Missiles : c'est à la vie, à la mort entre Londres et Paris

Par Michel Cabirol  |   |  959  mots
Paris et Londres lancent la prochaine génération de missiles de frappe dans la profondeur en vue de remplacer en 2030 les Exocet, Harpoon, Scalp et Storm Shadow actuellement en service dans les forces armées françaises et britanniques.
La France et la Grande-Bretagne renforcent une nouvelle fois leur relation dans la défense qui est déjà très étroite. Les deux pays ont lancé la prochaine génération de missiles de frappe dans la profondeur, dont le développement a été confié à MBDA.

A la veille du Brexit, la France et le Royaume-Uni renforcent un peu plus leur intimité déjà étroite dans la défense. Les deux pays ont lancé mardi un nouveau projet de coopération important dans le domaine des missiles de frappe dans la profondeur, qui est un véritable enjeu de souveraineté pour les deux pays en matière de compétences. Un tel engagement repose sur une confiance maximale entre les deux pays d'autant qu'un divorce serait très préjudiciable aux deux partenaires. C'est le missilier européen MBDA, qui permet à Londres et Paris de nouer une relation aussi intime. "Cet accord sécurise l'autonomie stratégique de la France et du Royaume-Uni pour leurs futures capacités de frappe dans la profondeur", a d'ailleurs expliqué  le PDG de MBDA, Antoine Bouvier.

"Cette capacité future est stratégique tant d'un point de vue industriel que d'un point de vue opérationnel. Ce nouveau programme va constituer l'épine dorsale de notre initiative One Complex Weapons", a confirmé mardi le délégué général pour l'armement, Laurent Collet-Billon cité dans le communiqué de MBDA.

Dans ce cadre, la France et la Grande-Bretagne ont confié au missilier européen,qui a été longtemps porté par les produits d'Aerospatiale Missiles (Milan, Aster, Exocet, Apache...), un contrat d'une valeur de 100 millions d'euros (50-50 Paris et Londres). Il porte sur le lancement d'une phase de concept conjointe pour le programme de Futur missile anti-navire (FMAN) et du Futur missile de croisière (FMC).

Quels pays pour rejoindre le couple franco-britannique

Cette phase de concept sera en outre "partagée entre les deux nations à égalité en quantité et qualité de charges de travail", a précisé MBDA dans un communiqué. Cet accord a été signé mardi par la ministre britannique des acquisitions de défense, Harriett Baldwin, et Laurent Collet-Billon. La DGA agira en tant qu'autorité contractante pour cette phase de concept auprès de MBDA.

Selon MBDA, cette phase de concept qui va s'étaler sur trois ans, "vise à établir les expressions de besoin et les décisions qui permettront de lancer ultérieurement une phase potentielle de démonstration et d'évaluation pour la prochaine génération de missiles antinavires et de missiles de croisière". Objectif, aboutir à une capacité opérationnelle d'ici à la fin de la prochaine décennie à l'horizon 2030 pour remplacer les missiles actuellement en service : Exocet, Harpoon, Scalp et Storm Shadow. Au titre de ce contrat, MBDA va tenter de consolider les technologies et les systèmes "visant à améliorer la survivabilité, la portée et la létalité de missiles antinavires et de croisière tirés d'avion et de navires de combat".

Une relation de plus en plus intime entre Paris et Londres

Le programme FMAN/FMC résulte de la relation de défense très étroite nouée entre les deux pays au travers du traité de Lancaster House. Ce nouvel accord est un exemple supplémentaire du travail commun mené sous l'égide du traité de Lancaster House de 2010 et s'appuie sur des besoins capacitaires et des plannings de livraison analogues entre la France et le Royaume-Uni. Il fournira des gains d'efficacité et contribuera à optimiser la dépense publique. "Notre relation avec la France est forte et durable. Nous avons une longue histoire de coopération en matière de défense et sécurité avec notre allié européen", a confirmé Harriett Baldwin, citée dans le communiqué. Pour Laurent Collet-Billon, la France et la Grande-Bretagne lance "une nouvelle phase majeure de notre coopération bilatérale, en préparant ensemble une génération de missiles".

"Seule la coopération permettra sur le long terme à l'industrie européenne de garder la masse critique pour continuer d'offrir à l'Europe un accès indépendant aux technologies de souveraineté", a estimé Antoine Bouvier.

Récemment les ministères de la défense français et britannique ont confié à MBDA  la rénovation à mi-vie des missiles de croisière SCALP/Storm Shadow. Ce partenariat a permis à Londres et Paris à travers le missilier européen de développer une gamme de systèmes de missiles efficaces tels que le Scalp/Storm Shadow, le Meteor, l'Aster ou encore l'ANL/Sea Venom, de rationaliser le développement et la production de missiles au travers de l'organisation One MBDA et, enfin, d'harmoniser les efforts de R&T (Recherche & Technologie) de l'ensemble de la filière missiles des deux pays via le programme MCM-ITP (Matériaux et Composants de Missiles - Innovation and Technology Partnership).

De nombreux exemples de coopérations

Outre les missiles, la France et la Grande-Bretagne coopèrent étroitement dans les drones de combat avec le programme FCAS. C'est le cas également dans l'armement terrestre. Autre fruit de la coopération industrielle franco-britannique, le canon de 40 mm CTA40 se distingue également comme un produit technologiquement en avance sur ses concurrents. Par ailleurs, Paris et Londres ont signé un accord renforçant encore la coopération franco-britannique dans le domaine des moyens d'essais hydrodynamiques. Les moyens d'essais du centre DGA techniques hydrodynamiques de Val de Reuil et ceux de son homologue britannique, le Bassin océanique d'Haslar permettront la conception de leurs moyens navals respectifs parmi lesquels les futurs sous-marins des deux nations.

Enfin, la France et la Grande-Bretagne ont lancé en octobre dernier  la réalisation du projet franco-britannique Maritime Mine Counter Measures (MMCM). Ce projet vise à mettre au point une nouvelle capacité stratégique de lutte contre les mines maritimes à base de drones navals, de surface et sous-marins. Les ministères de la Défense français et britannique vont ainsi faire développer, réaliser et qualifier deux prototypes identiques. Chaque nation prendra livraison de son exemplaire en 2019.