Pourquoi le nouveau Falcon de Dassault s'est transformé en "Rolls"

Par Michel Cabirol  |   |  1299  mots
Le Falcon 5X de Dassault Aviation est doté de technologies de pointe dont beaucoup proviennent directement des programmes militaires tels que le Rafale
L'avionneur a dévoilé lundi à Las Vegas le 5X, son nouveau Falcon haut de gamme présenté comme un avion de rupture. L'entrée en service de cet appareil, facturé 45 millions de dollars, et qui a connu beaucoup d'évolutions, est prévue pour 2017.

Près de douze ans après avoir dévoilé en octobre 2001 le 7X à New York, Dassault Aviation a une nouvelle fois choisi les Etats-Unis, et plus précisément Las Vegas, pour présenter son tout dernier modèle d'avion d'affaires ultra luxueux, le Falcon 5X. Normal, l'Amérique du Nord, qui devrait encore représenter 61 % des commandes en 2013, selon une récente étude du groupe américain Honeywell, est en quelque sorte le berceau commercial des avions d'affaires. Pour s'offrir le dernier joyau de Dassault Aviation, il faudra quand même débourser environ 45 millions de dollars et attendre son entrée en service en 2017.

C'est donc à l'occasion de la convention annuelle de la National Business Aviation Association (NBAA), le plus gros salon mondial de l'aviation d'affaires, que le célèbre avionneur au trèfle à quatre feuilles a choisi de présenter son dernier-né considéré "comme un avion de rupture". Un appareil doté de la cabine la plus large du marché, qui "présente un rendement carburant 50 % meilleur que celui des avions de même catégorie", selon Dassault Aviation.

Un lancement prévu...en avril 2007

Depuis 2005, le constructeur a beaucoup hésité sur la configuration de son dernier modèle. Au tout départ, il était question d'un avion d'affaires bimoteur d'entrée de gamme. Cet appareil était censé remplacer avantageusement le Falcon 50 à bout de souffle et être vendu entre 18 et 20 millions de dollars pour concurrencer le Bombardier CL300. L'ancien PDG de Dassault Aviation, Charles Edelstenne, avait même prévu de le lancer en avril 2007.

"Les caractéristiques principales de l'appareil sont définies, 90 % des éléments sont fixés et les définitions du matériel sont choisies. Le projet sera finalisé dans les prochaines semaines", avait-il déclaré en février 2007.

Mais pas d'annonce en avril. Ni même en juin lors du 47ème salon aéronautique du Bourget. A cette occasion, Dassault Aviation annonce toutefois avoir choisi les moteurs de Rolls Royce pour son futur avion d'affaires milieu de gamme. Le marché de l'aviation d'affaires flambe, les commandes pleuvent. L'aviation d'affaire est à son apogée avant un tassement en 2008, puis l'effondrement en 2009.

Le choc de la crise de 2009

Car la crise financière de 2009 va très fortement impacter le marché de l'aviation d'affaires jusqu'en 2012. Cette crise bouscule toutes les certitudes qu'avaient pu avoir les ingénieurs et l'équipe de direction de Dassault Aviation. Et rebat les cartes chez l'avionneur. Du coup, dans la plus grande discrétion, le constructeur s'est donc tourné sur ce qu'il savait faire de mieux, les "Rolls" des avions d'affaires. Très clairement, le haut de gamme.

Dans la gamme des Falcon, le 5X se situera entre les triréacteurs 900LX et le 7X et sera en concurrence avec le G450 de l'avionneur américain Gulfstream et surtout avec le GL5000 du canadien Bombardier.

Un appareil doté de la plus haute cabine du marché

"On s'est aperçu que les avions plutôt haut de gamme ont mieux résisté mais on n'a pas construit le 5X, parce qu'il y a eu une crise", assure le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier, tout en soulignant qu'au cours des sept à huit années de développement le programme avait "plutôt évolué vers le haut (de gamme) que vers le bas". Et de rappeler que Dassault Aviation avait présenté son "nouveau Falcon 2000S il y a moins de deux ans. Nous pensons qu'il est et restera pendant de nombreuses années la réponse parfaite aux exigences" du marché d'entrée de gamme. 

