Les frégates de taille intermédiaire se jettent à l'eau

Par Michel Cabirol  |   |  913  mots
Le programme FTI permettra en 2029 de constituer, avec les deux frégates de défense aé.rienne Horizon (FDA) et les huit frégates multi-missions (FREMM), le format des 15 frégates de premier rang
A l'occasion du salon Euronaval, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian va lancer le programme des frégates de taille intermédiaire (FTI). Un programme estimé entre 3,5 et 4 milliards d'euros pour cinq navires, développement compris.

Tic-tac, tic-tac, tic-tac... Encore un jour à attendre. Et ce sera bientôt le show de Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense qui va annoncer mardi au salon Euronaval le lancement du programme Frégates de taille intermédiaire (FTI) estimé entre 3,5 et 4 milliards d'euros pour cinq navires de guerre, développement compris, selon nos informations. Ce qui fait tiquer pas mal les armées, qui auraient préféré pour des raisons budgétaires continuer le programme des frégates multi-missions (FREMM) avec trois bâtiments de plus, dont le développement est déjà payé. C'est d'ailleurs ce qui était initialement prévu.

"On aurait préféré trois FREMM moins chères que cinq FTI", explique-t-on à La Tribune. La notification du contrat devrait intervenir en 2017, sans doute avant avril. Parallèlement, le ministère va lancer le programme de rénovation des frégates dites La Fayette (FLF), mises en service entre 1996 et 2001, en attendant l'arrivée des premières FTI à partir de 2023.

8 FREMM livrées d'ici à 2022?

Le programme FTI permettra en 2029 de constituer, avec les deux frégates de défense aérienne Horizon (FDA) et les huit frégates multi-missions (FREMM), le format des 15 frégates de premier rang défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.

"Je maintiens la livraison à la Marine nationale de six FREMM anti sous-marines, d'ici à fin 2019, selon le plan fixé par la LPM", avait expliqué en mai 2015 le ministre.

Ensuite, d'ici à 2022, deux autres frégates FREMM anti sous-marines devront être livrées. Ces dernières disposeront d'une "capacité de défense anti-aérienne renforcée, par rapport aux premières. Elles seront suivies, dès 2023, par la livraison des cinq frégates de taille intermédiaire prévues", avait détaillé fin mai 2015 le Délégué général pour l'armement, Laurent Collet Billon, auditionné à l'Assemblée nationale

Export et BITD

Pourquoi alors les FTI dont les navires affichent un déplacement de 4.000 tonnes (contre 6.000 tonnes pour la FREMM) ? Pour deux raisons. L'une liée à l'exportation : les FREMM, qui devaient s'exporter, ne s'exportent pas finalement aussi bien que prévu. L'autre liée au maintien des bureaux d'études de DCNS et de Thales : "Les FTI sont une opération BITD (Base industrielle et technologique de défense, ndlr)", estime-t-on. Jean-Yves Le Drian avait été très clair en mai 2015 : "Au-delà de l'enjeu majeur pour notre Marine, il s'agit bien aussi d'un choix de politique industrielle", avait-il estimé lors d'un déplacement sur la base aéronautique navale de Lann-Bihoué. C'est d'ailleurs un programme cher à Jean-Yves Le Drian.

Le lancement du programme va donner au groupe naval et à l'ensemble des sous-traitants "une visibilité significative dans leurs plans de charge (tant en ingénierie qu'en production)", avait expliqué le ministre. Ce qu'avait souligné également le délégué général : "cette opération présente un intérêt évident pour alimenter les bureaux d'études, qui autrement seraient restés à sec. La perspective est donc vertueuse au regard du maintien des capacités industrielles comme militaires, les frégates FTI étant d'un haut niveau". La FTI sécurisera donc à la fois la production à Lorient et les bureaux d'études de DCNS et de Thales dans le domaine naval.

Renforcement de l'offre française à l'export

"La réduction du nombre de FREMM à huit permet de dégager des crédits nécessaires au développement du programme FTI", avait assuré aux députés Laurent Collet-Billon. L'idée de la frégate de taille intermédiaire a été lancée il y a environ quatre ans en raison de la difficulté par les industriels et la France à exporter la FREMM, qui s'est pourtant vendue au Maroc, puis en Égypte. Toutefois la FTI "correspond en réalité au tonnage en vigueur sur les marchés à l'exportation", avait précisé Laurent Collet-Billon. Un format qui correspond beaucoup plus que les FREMM au marché export à l'image des frégate La Fayette (6 vendues à Taïwan puis à Singapour et 3 à l'Arabie Saoudite).

"L'analyse de la DGA, menée en collaboration avec DCNS et son partenaire Thales, a démontré le besoin d'un renforcement d'une offre française à l'export, qui soit complémentaire du produit FREMM", avait expliqué fin mai 2015 le ministre. "L'enjeu est aussi de pouvoir nous différencier au plan technologique, d'ici à dix ans, d'une concurrence mondiale concentrée sur le créneau des frégates de taille intermédiaire, avec le lancement de projets similaires en Espagne, Italie, et Allemagne notamment".

La Marine voulait les FTI

Le programme FTI revient de très, très loin. Il n'aurait certainement jamais vu le jour si la France avait souhaité se doter comme prévu de 11 FREMM. "Si nous avions choisi 11 FREMM en plus des deux FDA (frégates Horizon, ndlr), il nous aurait fallu deux frégates supplémentaires. Or je ne crois pas à une série de deux unités : la rupture de capacité aurait été définitive", avait expliqué en octobre 2015 l'ancien chef d'état-major de la Marine, l'amiral Bernard Rogel. D'où le plan de 8 FREMM, deux FDA et 5 FTI afin que la Marine dispose de 15 frégates de premier rang.

"Le plan que nous avons retenu offre donc la meilleure solution. Il permet à la fois de respecter l'enveloppe budgétaire, de doter la marine de quinze frégates de premier rang et d'augmenter la prestation export de l'industrie française", avait souligné l'amiral Rogel.