Défense : quand la Grande-Bretagne sacrifie presque toujours la coopération européenne

Par Michel Cabirol  |   |  1080  mots
Le coût de possession des deux frégates antiaériennes françaises s’élèvera à 4,2 milliards d'euros
Le programme des frégates Horizon a pâti du retrait de la Grande-Bretagne, comme le rappelle un rapport du ministère de la Défense. Mais, la coopération franco-italienne a été utile aux frégates multimissions FREMM.

Dommage... Une fois encore, la coopération européenne dans le domaine de l'armement a été sacrifiée sur l'autel des intérêts nationaux. C'est le cas pour le programme des frégates Horizon, comme le rappelle opportunément un rapport du ministère de la Défense à la veille du salon international Euronaval, qui réunit la plupart des chantiers navals mondiaux et leurs équipementiers à partir de lundi (27-31 octobre), à Paris (Le Bourget). Et alors que le Pdg de DCNS, Hervé Guillou, fait le tour des chantiers navals européens en vue d'initier d'éventuelles coopérations.

Ce rapport rappelle, une fois encore, que les coopérations européennes dépendent d'une volonté politique sans faille. "La coopération internationale, débutée avec les Britanniques et achevée avec les Italiens", qui ont fabriqué deux frégates Horizon (Andrea Doria et Caio Duilio), a montré "les difficultés rencontrées pour converger lorsque les objectifs des partenaires sont très différents", constate le Comité des prix de revient des matériels d'armement (CPRA). Un rapport qui résume les relations compliquées entre La Royale et la Royal Navy.

Dérive financière des frégates britanniques

Ce sont les Britanniques qui, comme souvent, sont descendus en 1999 du programme Horizon, en invoquant son coût excessif. Mal leur en a pris puisque, selon le rapport, "il semblerait que les frégates britanniques T 45, qui sont des plates-formes équivalentes, aient un coût supérieur aux frégates Horizon, leur programme ayant connu une dérive financière". En revanche, ils ont maintenu leur participation au système PAAMS, le système de défense anti-missiles aériens, dont la réalisation s'est faite parallèlement à celle du programme Horizon. Le système PAAMS, qui était indispensable pour atteindre les capacités opérationnelles recherchées, devait être prêt à temps pour être intégré sur les bâtiments.

Le coût des frégates T 45 est à comparer à celui du programme Horizon. Le coût global de possession (développement, réalisation, exploitation, retrait) des frégates Horizon s'élève à 4,2 milliards d'euros (conditions financières 01/2012), estime le CPRA : coût global d'acquisition des deux bâtiments: 2,3 milliards; coût du soutien en service estimé, pour les 27 ans d'activité des frégates, à 870 millions; exploitation du bâtiment, évaluée à 777 millions; évolution du maintien en condition technique opérationnelle, estimée à 214 millions; et enfin, retrait du service, chiffré à 6 millions.

Pas d'effet de série

Le nombre de bâtiments construits (deux pour chaque pays) "ne permet pas d'obtenir un effet de série pour amortir les phases de conception (136 millions d'euros aux conditions financières de janvier 2000) et de développement"., regrettent les deux auteurs du rapport du CPRA, Franck Brunet, contrôleur des armées, et Louis Marchis, ingénieur général des techniques d'armement. Pour autant, le programme était initialement ambitieux puisque, potentiellement, 22 navires pouvaient être construits (12 pour la Royal Navy, 4 à 6 pour l'Italie et 4 pour la France). En raison de l'inflation des coûts, la Grande-Bretagne n'a lancé la fabrication que de six T 45, mises en service entre 2009 net 2013.

Côté franco-italien, le déroulement du programme Horizon s'est étalé sur une très longue période. Les premières études ont été réalisées dès les années 1980 et le contrat de développement et de production n'a été signé qu'en 2000. L'admission au service actif des frégates françaises (Forbin et Chevalier Paul), en 2010 et 2011, est intervenue près de dix ans après le lancement de la production, et plus de trois ans après les dates initialement prévues. Pour autant, souligne le rapport du CPRA, "la réalisation de ce programme a été moins coûteuse que les prévisions initiales, mais au prix d'une révision à la baisse de certaines performances".

Une coopération franco-italienne finalement bénéfique

Pour autant, estime le rapport sur le programme Horizon, cette coopération a montré des avantages indéniables. "Les difficultés rencontrées dans la coopération avec les Britanniques, et le déroulement ensuite de l'opération avec les Italiens, ont permis de tirer des enseignements qui ont été utiles dans les travaux concernant les frégates multi-missions (FREMM), assurent les deux auteurs. Ce retour d'expérience est d'autant plus intéressant que le programme FREMM fait aussi l'objet d'une coopération avec l'Italie".

D'une façon générale, le CPRA constate que "malgré les difficultés nombreuses rencontrées lors du lancement des opérations, le recours à la coopération avec des partenaires étrangers, qui a été choisi pour certains programmes comme avec l'Italie pour la frégate Horizon, a montré son intérêt. Il sera aussi recherché, dans la mesure du possible, pour les futurs programmes en cours d'études pour renouveler les équipements de l'armée de l'air à remplacer rapidement : avions ravitailleurs et drones".

Le programme Horizon ?

Le programme Horizon a été réalisé pour doter la Marine de nouvelles frégates de défense aérienne, destinées à remplacer la génération précédente, mise en service dans les années 1970 et retirée du service actif au début des années 2000. Les deux frégates françaises sont des "bâtiments complexes, dont la fonction de défense aérienne est assurée par le système de défense anti-missiles aériens" (PAAMS ou Principal Anti Air Missile System), système d'armes principal des frégates. "La grande complexité de ce type de bâtiment et l'ambition recherchée en matière de défense aérienne et de guerre électronique ont conduit à un changement de génération technologique", explique le rapport du CPRA.

Selon les deux auteurs, ces frégates participent aussi à la "fonction stratégique Protection et Intervention". A la mer 104 jours par an, elles peuvent être employées dans tous types de crise, comme l'a montré leur déploiement au large de la Libye (opération Harmattan), alors que l'admission au service actif avait à peine été prononcée. "L'emploi de ces frégates polyvalentes rencontre un grand succès, et elles ont confirmé, dans les opérations auxquelles elles ont participé (Agapanthe et Harmattan), leur aptitude opérationnelle à remplir les missions qui leur étaient confiées La frégate Forbin a même été intégrée au dispositif américain lors d'Agapanthe et en assurait la sécurité", rappelle le rapport.