50 milliards, c'est le stock incroyable de dépenses à venir des armées

Par Michel Cabirol  |   |  500  mots
Le ministère des Armées a cumulé plus de 50 milliards d'euros d'engagements, qui vont néanmoins s'étaler sur plusieurs années.

50,4 milliards d'euros exactement. C'est le volume des autorisations d'engagement du ministère des Armées non couvertes par des crédits de paiement à fin 2016. Dans le jargon des budgétaires, ils sont communément appelés les "restes à payer". Et très clairement, les armées ont officiellement obtenu l'autorisation de dépenser ces crédits dans les prochains budgets du ministère.

Sur ces 50 milliards de dépenses à venir (contre 44,8 milliards en 2013), près de 36 milliards d'euros sont destinés pour le seul programme 146 (Équipement des forces) en raison des délais très longs de réalisation des programmes d'armement, qui s'étalent sur des dizaines d'années. Ces "restes à payer" concernent d'ailleurs pour plus de 70 % les engagements pris sur le programme 146. En outre, 9,4 milliards sont aussi d'ores et déjà gelés pour le programme 178 (Préparation et emploi des forces). Les "restes à payer" de ce programme ont bondi de 41 % entre 2013 et 2016 (6,43 milliards en 2013).

"Les restes à payer de la mission Défense continuent leur croissance régulière et augmentent de plus de 10 % en quatre ans, a expliqué la Cour des comptes dans une note d'analyse de l'exécution budgétaire
de la mission Défense 2016. Ils dépassent 50 milliards d'euros fin 2016".

Des budgets déjà fléchés à l'avance

Selon la programmation budgétaire inscrite en loi de finances pour 2017, les crédits de paiement 2018 sont d'ores et déjà ponctionnés de 16,9 milliards d'euros pour payer des engagements passés venant à échéance. Pour le seul programme 146, les engagements passés venant à échéance en 2018 s'établissent à 9,07 milliards d'euros (sur un budget de 10,2 milliards).

Mais Bercy a déjà fait un petit tri en n'autorisant des dépenses qu'à hauteur de 8,6 milliards pour 2018, selon les documents budgétaires diffusés par le ministère de l'Économie et des Finances. En 2019, 6,2 milliards sont déjà préemptés dans le budget du programme 146 par les "restes à payer", puis 4,7 milliards en 2020 et plus de 16 milliards après 2020.

Des marges de manœuvre réduites

Jusqu'à quel montant l'État peut-il engager des dépenses sans avoir l'assurance de disposer des crédits correspondants ? Selon le député Les Républicains François Cornut-Gentille, rapporteur spécial du budget des armées, "ce ne sont plus des contraintes calendaires qui viennent justifier ici la non-couverture des engagements, mais l'incompressibilité des besoins qui ne trouvent pas en retour un abondement en crédits suffisant. Au bout du compte, ce qui est en jeu est la volonté de l'État d'assumer pleinement ses ambitions en matière de défense".

Cependant les niveaux atteints en 2016 de restes à payer sont préoccupants, estime pour sa part la Cour des comptes. Ils "ôtent toute marge de manœuvre en gestion", estime-t-elle. Car en cas d'aléa sur la ressource budgétaire, "le seul levier de flexibilité en gestion consiste à renégocier les contrats pluriannuels, souvent avec un impact global financier défavorable pour le ministère de la défense", rappelle-t-elle à raison.