Exportations d'armes : l'Allemagne et la France proches d'une signature ?

Par Michel Cabirol  |   |  543  mots
L'Allemagne bloque l'exportation de plusieurs grands programmes européens auxquels participe Airbus vers plusieurs pays, dont l'Arabie Saoudite : les avions de combat Eurofighter Typhoon et Tornado, le missiles air-air Meteor de MBDA (détenu à 37,5% par Airbus), l'avion de ravitaillement A330-MRTT ainsi que l'hélicoptère H145 et l'avion de transport CASA C295. (Crédits : Airbus Helicopters)
Florence Parly doit aller à Berlin pour finaliser un accord sur le dossier sensible des exportations d'armes. Puis, le 16 octobre, lors du prochain Conseil des ministres franco-allemand, les deux pays devraient ratifier cet accord.

Les toutes prochaines semaines vont être cruciales pour la France et l'Allemagne sur le dossier des exportations d'armes. La ministre des Armées Florence Parly doit aller le 9 octobre à Berlin pour finaliser un accord sur le dossier épineux des exportations d'armes qui empoisonnent les relations entre les deux pays. Puis, le 16 octobre, lors du prochain Conseil des ministres franco-allemand, les deux pays devraient ratifier cet accord. "Les travaux sont suffisamment avancés pour que je n'ai aucun doute sur un accord", assure un observateur très proche du dossier.

"L'Allemagne demeure attentive à ne pas compromettre l'insertion de son industrie dans les grands projets de coopération européenne. Répondre aux partenaires européens, qui critiquent le manque de prévisibilité de la politique allemande en matière d'exportations, est dès lors apparu essentiel", analyse Gaëlle Winter de la Fondation pour la recherche stratégique dans une note sur la politique industrielle de défense de l'Allemagne.

Partenaire de l'Allemagne, Paris avait demandé à Berlin une clarification des règles d'exportation. "Il ne sert à rien de produire des armes par le biais d'une coopération accrue entre la France et l'Allemagne si nous ne sommes pas en mesure de les exporter", avait estimé en février Bruno Le Maire dans une interview au journal allemand "Welt am Sonntag". Depuis plusieurs années, l'Allemagne bloque de temps en temps au gré des humeurs des coalitions au pouvoir, des licences d'exportation de composants civils et militaires faisant partie de programmes franco-allemands à destination de certains pays du Golfe. Notamment vers l'Arabie Saoudite depuis l'affaire du journaliste Jamal Khashoggi assassiné dans un consulat saoudien en Turquie par des officiels du Royaume wahhabite. Les exportations d'armes en Allemagne sont un sujet très sensible dans l'opinion publique.

Exportation d'armes : Berlin veut transférer le dossier à Bruxelles

A l'occasion de ce conseil des ministres, Paris et Berlin devraient s'entendre sur deux volets, l'un concernant les programmes français, qui font appel à la sous-traitance de l'industrie d'armement allemande, l'autre sur l'exportation des futurs programmes réalisés en coopération, notamment le SCAF (Système de combat aérien du futur) et le MGCS (char du futur). Sur le premier volet, deux paramètres ont été clés pour trouver un accord : le champ d'application et le niveau de sous-traitance allemande dans les programmes français. Berlin ne devrait pas s'opposer aux exportations des industriels français à condition que le niveau des équipements ou des composants allemands n'excède pas 20% de la totalité du matériel militaire proposé (règle dite de minimis).

Plus généralement, l'Allemagne est tentée de transférer les exportations d'armements vers la commission européenne. "Les responsables politiques allemands, conscients, plus généralement, de l'horizon international du tissu industriel de défense, réfléchissent surtout à une manière de mettre fin à ce jeu d'équilibriste devenu, sur le plan intérieur comme international, intenable : le transfert du dossier à Bruxelles", explique Gaëlle Winter. Et de préciser que "la voie d'une harmonisation européenne du contrôle des exportations d'armement fait consensus entre les principaux partis politiques et est aujourd'hui largement plébiscitée pour sortir de l'impasse". Ce qui serait un abandon de souveraineté. La France en a-t-elle envie?