Missiles : MBDA est-il revenu dans le match face à Thales en Arabie Saoudite ?

Par Michel Cabirol  |   |  704  mots
Thales propose le nouveau système Crotale, qui équipe l'Arabie Saoudite depuis plusieurs décennies
Le missilier européen a présenté à la demande du ministère de la Défense saoudien ses produits de défense aérienne (Air Defence). Thales n’avait pas été convié à cette réunion qualifiée de technique.

Mieux que la série TV "Plus belle la vie", la guerre MBDA versus Thales en Arabie Saoudite ne s'arrête décidément donc jamais. Dernier épisode en date, le missilier a été invité il y a un peu plus de dix jours par les autorités saoudiennes à présenter ses systèmes d'armes dans la défense aérienne, de la courte à la longue portée (du Mistral au système SAMP/T en passant par le VL Mica), selon des sources concordantes. Très certainement avec la bienveillance des autorités françaises en dépit d'un soutien jusqu'ici sans faille au groupe électronique en Arabie Saoudite pour le programme de renouvellement de la défense aérienne du royaume, Mark 3. Un projet estimé à 4 milliards d'euros en deux phases (2,5milliards puis 1,5 milliard d'euros).

Une réunion avec le numéro deux du ministère de la Défense saoudien (Moda) à laquelle n'était pas invité Thales. Une réunion qui a fait tousser au sein du groupe d'électronique une fois l'information parvenue à ses oreilles. Thales propose le nouveau système Crotale, qui équipe le royaume depuis plusieurs décennies. Cette réunion "technique", selon les termes d'une source proche du dossier, a embrasé les braises encore chaudes, qui couvaient sous la cendre depuis l'énorme déception provoquée par la visite ratée de François Hollande en Arabie Saoudite fin décembre. Un voyage où l'Elysée était persuadé de revenir avec le contrat Mark 3 en poche pour Thales, sinon l'engagement du roi Abdallah à le signer rapidement. En vain, le président est reparti sans aucune garantie. "La France s'est auto-intoxiquée sur ce dossier", constate une source proche du dossier.

Thales et MBDA se regardent en chiens de faïence

Selon certaines sources, Thales aurait tenté de "s'incruster" dans cette réunion. "Thales n'était pas invité. Nous avons fait une présentation à la demande du client et la discussion est restée sur le plan technique", explique-t-on à "La Tribune". Bref, les deux groupes se rendent coup pour coup en Arabie Saoudite, théâtre d'une guerre souterraine incroyable entre les deux groupes qui déborde d'ailleurs au-delà sur les services de l'Etat. "Le Crotale nourrit la caisse de Thales, cela ne nourrit pas la politique de l'Etat", soupirent certains au sein du ministère de la Défense.

Dans l'entourage du ministre, on estime que ce contrat pour Thales n'est "pas nécessairement terminée" après l'échec de la visite de François Hollande. Au sein du groupe d'électronique, après un petit coup de blues début janvier, on ne désespère toujours pas de convaincre les Saoudiens de prendre le Crotale NG avec… le soutien indéfectible de l'Etat français, notamment de l'Elysée qui rappelle à chaque visiteur saoudien l'offre de Thales.

Les Français se chamaillent, les Allemands engrangent

Pendant que les Français se chamaillent, se bagarrent et se neutralisent, les Allemands engrangent quant à eux des contrats en Arabie Saoudite. La filiale suisse du groupe Rheinmetall vient de signer un contrat de 83 millions d'euros… dans la défense aérienne en vendant un canon bitubes (Oerlikon Skyguard). Au total, le groupe allemand a obtenu depuis 2006 dans le domaine de la défense aérienne une série de contrats d'une valeur de 665 millions d'euros en Arabie Saoudite. Soit autant que Thales dans la courte portée sur la même période.

Et si Thales et MBDA devaient travailler ensemble

Comble de l'ironie, MBDA et Thales pourraient être amenés à travailler ensemble prochainement en Arabie saoudite. La direction générale de l'armement (DGA) réfléchit à proposer à moyen terme au royaume wahhabite le système SAMP/T proposé par le GIE Eurosam (MBDA et Thales). Il est vrai que les deux groupes coopèrent main dans la main dans plusieurs autres pays comme par exemple en Turquie (programme T-Loramids). Mais ce ne sera peut être pas facile de rabibocher les équipes, qui se sont durement affrontées sur le théâtre saoudien. Une saga qui n'est donc pas près de se terminer et qui est finalement bien mieux que la série "Plus belle la vie"