Ce que redoute le patron de Safran pour le retour du Boeing 737 MAX

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  668  mots
(Crédits : Lindsey Wasson)
Alors que Boeing attend toujours le feu vert des autorités à la remise en service du B737 MAX, le directeur général de Safran, motoriste avec General Electric de l'avion, a indiqué qu'il ne pouvait occulter le scénario du lancement d'un nouvel appareil.

Immobilisé depuis le 10 mars dernier à la suite de deux accidents mortels dans lesquels la défaillance du système anti-décrochage a été pointée du doigt, le Boeing 737 MAX va-t-il recevoir le feu vert à sa remise en service d'ici à la fin de l'année comme l'avionneur américain l'espérait encore récemment ? Ou va-t-il être une nouvelle fois décalé comme ce fut le cas de nombreuses reprises ces derniers mois. Philippe Petitcolin, le directeur général de Safran, copropriétaire avec General Electric de CFM International, le motoriste qui produit la totalité des moteurs du B737MAX, s'est montré extrêmement prudent.

« Tous les mois, nous reculons d'un mois », a-t-il indiqué lundi soir lors d'une rencontre avec la presse. « Aujourd'hui, il semble y avoir une possibilité d'un accord de la FAA (la direction générale de l'aviation civile américaine) avant le 20 décembre », a-t-il ajouté, en estimant qu'il n'y aurait pas selon lui « une unicité » entre la décision américaine et celles des autres agences de sécurité, comme l'AESA, l'agence européenne de sécurité aérienne.

Philippe Petitcolin a en effet évoqué « une remise en vol par séquence », c'est-à-dire avec un calendrier différent selon les zones géographiques. Pour l'heure les compagnies américaines clientes comme Southwest, American et United, n'ont pas prévu de remettre en service le B737 MAX avant le mois d'avril. Si la remise en service de l'avion constituera évidemment une bonne nouvelle pour Boeing, elle s'accompagnera néanmoins d'un travail extrêmement difficile.

Boeing ne sera pas au bout de ses peines après la remise en vol

Sans même parler de la formation des pilotes au logiciel de l'appareil, il faudra en effet remettre en service près de 400 appareils qui volaient avant leur immobilisation et plus de 400 autres que Boeing a construits depuis et stockés pour pouvoir, une fois sa solution approuvée, les livrer rapidement à ses clients. Le tout en essayant d'augmenter la production au-delà du niveau de 42 exemplaires mensuels décidé au printemps dernier. Pour rappel, quand le B737 MAX a été immobilisé en mars dernier, la cadence de production s'élevait à 52 appareils par mois et devait passer à 57 en juin dernier.

« Tout ce travail est très complexe », a fait valoir Philippe Petitcolin.

Alors que certains observateurs évoquent une transition d'au-moins deux ans pour que Boeing revienne à une situation normale, le patron de Safran n'a pas voulu jouer au jeu des pronostics. Il a simplement rappelé, qu'en général, les hausses des cadences de production se faisaient « par pallier de cinq avions tous les six mois ».

Le scénario du lancement d'un nouveau programme

Le patron de Safran s'est dit confiant au sujet du B737 MAX : « Pour moi, l'avion est sûr. Si Boeing a vraiment fait le travail demandé, les choses se remettront dans l'ordre rapidement », a-t-il dit.

Néanmoins, Philippe Petitcolin a « une crainte » : qu'un « problème grave » intervienne à nouveau sur l'appareil et pousse Boeing à lancer un nouveau programme « à l'horizon 2022-2023 pour une mise en service en 2030 ».

« Ce n'est pas le scénario le plus probable, mais c'est une possibilité qui ne peut être occultée », a-t-il fait valoir.

Un tel calendrier ne permettrait pas de faire un saut en termes de performance moteur.

« Nous ne serions pas capables de lancer un moteur largement différent de ce que nous faisons », a indiqué Philippe Petitcolin.

Pour lui, les moteurs n'apporteraient à cette échéance qu'un gain de performance de 5% par rapport à ceux d'aujourd'hui. Un tel scénario risquerait de faire bouger Airbus lui aussi. Interrogé en aparté, il estime que l'avionneur lancerait à son tour un nouveau produit dans les deux ans qui suivraient l'annonce de Boeing. Aujourd'hui, Airbus compte lancer le successeur de l'A320 Neo "au milieu de la prochaine décennie"pour une mise en service au début des années 2030.

Lire aussi : "Si Boeing voulait remplacer le B737 MAX, que peut-il faire réellement ?" (Eric Schulz, ancien directeur commercial d'Airbus)