Emmanuel Macron exécute en public le chef d'état-major des armées

Par Michel Cabirol  |   |  775  mots
"J'ai pris des engagements, je suis votre chef. Les engagements que je prends devant les concitoyens, devant les armées, je sais les tenir et je n'ai à cet égard besoin de nulle pression, de nul commentaire" (Emmanuel Macron)
"Je suis votre chef", a rappelé Emmanuel Macron aux armées. Le président qui aime "le sens du devoir et de la réserve", va augmenter le budget de la défense à 34,2 milliards d'euros en 2018.

Emmanuel Macron a été dur. Très dur (trop) envers le chef d'état-major des armées, le général Pierre de Villiers, qui pourrait démissionner dans les prochaines heures après avoir été violemment tancé par le président de la République lors d'une réception au ministère des Armées la veille du 14 juillet. "Je considère pour ma part qu'il n'est pas digne d'étaler des débats sur la place publique. J'ai pris des engagements, je suis votre chef. Les engagements que je prends devant les concitoyens, devant les armées, je sais les tenir et je n'ai à cet égard besoin de nulle pression, de nul commentaire", a-t-il lancé avec un ton très ferme.

"De mauvaises habitudes ont parfois été prises sur ces sujets considérant qu'il devait en aller des armées aujourd'hui comme il en va de nombreux autres secteurs. Je le regrette", a fait valoir le chef e l'Etat. "J'aime le sens du devoir, j'aime le sens de la réserve qui a tenu nos armées là où elles sont aujourd'hui, a martelé le président. Et ce que j'ai parfois du mal à considérer dans certains secteurs, je l'admets encore moins quand il s'agit des armées", a-t-il asséné.

Le nom du général Pierre de Villiers n'a jamais été cité mais c'est pourtant bien lui qui était visé par la violente charge d'Emmanuel Macron devant un parterre de militaires, d'industriels et d'invités internationaux. Était-ce vraiment nécessaire de le faire dans ce cadre-là? Le chef d'état-major des armées a vivement critiqué mercredi devant des députés de la commission de la défense le train d'économies de 850 millions d'euros imposé à la défense en 2017, jugeant la trajectoire budgétaire "non tenable" pour les armées. Il a relayé l'incompréhension d'une communauté militaire déjà sous tension qui juge que les moyens alloués ne sont pas à la hauteur des missions extérieures (Sahel, Levant) et intérieure (Sentinelle) actuelles.

Un budget de défense porté à 34,2 milliards

Emmanuel Macron a bien confirmé les 850 millions d'euros de coupes dans le budget de la défense en 2017. Ce montant est à déduire des 2,7 milliards d'euros de crédits gelés pour l'exercice en cours au titre des régulations annuelles."Un effort a été demandé pour cette année à tous les ministères, y compris le ministère des Armées", a souligné le chef de l'Etat. "Il était légitime, il était faisable sans attenter en rien à la sécurité de nos troupes, à nos commandes militaires et à la situation telle qu'elle est aujourd'hui", a-t-il souligné. Le ministère des Armées, qui contribue à hauteur de 20% des économies, est celui qui est le plus fortement impacté par les coupes budgétaires (4,5 milliards d'euros au total).

En revanche, Emmanuel Macron a annoncé que le budget de la défense serait porté à 34,2 milliards d'euros en 2018 (contre 32,7 milliards cette année), dont 650 millions pour les opérations extérieures (OPEX). Une hausse nette de 1,3 milliard par rapport à 2017 si le budget est exécuté à l'euro près. C'est beaucoup moins que l'objectif du général de Villiers (2 milliards). Le chef de l'Etat a enfin assuré que la trajectoire financière en cours d'élaboration permettrait de concrétiser son engagement de porter les ressources de la Défense à 2% du PIB en 2025.

Pour le budget 2018, il a souhaité que "200 millions d'euros soient consacrés au renforcement de la protection de nos forces partout où elles sont engagées". Devant les députés, le général Pierre de Villiers avait notamment exprimé son inquiétude vis-à-vis de la sécurité des militaires sur le terrain, jugeant le nombre de véhicules blindés insuffisant.

"Parce que c'est ce que nous vous devons, parce que c'est l'engagement que j'ai pris. En aucune façon parce que quelques commentaires se seraient élevés", a souligné le président de la République.

Emmanuel Macron, qui dès son élection a affirmé avec force son statut de chef des armées, a donc vertement et cruellement répliqué aux critiques émanant depuis quelques jours des rangs militaires et adressé un rappel à l'ordre cinglant au général de Villiers, qui était présent, au côté notamment du Premier ministre, Edouard Philippe, et de la ministre des Armées Florence Parly. Dans une tribune à paraître vendredi dans Le Figaro, il renouvelle son appel à augmenter les moyens des armées. Le général de Villiers, qui a toujours protégé ses troupes, est-il allé trop loin? Jupiter l'a foudroyé...