Hélicoptère : Safran s'émancipe un peu plus d'Airbus en motorisant Leonardo

Par Michel Cabirol  |   |  936  mots
Les clients du bimoteur AW189 auront le choix entre l'Aneto 1-K (2.500 chevaux), conçu pour les hélicoptères de nouvelle génération, et le vieux CT7 de General Electric (GE), jusqu'ici en situation de monopole.
Safran Helicopter Engines va remotoriser l'hélicoptère AW189K du constructeur italien Leonardo grâce à la nouvelle famille de moteurs Aneto (trois versions).

Airbus, l'indien HAL, l'américain Bell et maintenant l'italien Leonardo... Si Safran Helicopter Engines (Safran HE) a déjà dans le passé motorisé des hélicoptères de l'italien Leonardo (AW109K et l'appareil militaire EH101), elle vient cette fois-ci de réussir un très joli coup en montant à bord de l'AW189K grâce à l'Aneto, le futur moteur de forte puissance (de 2.500 à 3.100 chevaux) dont l'entrée en service est prévue au quatrième trimestre de 2018. Les clients du bimoteur AW189 auront désormais le choix entre l'Aneto 1-K (2.500 chevaux), conçu pour les hélicoptères de nouvelle génération, et le vieux CT7 de General Electric (GE), jusqu'ici en situation de monopole.

Avec la remotorisation surprise de l'AW189 (2.500 chevaux), Safran HE poursuit son objectif d'être l'un des motoristes de référence du marché. Pour y parvenir, le motoriste du sud-ouest, qui s'est historiquement développé aux côté d'Airbus, doit s'émanciper toujours un peu plus vis-à-vis d'Airbus Helicopters pour développer sa propre résilience face notamment aux fortes turbulences du marché des hélicoptères. "Clairement la situation de Safran HE a aujourd'hui énormément changé par rapport aux années Makila (moteur de la famille H215 et H225 d'Airbus, ndlr), précise le directeur des programmes moteurs de forte puissance, Florent Chauvancy.

"Il y a eu une époque quand Airbus développait une cellule, Safran HE participait au programme, explique Florent Chauvancy. Les temps ont changé aujourd'hui, quand il développe une cellule, nous ne sommes pas forcément sélectionnés mais parfois nous le sommes comme avec le programme H160. A l'inverse et de la même manière quand Bell ou Leonardo développent une cellule, nous avons des relations qui sont telles que nous avons de bons espoirs ou en tout cas des chances d'être sélectionnés".

Un projet en discussion depuis trois ans

Les discussions sur la remotorisation de l'AW189, concurrent jusqu'ici du H175 d'Airbus pour le transport de personnes vers les plates-formes pétrolières notamment, ont débuté il y a trois ans à l'époque de l'entrée en service de l'appareil en février 2014. Déjà. Un an plus tard environ, Leonardo et Safran HE accéléraient. "Nous travaillons de façon très active avec Leonardo depuis 2015", confirme Florent Chauvancy. Une fois le rachat en septembre 2013 de la participation de 50% de Rolls-Royce dans le programme RTM322, Safran HE a de son côté lancé très vite des campagnes de marketing auprès des hélicoptéristes tout en poursuivant TECH 3000, programme de Recherche et Technologie (R&T). Programme qui a permis de développer les briques technologiques de la famille de moteurs Aneto (trois versions prévues pour le moment), du nom du plus haut sommet des Pyrénées.

Et c'est Leonardo qui a été le plus rapide à réagir. "Nous ne pouvions pas suivre tous les lièvres à la fois. Il y a eu ce projet qui est parti assez rapidement avec Leonardo. Ce projet nous faisait d'autant plus plaisir que c'est une cellule moderne et un hélicoptériste de renom avec lequel on souhaitait  travailler depuis longtemps", souligne le directeur de programme. Ce n'est pas la première fois que Safran HE travaille avec Leonardo mais, pour la première fois, un moteur Safran sera proposé à tous les clients du constructeur italien. A la fin des années 90, Safran HE avait déjà placé l'Arrius sur l'AW109K LUH. Mais il n'a été proposé que sur quelques marchés de niche, notamment des clients militaires. En outre, ce programme n'a pas vraiment été un succès commercial (environ 80 AW109K en service dans le monde). Safran HE a également motorisé 60 % de la flotte de l'hélicoptère militaire EH101 Merlin.

Motorisé par l'Aneto 1-K, l'AW189K a réalisé son premier vol en mars 2017. A mi-septembre, l'appareil avait cumulé plus de 25 heures de vol (35 vols). L'appareil est dans la phase active d'essais en vol, qui va se poursuivre cet hiver et l'été prochain. "Notre objectif est de sécuriser un premier client fin 2018", rappelle Florent Chauvancy. La certification de la cellule et du moteur par l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) est planifiée sur la deuxième partie de l'année 2018.

Un message au marché

Pourquoi Leonardo a souhaité remotoriser aussi rapidement son AW189? l'hélicoptériste italien a d'abord trouvé sur le marché le nouveau moteur beaucoup plus performant, celui de Safran HE. L'Aneto développe 25% de puissance supplémentaire par rapport aux moteurs existants de même encombrement. Il offre également une réduction de la consommation en carburant de 15 % par rapport aux moteurs de même puissance en service aujourd'hui. Surtout le CT7 ne satisfaisait pas complètement Leonardo. Bien que ce moteur marche bien - c'est celui des Black Hawk et des Apache de l'US Army ! -, des missions imaginées par Leonardo avec l'AW189 ne peuvent pas actuellement être effectuées.

"Cette nouvelle turbine va offrir à nos clients un haut niveau de performance et va permettre d'étendre la palette des capacités et la polyvalence de cet hélicoptère super-medium", a expliqué Gian Piero Cutillo, Managing Director de Leonardo Helicopters, cité dans le communiqué de Safran HE,

Pour Safran HE, cette remotorisation n'est pas n'importe quelle remotorisation. "En termes de message au marché, ce n'est pas neutre, fait valoir Florent Chauvancy. Leonardo essaie clairement d'élargir le champ de missions de l'appareil". Airbus avec son H175 mais aussi le H225 va devoir réagir...