Armement : et si la France donnait une nouvelle chance à la Pologne ?

Par Michel Cabirol  |   |  829  mots
DCNS joue crânement sa chance en Pologne pour la vente de trois sous-marins Scorpène NG (Crédits : dcns)
Les Polonais semblent vouloir renouer avec la France. Mais Paris s'y refuse pour le moment alors que certaines campagnes commerciales importantes (hélicoptères, missiles et sous-marins) sont en discussions.

Après la crise, le temps de la réconciliation... et des compensations a peut-être sonné entre la France et la Pologne. Près de deux mois après la crise aiguë entre les deux pays en raison de la rupture abrupte des négociations sur l'achat de 50 hélicoptères Caracal (Airbus) par Varsovie, jugée "inacceptable" à Paris, la France pourrait-elle redonner une nouvelle chance à la Pologne en renouant des liens diplomatiques et commerciaux ? D'autant que certains des dossiers d'armement en cours de négociations (missiles, sous-marins, hélicoptères...) pourraient peut-être tourner favorablement aux groupes français (MBDA, DCNS et... Airbus Helicopters).

Ce sera alors à Varsovie de saisir cette chance si bien évidemment Paris se décide à passer outre l'affront du rejet du Caracal. La Pologne serait même avisée de ne pas froisser une nouvelle fois son allié français en raison de l'arrivée de Donald Trump, un ami de la Russie, à la tête des États-Unis, et du départ de la Grande-Bretagne de l'Europe (Brexit). Elle pourrait perdre deux alliés sur lesquels elle comptait beaucoup...

Le message de Varsovie à Paris

Selon des sources concordantes, la Pologne a donc fait passer ces dernières semaines des messages à la France pour que cette dernière restaure une relation politique. Varsovie attendrait donc une initiative de Paris. Le patron de l'entreprise publique PGZ, Arkadiusz Siwko, très proche du pouvoir actuel en Pologne, est  venu en France il y a un mois environ délivrer ce type de message, selon nos informations. Un message d'apaisement mais aussi de menaces. Faute de réconciliation entre les deux capitales, pas de compensation.

"On ne va pas se fâcher pour une poignée d'hélicoptères", a déclaré jeudi dernier le chef de la diplomatie polonaise, Witold Waszczykowski, démentant qu'il y ait un froid entre Paris et Varsovie à la suite de l'abandon des négociations sur l'achat des Caracal.

Avertissement ou coïncidence, Varsovie a choisi fin octobre l'américain General Dynamics au détriment de Dassault Aviation pour la vente de deux avions d'affaires Gulfstream G550 qui seront opérés par l'armée de l'air polonaise pour le compte du gouvernement. Une décision qui brouille le message de réconciliation des Polonais. Pour l'heure à Paris, pas question de relancer un quelconque dialogue avec Varsovie, explique-t-on à La Tribune . D'ailleurs, Jean-Yves Le Drian, qui ne serrerait plus la main de son homologue polonais lors de réunions internationales, ne veut même pas en entendre parler. Le ministre de la Défense (et Breton) est encore très fâché d'avoir été roulé dans la farine par son homologue polonais. Varsovie va certainement devoir patienter jusqu'en juin prochain pour espérer enterrer la hache de guerre.

Trois dossiers majeurs en négociation

Airbus Helicopters, qui participe à un nouvel appel d'offres polonais pour l'acquisition d'hélicoptères tactiques de transport, est reparti pour un tour. Mais que va faire réellement Airbus ? Difficile de se décider tant l'improvisation et la désinvolture des Polonais compliquent le dossier. La décision ne semble pas encore avoir été prise même si Airbus Helicopters participe effectivement aux réunions organisée dans le cadre du nouvel appel d'offres. Une façon de voir avant de se décider. Les offres engageantes sont attendues par le ministère de la Défense polonais d'ici à la fin de l'année. En tout cas, le constructeur de Marignane va demander des dommages-intérêts dans le cadre du premier appel d'offres, explique-t-on à Paris à La Tribune.

DCNS joue quant à lui crânement sa chance en Pologne pour la vente de trois sous-marins. Le groupe naval dispose d'un atout pour le moment imparable : Paris peut fournir à Varsovie à bord des trois Scorpène NG un missile de croisière de type NCM (Naval Cruise Missile) capable de frapper dans la profondeur. Jean-Yves Le Drian y était favorable cet été. Mais c'était avant la crise des Caracal... Les sous-marins seraient assemblés en Pologne. Un budget de l'ordre de 2 milliards d'euros serait consacré à ce programme baptisé Orka. Pour autant, ce projet serait retardé de deux ans avec des livraisons en 2026 (au lieu de 2024) dans le cadre du plan de modernisation de l'armée polonaise validé début novembre par le ministre polonais de la Défense, Antoni Macierewicz.

Enfin, le missilier MBDA est en course pour la fourniture d'un système de défense anti-aérienne de basse couche. Ce programme est actuellement au stade du RFI (Request for information ou demande d'informations). Le missilier propose le VL-Mica. Par ailleurs, MBDA (via MBDA Allemagne) est également présent dans le consortium international MEADS (Medium Extended Air Defense System), emmené par le groupe américain Lockheed Martin, qui lorgne également ce marché. MEADS a également été invité par Varsovie à discuter de l'acquisition d'un système de moyenne portée (6 à 8 batteries), pourtant déjà attribué à Raytheon (Patriot) pour environ 3,4 milliards d'euros.