L'Allemagne va-t-elle faire main basse sur Galileo ?

Par Michel Cabirol  |   |  961  mots
L'Allemagne spatiale devrait donc consolider ses positions dans Galileo, un programme qui doit pourtant beaucoup à la France au moment de sa création
L'industrie allemande souhaite poursuivre sa mainmise sur le programme Galileo. Spaceopal et OHB sont en pole-position pour remporter deux nouvels appels d'offres majeurs. Bruxelles va lancer le 15 décembre les services initiaux de la constellation.

Pour l'Allemagne, Galileo est bel et bien un enjeu industriel majeur. Sur deux appels d'offres majeurs en cours, l'industrie allemande, qui serait "aidée" par l'Agence spatiale européenne (ESA) selon des sources concordantes, est en pole-position pour les remporter. L'Allemagne spatiale devrait donc consolider ses positions dans Galileo, un programme qui doit pourtant beaucoup à la France au moment de sa création. Le résultat des courses est attendu le 15 décembre, date à laquelle la Commission européenne va annoncer le lancement des services initiaux de Galileo, selon nos informations, ainsi que le nom du vainqueur d'au moins un des deux appels d'offres.

Spaceopal rempile

La société italo-allemande Spaceopal va rempiler pour gérer les infrastructures spatiales et terrestre de la constellation. La décision a été prise fin novembre. La société commune entre le DLR, le centre de recherche allemand aérospatial, et Telespazio, la coentreprise entre Leonardo (67%) et Thales (33%) a gagné, selon des sources concordantes, cet appel d'offres en partenariat avec Deutsche Telekom, qui a pris la place de BT et Thales Alenia Space (TAS). D'autant que Spaceopal aurait fait une "super offre" financière en proposant 1 milliard d'euros alors que sa première offre s'élevait pourtant à 1,8 milliard d'euros. "C'est du dumping financier, s'agace-t-on en France. Les Allemands veulent à tout prix mettre la main sur Galileo". Spaceopal a très logiquement bénéficié de la puissance du lobby allemand au sein de l'ESA, qui a d'ailleurs à sa tête l'ancien patron du DLR, Johann-Dietrich Wörner.

Du côté des perdants un peu plus chers que Spaceopal, ça s'agite. Airbus a déjà déposé un recours et Eutelsat, à la tête d'un vaste consortium européen réunissant des entreprises espagnole, française (TAS France), britannique, belge, allemande, italienne et polonaise, hésite encore. Selon nos informations, l'opérateur de satellites, contraint d'intégrer dans son offre au prix fort deux centres de contrôle de Spaceopal Fucino et Oberpfaffenhofen, a adressé à Bruxelles une simple demande d'information, qui n'a pas de valeur contentieuse. En fonction de la réponse, il prendra sa décision. Car selon un observateur neutre, Eutelsat aurait remis "l'offre la plus audacieuse et la plus compétente en matière de soutien de Galileo".

Sur les recommandations de l'ESA et de la GSA, l'agence de l'Union européenne qui assure la mise en œuvre de Galileo, c'est bien Bruxelles qui devrait révéler le 15 décembre le choix de Spaceopal. Elle n'a d'ailleurs que très peu de marges de manœuvre pour s'opposer à cette recommandation. Acet égard, la GSA, dont le président du conseil d'administration est le président du CNES Jean-Yves Le Gall, est une agence décentralisée de l'UE et dispose d'une personnalité juridique propre.

Et OHB?

Quel industriel va-t-elle choisir pour compléter la constellation européenne Galileo? Trois constructeurs sont en compétition pour remporter un appel d'offres lancé au printemps par la Commission pour la construction de huit nouveaux satellites. Il s'agit de la société allemande OHB-System, qui a déjà fourni les 22 premiers satellites en configuration opérationnelle (FOC, Full operational capability), d'Airbus Space Systems, qui a fabriqué les quatre premiers satellites expérimentaux (IOV, in-orbit validation) et, enfin, de Thales Alenia Space (TAS) Italie.

La Commission a étudié deux options. La première consisterait à confier à nouveau à OHB, la fabrication des huit nouveaux satellites, la seconde à partager le contrat en deux pour le donner à deux constructeurs, dont OHB. Concrètement, elle doit décider si elle poursuit à se fournir en mono-source avec le groupe installé à Brême ou si pour limiter les risques d'approvisionnement, elle fait appel à un deuxième fournisseur. Pour des raisons de coût principalement, l'ESA, qui gère le programme spatial pour le compte de Bruxelles, a recommandé en septembre à la Commission de choisir à nouveau OHB, selon nos informations. Bruxelles n'est pas tenu de suivre le choix de l'Agence spatiale.

Le rôle majeur de la France dans la création de Galileo

La France a joué un rôle majeur dans la création et la réorientation du programme Galileo, a rappelé en janvier dernier la Cour des comptes. Son influence s'est cependant, ces dernières années, érodée dans les instances de pilotage de la maîtrise d'ouvrage des deux programmes, a-t-elle expliqué. Fin 2013, l'ESA avait confié à la France un chiffre d'affaires de 20% environ du montant global des contrats principaux pour Galileo. En France, la prise en charge de ce programme sur le budget communautaire a eu pour effet de réduire la visibilité politique de Galileo, et l'importance des enjeux. Selon la Cour des comptes, "le risque existe que la France ne tire pas suffisamment parti de Galileo après en avoir été pourtant le premier et le plus tenace promoteur".

Notamment la France, via TAS France, a obtenu en 2011 un contrat de la Commission européenne. TAS a développé et déployé le segment sol de mission Galileo (GMS - Galileo Mission Segment) et du centre de sécurité Galileo (GSF - Galileo Security Facility). Le segment sol de mission Galileo (GMS) est au cœur du système de navigation européen par satellite. Il comprend un réseau global de stations de référence pour surveiller le signal en provenance des satellites, un autre réseau de stations terrestres pour l'envoi des données de navigation aux satellites, des réseaux de communication parallèles, et un ensemble complexe d'éléments de traitement. Collectivement, ils fourniront des services de navigation qui seront à la fois précis, fiables et dignes de confiance. Enfin, le GSF sera responsable pour la gestion de l'accès des utilisateurs au service crypté PRS (Public Regulated Service) de Galileo.