La dernière étude d'Honeywell ne donne pas tort à Dassault Aviation. Les avions à grande cabine devraient porter la croissance sur la période 2013-2022 et représenter jusqu'à 80 % de l'ensemble des commandes à court terme. D'une façon générale, Honeywell s'attend à une croissance de 4 % à 5 % du chiffre d'affaires de l'aviation d'affaires entre 2013 et 2022, qui correspondrait à la livraison de 9.250 nouveaux appareils pour un montant total de 250 milliards de dollars. 

Ainsi, le Falcon 5X vient renforcer l'offre de Dassault Aviation sur le segment des avions d'affaires à large cabine. "L'appareil présente une cabine dont la hauteur sous plafond atteint 1,98 m (la plus haute du marché), un critère de confort important pour les vols de longues durées, de 10 ou 11 heures", a expliqué dans son communiqué Dassault Aviation. Capable de transporter huit passagers sur une distance de 9.600 km, l'avion pourra relier Los Angeles à Londres, Sao Paulo à Chicago, Paris à Pékin ou Johannesburg à Genève sans escale. La cabine allie des fonctionnalités et un design d'avant-garde.

Un investissement à 1 milliard d'euros

Le Falcon 5X représente "le plus important investissement des programmes Falcon à ce jour", a précisé Eric Trappier dans le communiqué.

"Il témoigne de notre volonté de conserver le leadership technologique que nous avons acquis sur ce marché au cours des cinquante dernières années". "L'ordre de grandeur pour le développement de ce type de programme est le milliard d'euros", uniquement sur fonds propres, a insisté le groupe.

L'appareil est doté de technologies de pointe dont beaucoup proviennent directement des programmes militaires du constructeur du Rafale et du Neuron, un démonstrateur d'avion de combat sans pilote (UCAV). Il devrait effectuer son premier vol au premier trimestre 2015 et obtenir sa certification avant la fin de l'année suivante .La production du Falcon 5X a déjà démarré. Plusieurs sous-ensembles d'aérostructures sont en cours d'assemblage sur différents sites de Dassault Aviation en France et chez ses partenaires. De nouveaux processus de production et l'emploi de technologies industrielles innovantes participent à la réduction du nombre de pièces et des masses de l'avion, tout en permettant d'optimiser les cycles d'assemblage.

De nombreux équipementiers français

Dassault Aviation a embarqué la plupart des grands équipementiers français dans ce programme. Notamment Snecma (groupe Safran), qui va pour la première fois motoriser un avion d'affaires du constructeur. Le 5X sera équipé de réacteurs de nouvelle génération Silvercrest développés par Snecma, plus économe en carburant (environ - 15 %) que les moteurs actuels de catégories équivalentes. Dassault Aviation et Snecma ont travaillé "en étroite collaboration pour optimiser le rendement du moteur avec les performances de l'avion". Les deux entreprises sont des partenaires historiques dans les avions de combat.

Plusieurs autres filiales de Safran sont impliquées sur le 5X. Outre la contribution de Sagem et Techspace Aero au moteur Silvercrest, Labinal fournira les harnais électriques et Microturbo (en partenariat avec Pratt & Whitney AeroPower) le groupe auxiliaire de puissance et son kit d'installation. De son côté, Thales a été choisi pour fournir la solution de démarrage, de génération et de conversion électrique embarquée destinée à son nouvel avion d'affaire.

"L'électrification de ce nouvel avion d'affaire représente un jalon important de l'évolution vers l'avion plus vert et permettra une réduction significative du coût global de possession", a précisé Thales dans un communiqué.

Des PME également à bord du Falcon 5X

Zodiac Aerospace fournira quant à lui le système de distribution électrique primaire et secondaire, l'éclairage extérieur, l'éclairage intérieur, l'oxygène passagers et pilotes, les sièges pilotes, les raccords télescopiques (Ducts), les toilettes chimiques ainsi que le système de jaugeage et les équipements du circuit carburant.

Enfin, les ETI et les grosse PME du secteur sont également présentes à bord. Daher-Socata réalisera la conception et la fabrication d'éléments majeurs d'aérostructures du Falcon 5X, notamment la partie supérieure de la cabine passagers, également équipée de l'issue de secours et de la porte de la soute à bagages, et la partie inférieure avant du fuselage. Le Groupe Potez participe en fournissant la porte passagers du Falcon 5X.