Mistral : comment la Pologne met la pression sur la France pour empêcher leur livraison à la Russie

Par Michel Cabirol  |   |  584  mots
"Je ne peux vous cacher que le contexte des Mistral n'aide pas à prendre des décisions positives" en faveur d'un fournisseur français pour le système de défense aérienne polonais, a expliqué le ministre de la Défense Tomasz Siemoniak
La livraison des deux Mistral à la Russie "n'aide pas" la Pologne à choisir un fournisseur français - MBDA et Thales - pour son système de défense aérienne.

Comment Varsovie met la pression sur Paris sur la livraison des deux porte-hélicoptères Mistral à la Russie (1,2 milliard d'euros) ? En jouant avec les nerfs des groupes tricolores sur les contrats en cours de négociations. La livraison des Mistral à la marine russe "n'aide pas" la Pologne à choisir un fournisseur français pour son système de défense anti-aérienne, a expliqué le ministre polonais de la Défense, Tomasz Siemoniak, dans une interview publiée lundi par le quotidien "Rzeczpospolita".

Fin juin, le GIE Eurosam, composé du missilier MBDA et de l'électronicien Thales, et l'américain Raytheon ont été retenus par le gouvernement polonais comme les deux seuls candidats en lice dans l'appel d'offres pour ce système, un contrat estimé au total à 24 milliards de zlotys (5,8 milliards d'euros), étalé sur dix ans. Contrairement aux autres pays européens, la Pologne, membre de l'OTAN depuis 1999 et de l'Union européenne depuis 2004, n'a rien sacrifié de son budget de la défense à la crise. Engagée dans un vaste programme de modernisation de ses forces armées, elle entend dépenser à cette fin 140 milliards de zlotys (33,3 milliards d'euros) au cours des dix prochaines années.

Varsovie critique la livraison des Mistral

"Je ne peux vous cacher que le contexte des Mistral n'aide pas à prendre des décisions positives", a précisé le ministre de la Défense. "Nous sommes critiques à l'égard de cette transaction. Personne ne l'a jamais caché, y compris devant nos partenaires français", a expliqué le ministre de la Défense. Il a toutefois souligné que la Pologne ne faisait pas de "lien" entre ce contrat, actuellement suspendu jusqu'à la fin octobre, et le choix du fournisseur de son système de défense anti-aérien.

"Je ne veux pas jouer le rôle de quelqu'un qui pose des conditions à la France. Je suis confiant que la France prendra une décision sage et responsable, sachant qu'elle est membre de l'OTAN et connaissant l'opinion des autres alliés", a encore affirmé Tomasz Siemoniak. Sévèrement critiquée en pleine crise ukrainienne par Washington et les autres membres de l'OTAN, dont les pays baltes et la Pologne, la décision de livrer le premier bâtiment à la Russie a été repoussée par le président français François Hollande à la fin octobre, conditionnée par le respect du cessez-le-feu entre Kiev et les rebelles ukrainiens soutenus par Moscou.

Raytheon trouve un partenariat polonais

MBDA et Thales, qui proposent le système SAMP/T armé de missiles Aster 30, se sont associés au groupe d'armement polonais Polska Grupa Zbrojeniowa PGZ (PHO). Ils ont offert un partenariat de haut niveau à la Pologne via un transfert de technologies (ToT) très élevé qui concerne aussi bien le missile que les fonctions Commande et Controle, les radars, les lanceurs et les communications (développement, production, intégration, tests, maintenance, formation...). Ce qui induira des milliers d'emplois à la clé pour Varsovie selon le degré du ToT négocié in fine. Ils proposent aussi un partenariat sur le long terme avec l'industrie polonaise, notamment la possibilité de rejoindre la feuille de route Aster grâce à la modernisation du système (Aster B1NT).

De son côté, Raytheon, qui propose ses Patriots déjà déployés dans le nord de la Pologne, se serait associé à l'électronicien de défense polonais WB Electronics pour remporter le contrat de fabrication d'un système antimissile en Pologne, a rapporté ce week-end une radio polonaise.