Après avoir résilié le « contrat du siècle », l'Australie veut repartir sur de bonnes bases avec la France

Par latribune.fr  |   |  742  mots
« Il est important que cette réinitialisation ait lieu », entre Paris et Canberra a indiqué le Premier ministre australien, Anthony Albanese. (Crédits : LOREN ELLIOTT)
C'est l'heure de la réconciliation entre la France et l'Australie après le renoncement en septembre 2021 de Canberra de résilier brutalement un méga-contrat portant sur la livraison de douze sous-marins franco-américains et le changement de majorité à Canberra. Ce revirement, considéré comme une trahison par la France, avait provoqué une colère inédite de Paris. Dans ce cadre, le nouveau Premier ministre australien, qui se rendra à Paris la semaine prochaine, souhaite lancer un nouveau chapitre plus apaisé et constructif entre son pays et la France.

Il faut resserrer les liens entre la France et l'Australie. C'est du moins la volonté du Premier ministre australien, Anthony Albanese, qui a déclaré, jeudi soir, qu'une « réinitialisation » des relations entre les deux pays était nécessaire. « Il est important que cette réinitialisation ait lieu », a-t-il insisté lors d'un entretien à la chaîne nationale ABC, ajoutant que « nous devons repartir de zéro et nous avons déjà eu des conversations constructives ».

La relation entre Paris et Canberra a été nettement entachée par le conflit diplomatique et financier déclenché par la rupture par l'Australie d'un méga-contrat de livraison de sous-marins franco-américains. En septembre 2021, le pays a résilié « le contrat du siècle », nom donné à cette commande, signée en 2016 et qui reposait sur douze sous-marins développés et conçus par Naval Group et Lockheed Martin dans le cadre du programme de classe océanique « Future Submarine Program ». Elle était estimée à 56 milliards d'euros sur 50 ans, dont une part estimée entre 10 à 15 milliards pour le groupe français. Canberra avait finalement préféré acheter des sous-marins à propulsion nucléaire à l'aide de technologies américaines et britanniques en menant des discussions secrètes avec Washington et Londres et en tenant à l'écart Paris.

Lire aussi 4 mnSous-marins : l'Australie verse 555 millions d'euros à Naval Group et se réconcilie avec la France

« Un changement de besoin »

À l'époque, le Premier ministre australien avait justifié la décision « de ne pas continuer avec les sous-marins de classe Attack et de prendre un autre chemin » comme un « changement de besoin » mais pas un « changement d'avis », soulignant qu'elle était motivée par l'évolution de la dynamique dans la région Asie-Pacifique, où Pékin affirme de plus en plus ses revendications sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale.

Malgré ces explications, ce revirement avait provoqué la colère de Paris, le président Emmanuel Macron accusant le dirigeant australien d'avoir menti sur l'avenir de ce contrat. D'autant plus que, quelques jours avant l'annonce, différents ministres français et leurs homologues australiens avaient souligné l'importance du programme des futurs sous-marins. L'État français n'avait rien vu venir, ce qui représentait d'ailleurs un échec également pour les renseignements.

Jeudi soir, Anthony Albanese a déclaré que pour faire amende honorable après la rupture de cet accord, l'Australie pourrait proposer « une relation entre nos dirigeants respectifs dont rien ne fuitera afin de faire un titre opportuniste dans le journal ». Ce commentaire est un clin d'œil à l'ancien gouvernement australien à propos d'un échange de SMS entre l'ancien Premier ministre, Scott Morrison, et Emmanuel Macron qui avaient été divulgués à la presse australienne - prétendument pour prouver que Paris était au courant des discussions autour du contrat dit AUKUS.

Le chef du gouvernement australien se rendra, par ailleurs, en France la semaine prochaine, répondant à l'invitation d'Emmanuel Macron. « La visite prévue la semaine prochaine sera un signe fort montrant que notre relation est en train d'être rebâtie », a dit Anthony Albanese. « Il est important que nous repartions de zéro. La France est, évidemment, un des pouvoirs centraux en Europe, mais c'est aussi un pouvoir central dans le Pacifique », a-t-il ajouté.

Un nouveau contrat en guise de compensation

Autre compensation, l'Australie a dévoilé mi-juin un accord de 555 millions d'euros avec le fabricant français de sous-marins Naval Group pour les sous-marins annulés. Au total, l'échec du contrat des sous-marins franco-américains aura coûté 3,7 milliards d'euros au total aux contribuables australiens... pour rien. Ces sommes ont été ou seront encaissées au profit essentiellement des maîtres d'oeuvre de ce programme hors norme (Naval Group, Lockheed Martin et les industriels du BTP australiens qui devaient construire le chantier naval accueillant la fabrication des sous-marins).

Sur ce montant de 3,7 milliards d'euros, l'Australie aura versé 1,340 milliard d'euros environ à Naval Group. Cette somme correspond aux travaux déjà effectués et aux obligations induites par le Strategic Partnership Agreement (SPA) signé entre la France et l'Australie lors du lancement du programme de classe Attack. Naval Group a ainsi pu négocier avec Canberra le coût des travaux qui restaient à réaliser jusqu'à l'arrêt définitif du programme, ainsi que les coûts de démobilisation et les coûts de terminaison, comme le licenciement des 300 collaborateurs australiens et les coûts associés à tous ses fournisseurs et prestataires.

(Avec AFP)