. « Le renforcement de la coopération bilatérale dans le domaine stratégique et militaire figurera au menu des entretiens prévus les 26 et 27 juillet, avait expliqué le ministère de la Défense dans un communiqué publié vendredi. A cette occasion, le ministre de la Défense rappellera son engagement dans le partenariat stratégique entretenu par nos deux pays ». Cet accord-cadre entre la France et l'Inde "fournira toutes les garanties nécessaires de la part de l'Etat français", a précisé vendredi Jean-Yves Le Drian. Après avoir rencontré les industriels français du secteur de la défense, le ministre a présenté le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale au think tank Institute for Defence Studies and Analyses (IDSA). Samedi, Jean-Yves Le Drian se rend sur la base aérienne de Gwâlior pour visiter l'escadron de Mirage 2000 puis échanger avec les pilotes et les techniciens indiens engagés sur cette base.

Ce qui ne veut pas dire que le dossier Rafale n'a pas été abordé entre les deux ministres. "Bien sûr, ce projet est la priorité », a expliqué Jean-Yves Le Drian. Les négociations se passent bien, a d'ailleurs assuré le ministre, sans donner de précision sur la date de finalisation. Personne ne sait vraiment quand elles seront achevées même si des plannings existent. Des délais précédemment fixés par les autorités indiennes ont déjà été plusieurs fois repoussés. Mais Jean-Yves Le Drian a ajouté qu'il n'était pas inquiet des retards dans la négociation et avait toute « confiance » sur une issue positive. La partie indienne, de son côté, n'a pas souhaité faire de commentaire sur l'état des négociations.

Un partenariat très étroit entre les industriels français et indiens

C'est au printemps que les négociations se sont décoincées après avoir été fortement ralenties pendant plusieurs mois sur des questions cruciales portant sur la garantie des industriels : qui est responsable de quoi ? « Il faut avoir une transparence complète sur qui fait quoi, a assuré jeudi Eric Trappier. Il faut voir tous les sujets avant la signature mais pas après ». Dans le cadre de ce contrat, Dassault Aviation doit envoyer dans un premier temps 18 Rafale clés en main, puis construire les 108 autres en Inde, notamment avec Hindustan Aeronautics (HAL), le principal partenaire indien de l'avionneur tricolore.

Eric Trappier a réitéré sa confiance dans le groupe public indien, avec lequel Dassault Aviation collabore depuis 1989 et qui sera le maître d'?uvre pour la construction des Rafale en Inde. "Eux vont prendre une responsabilité de faire le Rafale, et nous on prend la responsabilité de faire en sorte qu'ils sachent fabriquer le Rafale, a résumé Eric Trappier. On n'a jamais émis de doutes sur HAL". "De nombreuses entreprises indiennes bénéficieront du cadre posé par le contrat et je sais qu'elles s'y préparent activement", a affirmé pour sa part Jean-Yves Le Drian. Dans ce cadre, le groupe privé Reliance, avec lequel Dassault Aviation a créé une coentreprise, sera un sous-traitant pour la fabrication des 108 Rafale fabriqués en Inde. "On les aide à créer leur propre industrie" dans l'aéronautique, a souligné Eric Trappier.

Forcing pour signer avant la fin de l'année

Chez Dassault Aviation, la confiance reste également de mise. Eric Trappier a réaffirmé jeudi qu'il espérait une signature en Inde d'ici à la fin de l'année. « On fait tout pour, on travaille d'arrache-pied", a-t-il expliqué. Il y a en permanence en Inde une cinquantaine de personnes de Dassault Aviation, qui font des allers-retours entre Paris et New Delhi, a souligné Eric Trappier, qui s'y rend lui aussi « régulièrement ». "C'est aussi bon pour ma confiance", a-t-il expliqué. Et de préciser qu'« il y a une forte demande des autorités indiennes pour finaliser avant la fin de l'année ».

Il a ajouté ne craindre ni l'approche des élections dans le pays ni l'éventualité d'un retour dans la course des concurrents de l'avion de combat français. "Je suis peut-être d'un optimisme béat mais, pour moi, le choix du Rafale en Inde a été fait. La décision est ferme. Ils ont un vrai besoin, ils ont fait un long appel d'offres, ils veulent les avions", a estimé le PDG de Dassault Aviation. "Les élections ne m'inquiètent pas, l'appel d'offres (...) n'est pas lié à la politique", a-t-il expliqué. D'autant que, selon lui c'est « une priorité militaire consensuelle parmi les partis politiques indiens ». Enfin, a-t-il martelé, "il n'y a plus de concurrents, le choix a été fait" et il est « documenté ». Face aux critiques sur le prix de la maintenance du Rafale, le patron de Dassault Aviation a assuré que l'heure de vol du Rafale était « maîtrisée et faible ».

Les Rafale livrés trois après la signature

Eric Trappier a estimé que les premiers Rafale pourraient être livrés à l'Inde trois ans après la signature du contrat. Soit fin 2016, début 2017 si le contrat est signé fin 2013. Il a toutefois souligné que ces Rafale ne pourraient pas être prélevés directement sur les chaînes françaises car les appareils doivent être adaptés aux nécessités indiennes dès la première unité. « Il y a quelques demandes indiennes différentes », a-t-il expliqué.

Par conséquent, la cadence de livraison des Rafale français ne pourra pas être ralentie rapidement pour libérer des marges de man?uvre financière dans le budget de la défense. L' Inde a choisi le Rafale, fabriqué par Dassault Aviation, en janvier 2012 après un appel d'offres portant sur 126 appareils et une option de 63 avions supplémentaires.