La décision du Premier ministre Scott Morrison d'abandonner le programme franco-américain de sous-marins pourrait coûter jusqu'à 5,5 milliards de dollars australiens, soit 3,7 milliards d'euros. C'est le montant maximal de cette facture très salée que l'Australie va devoir payer pour des sous-marins qui n'existeront jamais ou pour du vent... Interrogés par un sénateur de l'opposition ce vendredi 1er avril, les responsables australiens de la défense ont en effet révélé que l'abandon du contrat était assorti de ce prix élevé.
« Les contribuables devront donc débourser 5,5 milliards de dollars pour des sous-marins qui n'existent pas ? » a demandé la sénatrice de l'opposition Penny Wong lors d'une audition à Canberra et qui est en pleine campagne électorale. « Le règlement final négocié sera dans les limites de ce prix », a répondu le secrétaire adjoint du ministère de la Défense, Tony Dalton, précisant que le montant exact n'était pas encore clair car les négociations avec Naval Group étaient en cours.
De source proche du dossier, "on est sur des montants très largement inférieur pour la part de Naval Group". Il est encore trop tôt pour donner la répartition entre Lockheed Martin, le management du programme australien et le chantier naval où devaient se construire les douze sous-marins par rapport au montant avancé, toujours en train d'être négocié. "Si les Australiens négocient bien, le montant pourrait approcher 5,1 ou 5,2 milliards de dollars australiens", précise-t-on à La Tribune. Le ministre des Finances, Simon Birmingham, a défendu la décision d'abandonner l'accord comme « nécessaire pour les décennies à venir ». Et d'ajouter : « Il convient d'admettre que nous savions que les conséquences seraient importantes ».
un certain nombre d'obligations. Dans ce cadre, Naval Group est en train de négocier avec l'Australie le coût des travaux qui restent à réaliser jusqu'à l'arrêt définitif du programme. Le groupe naval doit encore livrer contractuellement des centaines de travaux comme par exemple des maquettes ou des échantillons d'acier pour clôturer proprement le programme fin juin, explique-t-on de source proche du dossier. Depuis le lancement du programme en 2016, l'Australie a déjà payé 840 millions d'euros, dont 300 millions en 2021, à Naval Group.
En parallèle, Naval Group, comme tous les autres partenaires du programme, négocie avec les Australiens les coûts de démobilisation et les coûts de terminaison, comme le licenciement des 300 collaborateurs australiens et les coûts associés à tous ses fournisseurs et prestataires. Une séquence de négociations que les Australiens souhaitent terminer avant la fin de leur année fiscale, fin juin. C'est également le cas pour Lockheed Martin, le management du programme australien et le chantier naval où devait être construits les sous-marins. Ce sont ces trois acteurs qui vont faire monter la facture à des montants vertigineux.
Le « contrat du siècle » au rebut
Pour rappel, l'Australie a résilié en septembre 2021 le contrat passé avec la France, qui reposait sur douze sous-marins développés et conçus par Naval Group dans le cadre du programme de classe océanique « Future Submarine Program ». Une commande estimée à 56 milliards d'euros sur 50 ans, surnommée le « contrat du siècle » lors de sa signature en 2019.
« La décision que nous avons prise de ne pas continuer avec les sous-marins de classe Attack et de prendre un autre chemin n'est pas un changement d'avis, c'est un changement de besoin », avait affirmé le Premier ministre australien, soulignant qu'elle est motivée par l'évolution de la dynamique dans la région Asie-Pacifique, où la Chine affirme de plus en plus ses revendications sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale.
Ce revirement avait provoqué la colère de Paris, le président Emmanuel Macron accusant le dirigeant australien d'avoir menti sur l'avenir de ce contrat. D'autant plus que, quelques jours avant l'annonce, différents ministres français et leurs homologues australiens avaient souligné l'importance du programme des futurs sous-marins. L'État français n'avait rien vu venir, ce qui représentait d'ailleurs un échec également pour les renseignements.
Un projet plus cher mais plus adapté
L'Australie a préféré finalement construire des sous-marins à propulsion nucléaire à l'aide de technologies américaines et britanniques. Il a en effet créé un nouveau partenariat de sécurité et de défense dans le cadre duquel Washington et Londres vont l'aider à se doter de sous-marins à propulsion nucléaire. Ce nouveau partenariat (appelé "AUKUS") reposera sur un partage d'informations et une intégration technologique et industrielle accrue en matière de défense.
Selon une étude publiée en décembre dernier par l'Institut australien de politique stratégique, le programme AUKUS coûtera plus de 80 milliards de dollars et prendra des décennies avant d'être opérationnel. Il devrait néanmoins, selon cette étude, donner à l'Australie un avantage significatif dans sa capacité à dissuader une agression.
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