Pourquoi Jean-Yves Le Drian a préféré la Défense à Matignon

Par Michel Cabirol  |   |  919  mots
Jean-Yves Le Drian a souhaité poursuivre le travail entamé depuis deux ans au ministère de la Défense
L'ami de plus de trente ans de François Hollande a été reconduit à la Défense dans le gouvernement Valls. Comme il le souhaitait.

Courtisé par son ami de trente ans François Hollande pour Matignon et plus ou moins pressenti au ministère de l'Intérieur, Jean-Yves le Drian a résisté à toutes ces offres très alléchantes pour rester, comme il le souhaitait dès le départ, à l'Hôtel de Brienne, à la barre du ministère de la Défense. "Il a refusé Matignon", confirme-t-on à La Tribune. Car ce Breton très déterminé a dès 2007 - il avait alors soutenu la candidature de Ségolène Royal - voulu ce ministère pour lequel il s'est longuement préparé. Et pour une fois, celui qui voulait être ministre de la Défense, a été nommé contrairement à beaucoup d'autres cas de figure qui l'ont été par défaut...

"Il souhaite poursuivre le travail entamé depuis deux ans", explique un bon connaisseur du ministre. Jean-Yves Le Drian a lancé plusieurs grands chantiers (Loi de programmation militaire et contrats à l'exportation, notamment ) qu'il souhaite accompagner encore quelques mois. En tout cas au moins jusqu'aux élections régionales où il ne veut pas voir la région Bretagne lui échapper. S'il gagne - il a de bonnes chances d'y parvenir -, prendra-t-il le fauteuil de la région ou retournera-t-il à l'Hôtel de Brienne, ou plus exactement à Balard dans le futur Pentagone à la française ?

Plusieurs dossiers clés

Tout d'abord Jean-Yves Le Drian est le garant de la loi de programmation militaire (LPM), qui définit le budget du ministère sur six ans (2014-2019). Un budget de crise, certes, mais il a obtenu grâce aux arbitrages de François Hollande la moins mauvaise enveloppe budgétaire. Lors du 14 juillet 2013, François Hollande a annoncé avoir "sanctuarisé" le budget de la défense à 31,4 milliards d'euros par an sur toute la durée de la LPM. Bercy, bien appuyé par Matignon, voulait, lui, 28 milliards d'euros.

Pour autant, l'exécution de la LPM reste fragile avec des paris qui seront vraisemblablement tous difficiles à gagner. Notamment les fameuses REX (recettes exceptionnelles) promises en 2015 et sur les prochains gels de crédits qui pourraient être annoncés dans les semaines qui viennent. Il en a parfaitement conscience comme il l'avait expliqué fin 2013 à "La Tribune". "La LPM repose sur certains paris. Ce qui veut dire que nous allons être extrêmement vigilants. Cette LPM est exigeante mais équilibrée à condition que tous les crédits affectés à cette programmation soient exécutés. Si une brique est absente, à ce moment-là, c'est l'ensemble de l'édifice qui tombe". Pas question donc de quitter le ministère sans être assuré que ce qu'il a porté comme projets n'aille pas dans le mur.

Il s'est pris au jeu de l'exportation

Ce n'était pas gagné d'avance à l'exportation. D'autant que sa première visite aux Emirats Arabes Unis avait suscité des inquiétudes. De retour d'une visite à Abu Dhabi en octobre 2012, Jean-Yves Le Drian avait expliqué que de la vente du Rafale "empoisonnait nos rapports" avec les Emirats. "Les Rafale attendront. Cette discussion viendra ultérieurement", avait-il précisé. Depuis le ministre a creusé son sillon et réussi de jolis coups à l'exportation, dont un aux Émirats Arabes Unis. Ce travail de fond qu'il effectue est salué par l'ensemble des industriels de l'armement. "Il pèse dans les campagnes", assure l'un d'entre eux.

Le ministre a effectué de très nombreux voyages dans certains pays clés pour l'industrie de la défense française comme le Qatar, les Émirats Arabes Unis, l'Arabie Saoudite, la Pologne, l'Inde... Jean-Yves Le Drian espère donc profiter de tout ce travail de fond pour engranger des succès à l'export, auxquels il aura pris sa part, parfois déterminante. Et le plus beau reste à venir avec probablement un contrat Rafale (Inde, Qatar...). Ce qui sauverait la LPM bâtie sur l'obtention d'un contrat export de l'avion de combat de Dassault Aviation. Tout comme d'ailleurs un contrat pour les FREMM, ces frégates multi-missions construites par DCNS dans sa ville de Lorient. Une telle opération permettrait de sauver la charge de travail sur ce site.

Des opérations extérieures en cours

Jean-Yves Le Drian a commencé sa mission en tenant la promesse de François Hollande de désengager l'armée française en Afghanistan, où ne sont désormais déployés que quelques centaines de soldats français. Mais il a lancé en janvier 2013 l'opération Serval visant à chasser du nord du Mali les islamistes qui menaçaient de fondre sur la capitale, Bamako. Plus de 4.000 Français ont été engagés dans cette mission à haut risque qui a permis l'élection d'un président puis d'une assemblée nationale à même de rétablir l'Etat de droit dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, où des troubles persistent toutefois.

Jean-Yves le Drian a aussi été à la manœuvre dans la préparation de l'opération Sangaris, lancée en décembre en République centrafricaine, en proie au chaos inter-religieux. Il était aux côtés de François Hollande le 28 février à Bangui pour saluer les quelque 2.000 militaires français engagés sur ce terrain difficile. Des succès acquis grâce à la crédibilité des troupes engagées et à la fiabilité des équipements en service dans des conditions climatiques très difficiles. Ce niveau opérationnel - même si la France a encore de grosses lacunes capacitaires - doit être maintenu pour permettre à la France de jouer encore un rôle diplomatique sur la scène internationale.