Missiles chinois en Turquie : le ton monte entre Ankara et l'OTAN

Par Michel Cabirol  |   |  759  mots
Selon le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, "personne n'a le droit d'intervenir dans les décisions indépendantes" de la Turquie.
L'OTAN demande à la Turquie de tenir compte de son appartenance à l'Alliance dans le cadre d'un achat d'un système de missiles antimissiles chinois. Le Premier ministre turc a rappelé que "personne n'a le droit d'intervenir dans les décisions indépendantes" de la Turquie.

Le ton monte entre la Turquie et l'OTAN. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a une nouvelle fois justifié mercredi le choix d'un groupe de défense chinois pour équiper la Turquie de missiles de longue portée. Une décision qui a irrité autant les Etats-Unis que l'OTAN.

Pour autant, Recep Tayyip Erdogan a affirmé qu'une décision finale sera prochainement annoncée. La Turquie est en négociation avec la Chine pour se doter de son premier système de défense antimissiles à longue portée.

"Pour l'instant, la Chine offre les meilleures conditions", a rappelé Recep Tayyip Erdogan devant la presse à Ankara. Et de rappeler que China Precision Machinery Import-Export Corporation (CPMIEC), pourtant frappée par des sanctions pour avoir livré des armes à l'Iran et la Syrie, sous embargo, s'engageait à une production commune avec la Turquie. Une condition sine qua non pour son pays.

Les systèmes doivent fonctionner "de concert", selon l'OTAN

Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a quant à lui espéré mardi que la Turquie gardera à l'esprit le point de vue de l'Alliance en cas d'accord avec la Chine sur l'achat de missiles. "Du point de vue de l'OTAN, il est de la plus grande importance que les systèmes qu'un pays de l'Alliance souhaite acheter puissent fonctionner de concert avec des systèmes similaires présents dans d'autres pays de l'Alliance", a-t-il souligné au cours d'une conférence de presse à Bruxelles en marge de la réunion des ministres de la Défense de l'organisation atlantique.

"Je suis sûr que la Turquie est consciente de cette position de l'Otan ... et qu'elle en tiendra compte avant de prendre sa décision finale", a-t-il précisé. L'OTAN craint notamment de possibles problèmes de compatibilité avec les systèmes et radars utilisés par les alliés de la Turquie. Les Etats-Unis ont déjà exprimé leur "profonde préoccupation" au sujet de ce projet. Pour sa part, la Chine a également réagi face à la levée de boucliers de la part de l'OTAN et des Etats-Unis. La porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Hua Chunying a souligné début octobre que les préoccupations des pays occidentaux étaient déraisonnables et inutiles.

Un argument non recevable, selon Erdogan

Un argument balayé par Recep Tayyip Erdogan, estimant "des pays membres (de l'Alliance, ndlr) ont toujours dans leur inventaire (d'armement) du matériel et des armes russes". Le Premier ministre a martelé que "personne n'a le droit d'intervenir dans les décisions indépendantes" de la Turquie. Ce qu'a convenu Anders Fogh Rasmussen : "Notre position est très claire. Le choix que fait un pays des équipements militaires qu'il veut acheter relève de sa souveraineté nationale".

Membre de l'OTAN, la Turquie est un allié régional clé des États-Unis et a déployé sur sa frontière avec la Syrie des systèmes de missiles américains Patriot pour dissuader toute attaque en provenance de ce pays.

Négociations entre Ankara et Pékin

Recep Tayyip Erdogan a expliqué que les autorités chinoises et turques étaient actuellement en discussions étroites pour la signature d'un éventuel contrat, qui scellera ce projet estimé à 3 milliards de dollars. Il a cependant tenu à préciser qu'une commission constituée de lui-même, du chef d'état-major et du ministre de la Défense prendra une "décision finale" à une date encore indéterminée pour concrétiser tout accord.

Le mois dernier, les autorités turques ont annoncé l'ouverture de négociations avec CPMIEC, qui fabrique le missile Hongqui (ou HQ-9 SAM). Ankara avait lancé un appel d'offres en 2009, pour un marché de 12 batteries.

Diversification des achats d'armements

La Turquie, membre de l'Otan, envisage à la fois de renforcer sa protection contre des attaques aériennes ou de missiles, de diversifier ses fournitures d'équipements et de trouver des partenaires en vue de la coproduction d'armements. Ankara a déjà défendu le choix d'un équipement chinois par le prix que CPMIEC a proposé, largement inférieur aux autres pays en lice : trois milliards de dollars contre 4 milliards de dollars. Le ministre turc de la Défense, Ismet Yilmaz, avait déclaré début octobre au journal "Vatan" que "les Chinois nous ont offert le meilleur prix".

Outre CPMIEC, trois autres firmes s'étaient portées candidates pour le marché: la russe Rosoboronexport, le duo américain Lockheed Martin-Raytheon et l'alliance européenne Eurosam (MBDA et Thales). La firme chinoise aurait offert un transfert complet de sa technologie.