"Thales doit devenir un groupe mondial" (Jean-Bernard Lévy, Thales)

Par Michel Cabirol à Dubaï  |   |  1050  mots
Le PDG de Thales, Jean-Bernard Lévy, estime que le groupe devait "créer sa vision, une vision stratégique partagée" | REUTERS
Rencontré à la veille du salon aéronautique de Dubaï, le PDG de Thales, Jean-Bernard Lévy s'exprime pour la première fois sur sa vision stratégique Ambition 10. Ce plan repose sur trois piliers : retrouver la croissance, améliorer la compétitivité et développer les talents.

Mine de rien, le PDG de Thales, Jean-Bernard Lévy, n'avait jamais encore évoqué de façon publique la vision stratégique Ambition 10 destiné à redonner de la croissance au groupe pour les dix ans qui viennent. Interrogé sur un objectif de 10 milliards d'euros de chiffres d'affaires en 10 ans, il répond ne pas vouloir s'engager en public. Après une semaine passée en Asie, notamment en Chine, et une courte nuit dans un long-courrier, Jean-Bernard Lévy, un peu fatigué mais détendu, a livré samedi dernier à la veille de l'ouverture du salon aéronautique de Dubaï sa vision sur ce que devrait être le Thales de demain.

D'autant que ce plan sera décliné à partir de 2014. Déjà le budget 2014 intègre certains des objectifs d'Ambition 10. Le PDG de Thales donnera une nouvelle "guidance" en début d'année aux marchés. Et Thales prépare dans la foulée un plan sur trois à cinq ans, qui sera prêt à la fin du premier semestre 2014, "qui traduira Ambition 10". "Thales doit changer de braquet", estime Jean-Bernard Lévy.

Thales doit devenir un groupe mondial

Jean-Bernard Lévy s'est donc expliqué sur ce plan, un projet d'abord construit par les équipes du groupe, et en particulier par 600 cadres. Avec pour objectif : devenir un groupe mondial. "Thales est un groupe multidomestique mais n'est pas un groupe mondial", souligne Jean-Bernard Lévy. Car, Thales, précise-t-il, "est présent dans les pays matures mais pas encore dans les pays émergents". Pour faire simple, tous les pays, qui ne sont pas en Europe et en Amérique du Nord, font partie des pays émergents selon l'organisation de Thales même si Pascale Sourisse, en charge des pays émergents, rappelle que certains pays sont déjà très "émergés" à l'image de Singapour, Japon, Corée du sud…

Pourquoi Ambition 10 ? "Il fallait créer notre vision, une vision stratégique partagée, souligne-t-il. Thales était encalminé, en panne de stratégie, de progrès et de projets. J'ai donc demandé aux équipes de construire un plan ambitieux, Ambition 10, que j'ai présenté devant 650 cadres venus du monde entier en septembre à Paris". Près d'un an après son arrivée à la tête du groupe, c'était donc le moment pour lui de lancer les bases d'un nouveau Thales conquérant. Car "il y a un sentiment d'urgence", affirme-t-il.

Ce plan repose sur trois piliers : "retrouver la croissance, améliorer la compétitivité et développer les talents", selon Jean-Bernard Lévy. Le groupe ambitionnerait d'atteindre une marge d'exploitation de 10 %, selon "Les Echos". Mais contrairement à Probasis lancé par Luc Vigneron qui n'était qu'un plan de compétitivité pure, la croissance et la compétitivité de la vision Ambition 10 doivent marcher de concert.

"Zéro croissance organique depuis sept ans"

Après avoir remis le groupe, ébranlé et démotivé par la gestion de son prédécesseur, en ordre de marche - "la fièvre est retombée", assure-t-il -, il fallait un nouveau cap pour Thales. "Nous avons besoin de la croissance pour attirer les nouveaux talents, motiver tous les salariés du groupe et les entraîner dans un projet ambitieux", souligne Jean-Bernard Lévy. Et de rappeler qu'il y avait eu dans le groupe "zéro croissance organique depuis sept ans". Donc le salut pour Thales passera (ou pas) par des succès commerciaux dans les fameux pays émergents.

"Nous devons faire en sorte d'avoir une croissance rapide dans les pays émergents, explique le patron de Thales. Le risque, c'est un solde négatif qui entraînerait une baisse du chiffre d'affaires". D'où le sentiment d'urgence de Jean-Bernard Lévy de relancer le groupe. Il mise pour cela sur les marchés en croissance dans le domaine civil (aéronautique, transport ferroviaire et billettique) en raison de la contraction des budgets de défense dans les pays matures. Du coup, le chiffre d'affaire dans la défense pourrait passer à moyen terme autour de 40 % (contre 53 % aujourd'hui).

Des plans pays dans les pays émergents clés

Déjà Thales fera mieux en 2013 qu'en 2012. Neuf grands contrats d'un montant supérieur à 100 millions d'euros, dont cinq dans les pays émergents, ont été engrangés par Thales au 30 septembre. En 2012, le groupe, qui fait la moitié de ses commandes sur des contrat de moins de 10 millions, en avait décroché huit seulement, dont deux dans les pays émergents. C'est déjà un premier succès certes timide mais un succès qui colle avec la vision de Jean-Bernard Lévy.

Le groupe se met également en ordre de marche dans les pays émergents. Sous la houlette de Pascale Sourisse, des plans pays - une dizaine, dont Chine, Inde, Singapour, Brésil, Russie, certains pays du Golfe… - sont en train d'être terminés. Deux plans pays vont être étudiés cet hiver. "Ce sont nos ambitions à dix ans dans les pays clés", précise Jean-Bernard Lévy, qui souhaite attirer les talents dans les pays émergents. "Il y a une dimension humaine dans la stratégie des pays émergents. Comment fait-on pour attirer des talents dans ces pays où Thales n'est pas forcément très connu".  

C'est quoi un plan pays ? Pour le patron de Thales, c'est de définir quelles seront les priorités, les implantations locales, les marchés visés, le ou les partenariats(s) avec les groupes locaux, les transferts de technologies, les offsets s'il y a eu lieu. Jean-Bernard Lévy souhaite une feuille de route précise dans chacun de ses pays et répondant à toutes ces questions. Et de "ne plus se contenter d'une course aux appels d'offres comme seule stratégie".

Des acquisitions ?

Interrogé pour savoir si la croissance passera par des acquisitions, la réponse fuse : "pas question de se cacher derrière des acquisitions pour réaliser nos objectifs. Nous serions dans le déni. Je ne suis pas venu chez Thales pour faire des fusions/acquisitions". Pour Jean-Bernard Lévy, l'essentiel de la croissance "viendra des efforts réalisés en interne". Ce qui ne veut pas dire que Thales ne fera pas "de temps en temps" des acquisitions. Et la diversification ? "Je n'y suis pas favorable. Le groupe doit se concentrer sur ses activités et ne pas se disperser".