Europe de la défense : l'incroyable cynisme de la Suède !

Par Michel Cabirol  |   |  662  mots
Le ministre de la défense suédois, Peter Hultqvist, achète américain mais signe une déclaration pour l'Europe de la défense...
Moins d'une semaine après avoir choisi le système de défense anti-aérien américain Patriot, Stockholm s'engage dans une coopération militaire et industrielle renforcée entre pays européens.

Au choix, une politique illisible, voire incompréhensible, ou le cynisme de la Suède est incroyablement culotté. Moins d'une semaine après avoir choisi le système de défense anti-aérien américain Patriot fabriqué par Raytheon, Stockholm a acté lundi son intention de s'engager dans une coopération militaire renforcée entre pays européens, dans le développement d'armements comme les opérations extérieures, avec pour ambition affichée de relancer l'Europe de la défense. Le Conseil doit désormais, d'ici à la fin de l'année, adopter une décision formelle établissant la Coopération structurée permanente  (CSP), avec une première liste de projets qui devraient être identifiés en parallèle.

Mais quelle crédibilité aura la Suède et d'autres pays d'ailleurs (Roumanie entre autre) à défendre une Europe de la défense quand le ministre de la défense Peter Hultqvist a personnellement choisi un programme américain 30% à 40% plus cher que celui proposé conjointement par la France et l'Italie. Deux pays européens qui pourtant lui proposaient en plus une coopération industrielle au moment de la modernisation du système SAMP/T. Et pourtant la déclaration de la commission européenne indique bien dans sa déclaration que la Coopération structurée permanente ouvre "la voie à un renforcement de la coopération en matière de défense entre les Etats membres de l'UE qui le peuvent et le souhaitent".

Peter Hultqvist, l'homme de Washington

Comment le ministre de la Défense suédois Peter Hultqvist peut-il signer cet accord européen en son âme et conscience, lui qui est à l'origine du choix du Patriot et ce contre l'avis même des opérationnels, notamment la DGA suédoise (Swedish Defence Materiel Administration). A-t-il vraiment lu la CSP qui "permettra aux Etats membres de développer conjointement des capacités de défense, d'investir dans des projets communs et de renforcer l'état de préparation opérationnelle et la contribution de leurs forces armées" ? L'Europe de la défense est-elle une réalité pour Peter Hultqvist ou simplement un concept brumeux mais bien utile pour être sur la photo officielle?

Le système franco-italien SAMP/T (MBDA et Thales) était pourtant favori au début de la compétition. Mais après un voyage à Washington en mai dernier, Peter Hultqvist a complètement cédé à la pression américaine. Le ministère suédois de la Défense n'a pas fourni de détails sur ce contrat évalué par l'agence chargée de l'acquisition des matériels militaires à 10 milliards de couronnes (1 milliard d'euros).

Un moment historique

"Nous vivons un moment historique pour la défense européenne", a commenté lundi la diplomate en chef de l'Union, Federica Mogherini, à l'issue de la signature par les ministres de 23 Etats membres de l'UE d'un document où sont listés 20 "engagements" jetant les bases de leur CSP. Federica Mogherini estime que ce nouvel outil va "permettre de développer davantage nos capacités militaires pour renforcer notre autonomie stratégique". Comment compte-t-elle justifier à l'avenir un achat de matériel américain touchant à la souveraineté nationale par un des 23 signataires de la CSP?

En théorie, cette coopération renforcée peut déboucher sur la mise sur pied d'un quartier général opérationnel pour des unités de combat de l'Union européenne ou d'une plateforme logistique d'opérations. Mais dans un premier temps, elle devrait prendre la forme de projets - à quelques-uns - de développement de matériel (chars, drones, satellites ou avions de transport militaire) ou encore d'un hôpital de campagne européen. Plus de 50 projets ont été déposés, a précisé Federica Mogherini, qui espère que la CSP permettra des "économies d'échelle" pour l'industrie de la défense européenne aujourd'hui trop "fragmentée" par rapport à la concurrence américaine... qui profite à fonds des achats des pays européens.