Carton jaune de la Cour des comptes sur la gestion du budget de la défense en 2013

Par Michel Cabirol  |   |  809  mots
La Cour des comptes regrette que les dépenses d'équipements jouent, comme chaque année, le rôle de variable d'ajustement au profit de la masse salariale et des opérations extérieures
La Cour des comptes estime que la budgétisation des opérations extérieures et de la masse salariale s'est révélée "systématiquement insuffisante ces dix dernières années".

Dans son rapport sur les crédits du budget de l'Etat ouverts par décret d'avance pour un montant total de 1,24 milliard d'euros de crédits de paiement au total, la Cour des comptes adresse un carton jaune au gouvernement pour sa gestion du budget de la défense. Car en contrepartie de ce décret d'avance, Bercy a annulé des crédits, dont ceux de la mission Défense qui "fait l'objet d'annulations importantes". Au total, précise-t-elle dans son rapport publié ce vendredi, 1,75 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 741,3 millions d'euros en crédits de paiement (CP) ont été annulés.

"Les dépenses d'équipements jouent, comme chaque année, le rôle de variable d'ajustement au profit de la masse salariale et des OPEX, alors qu'elles étaient nécessaires pour respecter le calendrier de la loi de programmation militaire", regrettent les sages de la rue Cambon. Ainsi, le décret d'avance annule 205,9 millions d'AE et 464,8 millions de CP (dont 15 millions de titre 2), principalement au sein du programme 146 (Equipement des forces). Des annulations complémentaires sont prévues dans le projet de loi de finances rectificative (1,54 millions en AE et 276 millions en CP), également sur ce programme pour l'essentiel. Un programme 146 qui nourrit les industriels et préserve l'emploi...

Des reports de charges en hausse

Pour autant, le ministère devrait récupérer des crédits via des ressources exceptionnelles. "Ce point est confirmé par un accord interministériel entre Défense et Budget prévoyant l'octroi de ressources exceptionnelles (REX) supplémentaires en 2014 afin de financer les dépenses de 2013 qui n'auront pas pu être financées sur cet exercice du fait des annulations", confirme la Cour des comptes, qui pourtant reste très prudente sur ces fameuses REX : "les crédits annulés seront donc a priori rouverts en 2014 mais ces recettes ne sont toutefois pas garanties".

Selon la Cour, cette opération ne fera qu'augmenter le report de charges de la mission Défense déjà conséquent. Les arrêtés de report du 28 mars 2013 concernaient 12,6 milliards d'AE et 69 millions de CP.

La budgétisation des opérations extérieures dans la ligne de mire

La Cour des comptes critique la budgétisation des surcoûts des opérations extérieures (OPEX). Une habitude. Alors que, en moyenne, le coût des opérations se situe depuis plusieurs années autour de 800 millions d'euros, la loi de finances initiale (LFI) 2013 prévoit des crédits à hauteur de 630 millions d'euros. "Une budgétisation en LFI plus réaliste aurait permis, tout en couvrant les autres OPEX (de l'ordre de 600 millions), de réduire les montants ouverts par décret d'avance pour l'opération au Mali", déplore la Cour. Au titre des OPEX, 578 millions ont été ouverts afin de couvrir la plus grande partie du coût de l'opération Serval au Mali, dont le coût total est estimé à 647 millions d'euros.

"Cette situation paraît devoir perdurer dans la mesure où le projet de loi de finances 2014 abaisse les crédits OPEX à 450 millions, expliquent les sages de la rue Cambon. Or, l'opération Serval devrait se poursuivre dans un format supérieur à celui prévu initialement, le retrait d'Afghanistan continue à se traduire par des coûts élevés (259 millions en 2013) et la situation en Centrafrique soulève des interrogations". La France, qui dispose déjà sur place d'un contingent de 410 hommes, s'apprête à intervenir à Bangui en augmentant d'au moins un millier d'hommes sa présence. De fait, les montants budgétés dans le PLF 2014 pourraient être dépassés. Et la Cour estime que "la budgétisation des OPEX s'est systématiquement révélée insuffisante ces dix dernières années".

Dérapage de la masse salariale

Outre les OPEX, le décret d'avance a ouvert 189,6 millions d'euros de crédits de masse salariale. Le ministère de la défense impute ce dépassement aux dysfonctionnements du calculateur Louvois - "comme l'an dernier", rappelle le rapport -, à de moindres attributions de produits au profit du service de santé des armées et au dynamisme de certaines dépenses de guichet telles que l'indemnisation du chômage des anciens militaires ou celles des victimes de l'amiante.

Pourtant, comme l'écrit la Cour des comptes, "de tels dépassements de crédits de titre 2 sont constants sur les quatre dernières années, même s'ils sont inférieurs cette année au niveau de l'an dernier (il se situait à 270 millions d'euros hors OPEX)". La Cour avait déjà souligné que la budgétisation initiale pour 2013 serait vraisemblablement insuffisante en dépit d'une remise à niveau de 200 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires. "L'ouverture de crédits en décret d'avance résulte donc davantage d'une sous-budgétisation que de l'imprévisibilité", critique la Cour.

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